ULTIMATUM
L'ASSÉ ou les fondements d'un outil provincial de lutte
Éditorial - Par Héloïse Moysan-Lapointe
ASSÉ et stratégie de lutte - Par Philippe Coderre-Sévigny
Les luttes des femmes - Par le Comité Femmes de l'ASSÉ
La langue macho - Par le Comité femmes de l'ASSÉ
Hausse de frais pour les étudiants et étudiantes étranger-ère-s - Par David Pépin
Les contrats de performance - L'affaire est loin d'être réglée - Par Benoît Lacoursière
L'Université : pour qui ? - Par Thomas Chiasson-Lebel et Richard Miron
L'Éducation en quête d'une nouvelle identité - Par Jérémie Duhamel
L'ASSÉ solidaire du mouvement étudiant international - Par Benoit Marsan
Luttes étudiantes au Chili - Par Thomas Chiasson-Lebel
Le Sommet des Amériques et la mobilisation étudiante - Par Mélissa Hamel
Hausse de la tolérance face à l'oppression étatique - Par Martin RoseL'autogestion : ses idées et sa pratique - Par Mathieu Houle-Courcelles
L'Ultimatum et l'expression des libertés d'expression - Par Jérémie Duhamel
Par Alexandre Marion, étudiant en Histoire à l’UQAM
L'Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante est une nouvelle organisation étudiante, de type syndical, qui s'inscrit à plusieurs niveaux en rupture avec ce que la dernière décennie nous avait amené au plan du mouvement étudiant. En effet, l'ASSÉ a vu le jour en février 2001, à l'appel de plusieurs syndicats étudiants locaux qui ont exprimé leur ras-le-bol devant les reculs incessants dont a été victime la population étudiante. Suite à un processus de réflexion et d'analyse sur le syndicalisme étudiant, ces mêmes associations se sont dotées d'un outil de lutte à l'échelle du Québec, en occurrence l'ASSÉ. Le défi était de taille, car il était question d'apprendre des leçons de l'Histoire, tout en tenant compte de la conjoncture actuelle. Il était nécessaire de créer un véritable pôle syndical au niveau étudiant, car aucune organisation n'avait prouvé sa capacité à coordonner les luttes au niveau régional ou provincial. Ce texte se veut donc un explicatif de ce qui a amené l'ASSÉ à voir le jour, mais surtout, ce qu'elle est depuis quelques mois en tant qu'organisation vivante.
Le syndicalisme de lutte
Le terme syndicalisme étudiant en laisse souvent plus d'un ou une perplexe, d'autant lorsqu'on fait référence au syndicalisme de lutte ou de combat. Ce terme fait référence à la défense de droits et d'intérêts, aux plans individuels et collectifs. Les étudiantes et les étudiants ont des intérêts matériels, académiques, sociaux et autres qui leur sont propres; ils doivent être défendus à l'intérieur de la société. Il s'agit précisément du mandat premier d'un syndicat étudiant, qui doit défendre ses membres, indépendamment des opinions politiques, philosophiques ou religieuses. Aussi, le syndicalisme de lutte s'est avéré le plus efficace tout au long de l'histoire, parce qu'il répond aux besoins immédiats de la base étudiante, tout en permettant une étroite relation avec les autres domaines de la société. L'organisation est nécessaire si nous voulons créer un rapport de force et avoir un certain pouvoir face au gouvernement. Rapport de force n'est toutefois pas synonyme d'armée et de missiles, c'est un concept faisant référence à la force du nombre. En ce sens, il est primordial de se doter d'une organisation qui soit dirigée par l'ensemble de ses membres. C'est donc ici qu'intervient le syndicalisme de lutte, qui commence par un échange d'informations à la base menant à la prise de décisions et d'orientations votées par cette même base. Étant le fruit de la volonté collective, les décisions prises amènent une participation massive des étudiantes et étudiants dans l'action. À l'échelle québécoise, l'ASSÉ est donc un outil pour permettre un rapprochement et une coordination entre les différents syndicats étudiants locaux, mais aussi entre les différentes régions qui connaissent des difficultés spécifiques. Au niveau étudiant, l'ensemble des gains effectués depuis la création du ministère de l'Éducation en 1964, est le résultat direct d'une mobilisation générale coordonnée par un syndicat combatif. Voyons donc maintenant comment s'organise un tel syndicat de lutte.
Les structures : un mal primordial
Évidemment, il serait idéal de pouvoir réunir l'ensemble des étudiantes et des étudiants spontanément sans organisation structurée. Par souci d'intégrer et d'activer la population étudiante de façon démocratique, l'organisation est ce qui permet sa stabilité et sa permanence. Tant au niveau local que national, il est nécessaire de se donner les moyens pour arriver à nos fins. Tout d'abord, l'organisation doit être sous le contrôle direct de ses membres et le meilleur moyen d'y arriver est par la plus grande décentralisation possible. Ceci passe donc par des exécutifs de syndicats locaux, élus par la base pour faire respecter les mandats de l'Assemblée générale. Ces exécutifs se doivent ensuite de faire écho aux décisions de la base à l'intérieur des regroupements régional et provincial. Nous avons précédemment fait référence aux problèmes qu'a vécu le mouvement étudiant des dernières années. Ces problèmes résultaient entre autres d'une grande centralisation des pouvoirs entre les mains d'un nombre restreint d'individus. Ces personnes étaient aussi trop souvent issues des grands centres, comme Montréal et Québec. De telles structures laissent peu ou pas de place à l'intégration des différentes régions et de la base au sein du mouvement.
Pour pallier ces problèmes, les différentes associations ayant participé à l'élaboration des structures de l'ASSÉ ont choisi une forme très décentralisée. Tout d'abord, le Congrès, où sont représentés les syndicats étudiants locaux, est l'instance décisionnelle suprême de l'organisation. C'est d'ailleurs cette instance qui élit sept personnes non-décisionnelles au Conseil exécutif, qui doit veiller à la mise en application des mandats et des décisions prises par la base. Ensuite, les syndicats locaux se regroupent également en Conseils régionaux, qui ont pour but de coordonner les luttes à caractère régional. Le Conseil interrégional est l'instance intermédiaire réunissant les Conseils des différentes régions pour lier les luttes des différentes régions et superviser le travail du Conseil exécutif. Les comités de travail, élus par le Conseil interrégional, ont des tâches de recherche, de suivi et de soutien à l'exécutif. Finalement, viennent les Comités Femmes, du journal, ainsi que les comités ad hoc, qui relèvent directement du Congrès. Le Comité du journal produit et distribue l'Ultimatum. Le Comité Femmes a pour objectif de faire progresser la condition féminine, tant à l'intérieur de l'ASSÉ que dans la société. Il est aussi responsable d'effectuer des recherches et de produire du matériel traitant de la question femmes.
Bref, si la structure de l'ASSÉ paraît lourde à la première impression, c'est précisément dans le but de restreindre les pouvoirs accordés aux élus et élues. Une telle organisation ne peut toutefois qu'être viable s'il y a une implication massive des étudiantes et étudiants. Aussi, il est très important de spécifier que les structures, comme l'ensemble des décisions, ne sont pas coulées dans le béton, c'est-à-dire qu'elles peuvent être modifiées si le besoin s'en fait sentir. L'ensemble de ces mandats est le reflet direct de la volonté des membres, mais l'ASSÉ est une jeune organisation. Cela signifie que les nouvelles adhésions peuvent modifier le visage et l'orientation de l'organisation. Bref, il est primordial qu'un grand nombre de militants et surtout de militantes s'implique à l'intérieur de l'organisation. Il s'agit malheureusement d'un fait accablant que le taux de participation des femmes sur la scène syndicale soit énormément plus faible que celui des hommes. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène (nous laisserons toutefois le Comité Femmes effectuer une analyse plus évoluée sur le problème), mais nous pouvons affirmer que l'ASSÉ débattra au prochain Congrès de mesure favorisant l'implication féminine, en laissant la place qui revient à celles qui représentent au moins la moitié de la population.
Les principes de base
Pour créer une organisation syndicale solide, il est clair qu'il ne suffit pas d'avoir une bonne structure! Bien plus, ce qui favorise l'implication, c'est l'orientation que prend le syndicat, orientation qui commence avec les principes de base sur lesquelles s'est construite l'organisation. Comme nous l'avons mentionné plus haut, il ne faut pas considérer les structures comme une fin en soi, mais comme un moyen nécessaire pour arriver aux objectifs que sont les revendications. La plate-forme de principes sur laquelle l'ASSÉ est née commence avec celui d'une éducation publique, gratuite, laïque, de qualité, accessible et non-discriminatoire. Il faut prendre conscience de l'importance de la signification du terme "éducation", qui n'est pas synonyme de "formation". En effet, l'éducation fait référence à l'apprentissage en tant qu'être humain, femme ou homme, qui a à vivre en société. À l'heure actuelle, on choisit trop souvent notre domaine d'étude dans l'optique d'un emploi, mais le contraire devrait être plus fréquent. C'est l'emploi qui devrait être dépendant de la connaissance acquise durant les études. Ce principe s'appuie donc sur la nécessité d'offrir sans frais, à l'ensemble de la population, la meilleure connaissance possible en éliminant les obstacles comme la religion, tout en satisfaisant le marché en se soumettant à ses lois.
Ensuite, l'ASSÉ s'est prononcée pour un régime d'aide financière adéquat ayant pour but d'éliminer l'endettement étudiant et d'assurer la satisfaction des besoins fondamentaux. Ce principe s'inscrit directement dans le même axe que le précédent, c'est-à-dire que pour créer une Éducation accessible, les bourses à l'étude doivent obligatoirement permettre de vivre décemment, sans avoir à s'endetter. Le principe s'opposant à l'ingérence de l'entreprise privée en Éducation est nécessaire à l'émancipation du savoir fondamental, car celui-ci disparaît dès qu'on commence à parler de "marché de l'instruction". Il est à noter que néolibéralisme actuel prône une déréglementation de l'Éducation pour faire une plus grande place à la privatisation. Donc, il ne faut surtout pas penser que ces principes sont uniquement théoriques; ils ont bel et bien une assise solide pour une lutte au quotidien.
La revendication faisant appel à la démocratisation des institutions d'enseignement dans une perspective autogestionnaire relève d'une volonté étudiante à prendre en charge leurs responsabilités en tant qu'intellectuelle et intellectuel. En effet, les étudiants et les étudiantes sont logiquement les mieux placé-e-s pour définir les orientations que doit prendre leur éducation. Une autogestion complète serait contradictoire avec la notion de système étatique d'éducation, mais il est primordial que la population étudiante, tout comme les enseignantes et enseignants, les chargés et chargées de cours et le personnel, s'occupe de la gestion des problématiques qui la concernent.
Le principe appelant à la solidarité syndicale avec l'ensemble des luttes progressistes vise encore une fois à ce que la base étudiante prenne possession de la place qu'elle doit occuper dans la société. Tout individu qui étudie est d'abord citoyen, nous sommes des femmes, des hommes, des futur-e-s tavailleuses et travailleurs. Nous sommes beaucoup plus qu'étudiante ou étudiant, c'est dans cette optique qu'il faut publiciser et prendre position sur les enjeux politiques et sociaux. La mondialisation telle que nous la voyons actuellement, qui est une reconstruction du système capitaliste, entérine la prédominance du profit sur le bien-être collectif de la population. Non seulement cette reconstruction nous affecte par l'Éducation, elle nous affecte surtout en tant qu'être vivant en société. C'est pourquoi l'ASSÉ s'est doté d'un mandat s'opposant à une telle mondialisation. Nous pourrions élaborer beaucoup plus en détails chacun de ces principes, tant au plan théorique que dans la praxis, mais ce bref survol permet à quiconque d'avoir une vision d'ensemble plus éclairée sur les bases fondamentales de l'ASSÉ.
Positions, revendications et plan d'action
Syndicalisme de combat oblige, ces trois éléments sont difficilement dissociables à l'intérieur de l'ASSÉ. Prenons comme exemple l'événement majeur de la session d'hiver 2001, à savoir, le Sommet des Amériques. L'ASSÉ s'identifiant d'ores et déjà à un principe s'opposant à la mondialisation des marchés, elle s'est clairement positionné contre la Zone de Libre-Échange des Amériques (ZLÉA). Une fois une telle position adoptée, il n'est que naturel de mettre de l'avant des revendications allant de pair avec l'orientation donnée. C'est pourquoi, suite aux mandats des Assemblées générales locales, le Congrès de février 2001 a revendiqué l'abandon du processus passant par le retrait du Canada de toute négociation. Des luttes semblables ne peuvent aboutir autrement que par la mobilisation à la base, ce qui entraîna inévitablement un plan d'action appuyant les manifestations prévues et les groupes anti-ZLÉA. L'ASSÉ a aussi participé à la grève générale étudiante d'avril et a établi un échéancier pour un appel à la grève générale continentale d'ici 2005, date butoir des négociations entourant l'accord.
Parmi les autres positions de l'ASSÉ, on retrouve une opposition au consensus émanant du tristement célèbre Sommet du Québec et de la Jeunesse. Rappelons que ce Sommet est responsable des Contrats de performance (universités), des Plans de réussite (collèges) ainsi que de la Politique jeunesse de l'emploi, pour ne nommer que ces avatars de la Réforme Legault. Au niveau académique, l'ASSÉ s'est positionnée contre les Attestations d'Études Collégiales ne visant pas l'actualisation d'une formation antérieure, contre l'habilitation et l'accréditation des collèges, contre la rationalisation des programmes à l'université et contre les Plans de réussite. Sans entrer dans les détails, mentionnons que ces politiques s'inscrivent à merveille dans la logique néolibérale à la mode favorisant la compétition entre les institutions d'un même système.
Plusieurs positions de l'ASSÉ ont pour cible l'organisation en soi, c'est-à-dire qu'elles définissent les moyens d'action et l'attitude générale de l'ASSÉ en société. Comme nous l'avons vu précédemment, pour faire reculer l'État bourgeois et faire des gains, il nous faut construire et conserver un rapport de force permanent à la base. Pour faire respecter cette décision, l'ASSÉ s'est dotée de positions visant à conserver une autonomie politique, face aux partis politiques et à l'État, tant au niveau du discours que de l'organisation. Suivant la même logique, l'ASSÉ s'oppose à toute forme de lobbying, car celui-ci est caractérisé par des moyens de pression faisant fi de la base étudiante. De même, elle s'oppose à toute négociation qui ne serait pas légitimée par un important rapport de force de la population étudiante, c'est-à-dire un appui de la base en toute connaissance de cause.
Pour faire suite à ces positions, les syndicats étudiants locaux ont appelé l'ASSÉ à se munir de revendications précises, sans perdre de vue le contexte global. Une telle analyse permet une lutte radicale, c'est-à-dire s'attaquant à la racine du problème. Dans cette plate-forme, notons le retrait immédiat de la Taxe à l'échec, l'annulation de la réforme mieux connue sous l'appellation "Plan Legault" et incluant tout arrimage du système d'Éducation à l'entreprise privée et tout esprit compétitif malsain. N'oublions pas non plus l'abandon de toute forme de financement conditionnel au rendement des institutions, l'amnistie pour l'ensemble des prisonnières et des prisonniers politiques du Sommet des Amériques. Finalement, l'ASSÉ revendique un réinvestissement massif dans le budget de l'Éducation, dans les programmes sociaux ainsi que dans le système public et parapublic. Aussi, par extrapolation des positions sur les stratégies à adopter par l'ASSÉ, on peut en déduire que l'ASSÉ dénonce les stratégies de lobbying et de concertation, car celles-ci ne se font pas avec un appui conscient de la population étudiante.
Au chapitre du plan d'action, outre celui concernant la ZLÉA, l'ASSÉ a appuyé le boycott de la Taxe à l'échec, elle participe aussi au boycott de l'évaluation institutionnelle lancée par les enseignantes et enseignants. Une campagne d'information, de conscientisation et de mobilisation sur la question de l'endettement étudiant (régime de prêts et bourses, bourses de mobilité pour les cycles supérieurs et bourses du millénaire) sera vraisemblablement lancée au cours de l'année 2001-02. Finalement, une journée d'actions locales est appelée pour la mi-novembre, pour s'opposer à la privatisation des institutions scolaires et au Plan Legault qui s'inscrit dans le démantèlement du réseau public d'éducation. Dans une optique d'escalade des moyens de pressions, une manifestation nationale est aussi appelée pour février 2002. Ce plan d'action n'est toutefois qu'un sommaire aperçu, car il sera sans aucun doute modifié tout au long de l'année, au gré des luttes menées.
Concluons donc en rappelant une ultime fois que l'ASSÉ est une organisation encore toute jeune, donc le bref ABC exposé dans ce texte reste sujet à changement. En effet, de nombreuses adhésions peuvent modifier l'alphabet de l'ASSÉ, chacune des associations y apportant une lettre pour faire du tout un syndicat à l'image de ses membres. De nombreuses questions restent en suspens pour l'année à venir, donc si vous voulez apporter votre touche personnelle ou collective à une organisation nouvelle, il est toujours possible de renverser la vapeur par rapport à la dernière décennie si déprimante. La construction du rapport de force doit commencer dès le début de la session en cours, j'en profite donc pour vous inviter toutes et tous, aussi innombrables puissiez-vous être, à participer au tout premier Camp de formation de l'ASSÉ. Cet évènement se tiendra la fin de semaine des 15 et 16 septembre 2001, sur le site d'une base de plein-air. Une multitude de sujets y sera abordée, mais pour plus d'informations sur le camp, consultez votre syndicat étudiant local, ou encore le site Internet de l'ASSÉ (http://www.asse-solidarite.qc.ca). Au plaisir de vous y rencontrer plus qu'en grand nombre!!!
Par Héloïse Moysan-Lapointe, étudiante à Maisonneuve
Après bientôt quatre ans d'existence, l'efficacité de l'incitatif à la réussite est encore loin d'être démontrée. La taxe à l'échec repose sur le principe de l'utilisateur-payeur, supposant qu'en ayant à payer pour un service, l'étudiant ou l'étudiante réduira sa consommation d'éducation. Si le but avoué de la mesure est de responsabiliser les étudiants et étudiantes, l'objectif concret est plus simplement de limiter l'accessibilité au système d'éducation.
Mais avant toute chose, attardons-nous à quelques facteurs favorisant l'échec. Le plus évident sera sans nul doute le manque d'étude et de travail. Il est certes facile de mettre le blâme sur ce paresseux parasite, mais n'oublions pas que le parasite type, celui qui échoue a, plus souvent qu'autrement, des obligations monétaires qui le forcent à travailler durant la session …vingt heures de cours, autant d'étude, rajoutées à dix ou vingt heures de travail rémunéré, on est bien loin de la semaine de 35 heures …
On attribue aussi l'échec au manque de concentration. Entre les comptes à payer, l'emploi précaire, les difficulté dans les cours, rares sont ceux qui gardent la tête froide. Les résultats scolaires en subissent évidemment les conséquences.
Ces deux exemples se rapportent à la situation financière incertaine si inconfortable d'un grand nombre d'étudiants et d'étudiantes. Il est tout à fait contradictoire de prétendre contrer l'échec par l'imposition d'une charge monétaire supplémentaire.
Qui plus est, cette mesure défavorise les moins bien nanti-e-s, ceux et celles qui, à la base, nécessiteraient pourtant une aide supplémentaire de nos institutions. D'abord et avant tout, soulignons que le même frais constitue une charge beaucoup plus imposante pour l'individu qui dispose de peu de moyens financiers. Pour les uns, deux cent dollars , c'est du domaine du superflu, le luxe qu'on ne se paiera pas, mais pour d'autres, ce même montant représente bien concrètement leur part de loyer à payer à chaque mois. De plus, la taxe à l'échec incite à échelonne les études collégiales sur une plus longue durée. Pourtant, dans plusieurs programmes, il est avantageux de terminer son DEC dans les temps normaux un certain pourcentage des prêts étudiants étant alors convertis en bourse. On notera encore la contradiction : ceux et celles qui doivent étaler leur DEC sur une plus longue durée afin de pouvoir concilier argent et études se trouvent encore pénalisés monétairement.
Sur ces constats, de nombreuses associations étudiantes se sont positionnées contre la taxe à l'échec. Ce n'est pourtant qu'à l'automne passé que la lutte à la taxe à l'échec a pris une tournure concrète. Lors du premier forum des associations étudiantes collégiales de l'année scolaire, les associations présentes se sont engagées à tenir des consultations ( referendum ou Assemblée générale ) sur la question de la taxe à l'échec. Avant la fin de la session, 22 associations étudiantes avaient pour mandat de boycotter la taxe à l'échec. Si le ministère de l'éducation a, malgré le grand nombre de boycotteurs et boycotteuses, fait la sourde oreille, plaidant l'absence d'une mesure alternative responsabilisante pour l'étudiante ou l'étudiant moyen-ne, le mouvement de boycott a tout de même réussi à obtenir de nombreux appuis. Les commissions des études et les conseils d'administration de plusieurs cégeps se sont en effet positionnés contre la taxe à l'échec. Le mouvement reçu aussi de nombreux appuis de syndicats locaux de professeurs et professeures, d'employés et employées de soutien, etc. …
L'une des prémisses au mouvement de boycott était le refus de la négociation. Considérant que l'objectif du boycott était l'abolition complète, la négociation de quelque compromis eut été un échec. Réduire le coût par heure de cour, ou abolir l'incitatif à la réussite à la première session peut sans doute sembler un gain, mais l'essence de cette mesure serait maintenue, avec tout son caractère discriminatoire et coercitif.
En février, la Fédération Étudiante Collégiale du Québec ( FECQ ) a pourtant choisi de se dissocier du mouvement, afin de se permettre de négocier en toute liberté sans avoir à se soucier des fermes résolutions du mouvement de boycott. La FECQ louvoie d'un mandat contre quelque mesure financière à un autre lui permettant de négocier avec le gouvernement. Les cartes se clarifient à peine à l'heure qu'il est..
La FECQ, à la demande du ministère de l'éducation, proposera bientôt une mesure alternative à la taxe à l'échec. Cette mesure se nomme Mesure d'encadrement individualisée ( MEI ). Elle est expliquée en détail dans le document de travail du même nom. Cette mesure propose certes l'abolition de la taxe à l'échec, mais suggère de la remplacer par une forme beaucoup plus efficace de discrimination envers les étudiants et les étudiantes éprouvant plus de difficulté. Suite à l'échec d'un cours, une lettre serait envoyée à l'étudiante ou l'étudiant. Dans le cas d'un échec de plus d'un cour, l'étudiante ou l'étudiant devra se soumettre au moyen déterminé par le collège pour soutenir la réussite de celui-ci ou celle-ci. Ces moyens sont plus souvent qu'autrement une série de conditions restrictives. L'étudiant ou l'étudiante doit s'engager à réussir plus de la moitié de ses cours, sous menace de ne pas être réinscrit à la session suivante advenant un échec de session. Lors de son retour aux études, les mêmes conditions s'appliquent. Il est totalement absurde de croire que suspendre un étudiant ou une étudiante pour la durée d'une session facilitera la réussite. En plus de perdre le fil des cours, cet arrêt obligatoire favoriserait fort probablement le décrochage.. La FECQ défend la proposition en affirmant naïvement que les mesures plus sévère ne seront pas appliquées. Pourtant, dans la limite de leurs pouvoirs, les collèges appliquent déjà des mesures semblables.
Dans le même document, la FECQ souligne l'importance d'appuyer les plans de réussite et diplomation, forme pourtant évidente de financement conditionnel.
Au printemps 2001, le boycott de la taxe à l'échec fut pour un instant mis en veilleuse, Sommet des Amériques oblige. Mais cette session, il semblerait que la lutte renaisse de ses cendres. Déjà, plusieurs étudiantes et étudiants ont choisi de boycotter encore la taxe à l'échec afin de réclamer son abolition. Pourtant, l'abolition par voie de négociation impliquerait qu'elle soit remplacée par quelque mesure " responsabilisante " du même ordre, c'est pourquoi il importe que les associations étudiantes locales affirment par mandats et actions leur solidarité aux boycotteur et boycotteuse-s. Actions symboliques, articles dans les journaux étudiants, etc. … tous les moyens sont bons pour redonner vie à cette lutte.
Pour plus d'information, n'hésitez pas à consulter votre association étudiante locale.
Par Philippe Coderre-Sévigny, étudiant à St-Laurent
Depuis dix ans, les conditions de vie avec lesquelles les étudiantes et étudiants ont à composer ne cessent de se détériorer. Lorsque les gouvernements successifs avaient des " motifs " (récession du début des années '90, déficit zéro) de sabrer, ils ne lésinaient pas. La situation s'améliorant, toutes les énergies de nos gouvernements se sont concentrés sur des baissent d'impôts que demandent les mieux nanti-e-s. Pourtant, les étudiantes et étudiants ont bel et bien perdu près de mille dollars par année dans leur budget qu'ils ou elles déboursent maintenant en frais de scolarité. C'était une hausse de 350%. Le pourcentage de bourses accordées comparativement aux prêts ne cessent de décroître. Le budget de l'éducation a perdu près de 20% de son enveloppe. La qualité et la diversité de l'éducation, les différents programmes, tout ce qui pouvait faire d'une école un milieu de vie, était frappée de plein fouet. Il y eut la taxe à l'échec, les contrats de performance pour les universités, le financement privé (donc conditionnel!) de l'éducation, la hausse de frais de scolarité pour les étudiants et étudiantes étranger-ère-s et bien d'autres choses. Il est difficile de concevoir ce qu'était l'éducation, il y a dix ans, comparativement à maintenant; nous ne pouvons que balancer des chiffres, des faits, mais… Et le mouvement étudiant dans tout ça?
Il est clair qu'il n'a pas réussi à contenir ces reculs ni la logique qui les porte. Nous ne croyons pas que cette situation découle d'un quelconque hasard, mais qu'elle est le fruit d'une stratégie et de jeux politiques condamnés d'avance. Non seulement, nous n'arrivions pas à avoir des gains, mais nous nous en donnions même pas les moyens. Il est illusoire de penser que nous pouvions réellement et d'une façon durable améliorer notre sort en adoptant des stratégies de lobby. Les étudiantes et les étudiants n'arriveront jamais qu'à la taille de tous les lobby du patronat et des autres forces qui ne veulent pas de changement social. Nous n'avons pas leur moyens financiers. Nous croyons que notre engagement doit s'opérer où nous avons les moyens de réussir c'est-à-dire au niveau de la base étudiante. Nous vivons presque tous et toutes dans une situation précaire. Nous n'avons aucun contrôle sur ce que nous apprenons, sur notre milieu de vie. Nous avons pour la plupart d'entre nous à cumuler un deuxième emploi en plus de celui d'étudiante ou d'étudiant. Il suffit de se sentir responsable personnellement et mutuellement du sort de chacun et chacune , de s'en donner des moyens d'information, d'entretenir continuellement une démocratie réelle et solidaire qui tiendrait les étudiantes et les étudiants prêt-e-s à se défendre. Il peut sembler illusoire d'en arriver à ceci, mais le mouvement étudiant et presque tous les mouvements sociaux ont déserté depuis des années cette stratégie et cette préoccupation constante. Avec le Sommet des Amériques, nous avons pu voir un vent de solidarité souffler et nous croyons qu'il est possible maintenant de faire naître quelque chose plutôt que d'étouffer nos préoccupations dans les bureaux du ministère. Sans ces moyens que nous nous donnons, nous n'arriverons à rien et nous perdrons encore.
En somme, l'ASSÉ propose que les étudiantes et les étudiants puissent se prendre en main dans quelque chose qui, au niveau national, pourra être fonctionnel et éviter les cafouillages. Elle propose des organes d'information ouverts et démocratiques, comme le journal comme vous lisez présentement, elle propose tout ce qui pourra susciter des débats et faire prendre conscience aux étudiantes et étudiants qu'ils peuvent avoir un impact sur leurs milieux s'ils ou elles se regroupent. Nous devons être conscient-e que la conscientisation et la mobilisation sont des travaux de longue haleine et que l'ASSÉ est simplement un moyen, une possibilité de réaliser ceci. L'ASSÉ n'est rien sans l'apport de tous, toutes et chacun, chacune.
Nous croyons qu'en tant qu'étudiantes ou étudiants, nous faisons partie d'une société; il est important au cours de nos luttes de pouvoir garder une perspective sur ce que nous faisons. En fait, nous ne sommes pas moins une femme, une minorité raciale, un gai ou une lesbienne, un ou une pauvre parce que nous sommes étudiants ou étudiantes et nous avons à positionner nos luttes dans ces perspectives comme nous avons à les ouvrir dans nos luttes . C'est en fait ce que nous proposons avec ce journal. Il comprend des articles subjectifs, certes, mais qui ont l'avantage d'offrir des alternatives à l'idéologie dominante et d'en comprendre les fondements plutôt que d'en remâcher les principes dans des articles objectifs. De toute façon, les débats sont ouverts…
Par le Comité Femmes de l’ASSÉ
Il est courant d'entendre que le XXIe siècle sera celui des femmes; qu'avec tous les gains que celles-ci ont obtenus dans les dernières décennies, tant au niveau du droit de vote que de l'accès à l'éducation ou au marché du travail, il ne peut en aller autrement. Mais un grand gain reste encore à faire, celui de l'égalité complète et reconnue entre l'homme et la femme... Ce dernier gain n'en est pas un des plus évidents, il est plutôt la finalité de toutes les luttes féministes. Pour en arriver à tout changement social - élimination du patriarcat comprise - il doit s'opérer a priori un changement de mentalité. Le langage employé ainsi que la visibilité et la présence des femmes sont, en autres, des facteurs qui peuvent réussir à amorcer ce changement de mentalité , mentalité que nous est imposée à tous et à toutes du fait que nous évoluons dans une société profondément patriarcale.
Nous pouvons constater que le langage influence la pensée : il est pour nous très difficile, voire impossible, de songer à des concepts qui ne s'expriment pas par le langage. Comment pourrait-on songer à des concepts tels que le Bien et le Mal si on ne pouvait les exprimer? C'est en considérant cela qu'une des luttes les plus actuelles des femmes s'est amorcée, soit la lutte pour la féminisation. En 1979, des femmes françaises, soutenues par un groupe féministe de l'époque, Les Ménagères, commencèrent à réclamer la féminisation des titres de professions et de métiers. Et ce n'est que depuis 1986 que cette féminisation est reconnue en France! Féminiser, c'est parler des hommes ET des femmes qui composent la société; c'est parler des étudiantes ET des étudiantes, parce que nous sommes bel et bien des étudiantes et non des étudiants. Féminiser, c'est saisir que les femmes sont une composante importante de la société, qu'elles sont une composante aussi importante que les hommes. Féminiser est un moyen de pression contre l'ensemble de la société patriarcale dans laquelle nous vivons. Dans le contexte actuel, où il est encore difficile pour une femme de s'exprimer en public avec crédibilité, féminiser signifie qu'on accorde à la femme le même statut qu'à l'homme, qu'on la sait capable d'autant de choses. Pourtant, quand le débat sur la féminisation refait surface, plusieurs se plaignent : les textes féminisés sont trop longs, sont trop lourds... et en plus, ça ne donne rien! La féminisation oblige à un effort grammatical qui en dérange plusieurs, mais derrière ce petit effort se cache une réflexion beaucoup plus profonde, le fameux processus beaucoup plus complexe d'un changement de mentalité collective. La féminisation est un moyen de contestation contre la société patriarcale, elle est une réappropriation de la langue par les femmes. Il faut bien comprendre que la féminisation ne peut qu'avoir un effet à moyen et long termes. En effet, ce n'est pas d'admettre qu'il y a des femmes ingénieures qui fait qu'il y a immédiatement autant de femmes ingénieures que d'hommes ingénieurs. Mais à plus long terme, le fait de féminiser ajoute au potentiel de la condition féminine. La langue a longtemps été la propriété des hommes, on n'a qu'à prendre leur représentation à l'Académie française ; de 1635 à 1980, aucune femme n'y siégeait et même aujourd'hui on n'en compte qu'une seule sur les quarante (40) membres. Ce qui nous amène nous amène à parler d'une autre lutte menée par les femmes, surtout lorsqu'il est question de politique, la parité.
La parité est la représentativité adéquate des différents groupes dans une instance, selon la proportion d'individu-e-s qu'ils représentent dans la société. Pendant bien longtemps, les femmes d'Amérique du Nord ont été représentées de façon plus équitable (quoique totalement injuste) car elles bénéficiaient du droit des minorités à être représentées dans toutes les instances. Cette mesure, fondamentalement insuffisante, a tout de même aidé à accroître le rapport de force des femmes. Malgré qu'elle ait peut-être aidé la lutte, cette mesure était inacceptable car elle véhiculait un phénomène d'exclusion sociale liée au statut de minorité. Les femmes sont loin d'être une minorité, elles représentent un peu plus de 50% de la population mondiale! C'est pourquoi les femmes préfèrent maintenant luter pour la parité, celle-ci pouvant leur permettre d'avoir une représentativité équivalente à celle des hommes. Il est primordial, pour en arriver à ce que les droits des femmes soient autant reconnus que ceux des hommes, que les femmes puissent avoir une représentativité équivalente au sein de toutes les instances. Mais la notion de représentativité adéquate n'est pas la finalité de la lutte pour la parité, elle n'est qu'un moyen. Le but ultime de cette lutte n'est pas simplement une représentativité équivalente au sein des instances décisionnelles, mais bien une représentation adéquate des femmes dans toutes les sphères de la société. Au niveau du travail, ceci pourrait se traduire par un nombre comparable de femmes et d'hommes à titre d'employés et d'employées, de cadres, d'administratrices et d'administrateurs... Mais la société, telle qu'elle fonctionne actuellement, n'est pas prête à cela. Les femmes vivant des situations différentes de celles des hommes et ayant des besoins différents, tout le fonctionnement de la société est remis en cause et doit être changé; d'où la nécessité d'avoir autant de femmes que d'hommes au sein de toutes instances décisionnelles.
Une question a maintes fois refait surface : les luttes féministes ont-elles réellement leurs places en Éducation? On sait que le système d'éducation est financé par l'État, on sait aussi que les réformes qu'il subit sont une initiative de l'État; bref, on sait que l'Éducation est régie par l'État. On ne peut pas dissocier les réalités en Éducation de celles de la société. Le système d'éducation contribue grandement à former les citoyens et citoyennes. Il véhicule certaines valeurs et en écarte certaines autres. De par son fonctionnement, il privilégie certaines personnes, certaines classes, certains groupes et en défavorise d'autres. Les problématiques à l'intérieur de la société se retrouvent inévitablement dans toutes les sphères qui la composent, l'Éducation y compris. Les luttes féministes, comme toutes les autres luttes progressistes, ont donc beaucoup à faire dans le mouvement étudiant. C'est pourquoi l'ASSÉ a voulu accorder une place importante aux luttes des femmes, par la création du Comité femmes. Ce comité a pour objectif de promouvoir la lutte pour la condition des femmes en Éducation comme dans la société et ce, au sein de toutes les instances de l'ASSÉ. Aussi, ce comité se propose pour aider à la création de Comités femmes dans les institutions scolaires et représenter un centre de ressources pour aider les étudiantes. Il permet aux étudiantes de se réunir entre elles pour discuter des enjeux qui les concernent directement. Lors du dernier congrès de l'ASSÉ, le Comité s'est particulièrement penché sur les questions de la féminisation et de la parité. Il fut par la suite adoptée par le Congrès une féminisation complète des noms et l'emploi des tirets pour la féminisation des adjectifs et des pronoms. Le Comité a aussi demandé un droit de vote au Congrès, mais cette demande ne sera traitée que lors du congrès d'automne. Pour favoriser la parité au sein de toutes les instances de l'ASSÉ - l'ASSÉ a déjà une position voulant privilégier la parité au sein du Conseil exécutif - le Comité a demandé à ce que les délégations (composées de trois (3) personnes par association étudiante locale) présentes au Congrès soient composées d'au moins une femme, la représentation de 50% étant difficile dans ce cas... Cette proposition sera aussi traitée lors du prochain congrès, à la fin du mois de septembre.
Les femmes, à travers leurs nombreuses luttes, ont obtenu d'importants gains. Mais on n'en est pas pour autant arrivé à nos fins. Il est important de réaliser que, malgré l'idée générale que les femmes ont acquis un statut égal à celui des hommes, plusieurs luttes sont encore à mener. Il suffit de penser aux cas d'iniquités salariales qui composent plus la règle que l'exception ou à l'image de la femme qui n'a que pour seul atout ses belles fesses ainsi qu'aux nombreux autres exemples de discrimination faite envers les femmes pour être convaincu-e-s que le combat n'est pas terminé. CE N'EST QU'UN DÉBUT, CONTINUONS LE COMBAT!!!
Sources :
GOLDMAN, Annie, Les Combats des femmes, Casterman, Italie, 1998
www.multimania.com/les menageres/femmes.htm
Les groupes engagés se heurtent très souvent à des problèmes internes de domination interpersonnelles.
Si nous voulons travailler efficacement à un changement social, il nous faut nous pencher sur notre propre comportement. Plus souvent qu'autrement, ce sont les hommes qui, même minoritaires, dominent les activités des groupes mixtes. On peut presque parler d'un "pattern masculin de comportement"; non parce qu'il n'arrive jamais qu'une femme s'exprime de cette façon, mais parce que ce sont généralement les hommes qui ont le privilège d'agir impunément de la sorte. et ces comportements ont pour effet d'entretenir ce privilège, en aliénant celles et ceux qui recherchent des échanges plus harmonieux, égalitaires et efficaces.
Certaines personnes ont déjà commencé à identifier leurs patterns de pouvoir et à assumer la responsabilité de s'en défaire. Voici une liste des comportements qu'elles cherchent à changer en elles et autour d'elles: les caractéristiques de la "langue macho"... commençons par arriver à l'entendre, autour de nous et dans nos propres interventions.
Jouer au "solutionneur" de problèmes: être toujours celui ou celle qui donne la réponse ou la "solution" avant que les autres n'aient eu quelque opportunité de contribuer à l'échange.
Monopoliser le crachoir: parler trop souvent, trop longtemps et trop fort.
Parler en "majuscules": présenter ses opinions et ses solutions comme le point final sur tout sujet, attitude renforcée par le ton de la voix et l'attitude physique.
Adopter une attitude défensive: répondre à toute opinion contraire à la sienne comme s'il s'agissait d'une attaque personnelle.
Couper les cheveux en quatre: soulever chaque imperfection des interventions des autres et une exception à chaque généralité énoncée.
Diriger la scène: prendre continuellement la responsabilité des tâches clés avant que les autres n'aient la chance de se porter volontaires.
Reformuler: reprendre en ses propres mots ce qu'une personne (le plus souvent une femme)) vient de dire de façon parfaitement claire. Embarquer sur la conclusion pour la récupérer à ses propres fins (phénomènes du "recouvrement").
Chercher les feux de la rampes: se servir sortes de stratagèmes, de mises en scène, pour attirer un maximum d'attention sur soi, ses idées.
Rabaisser: commencer ses phrases avec des tournures telles: "Auparavant je croyais cela, mais maintenant..." ou "Comment peux-tu arriver à dire que..."
Parler pour les autres: faire de ses opinions la voix d'une collectivité pour leur donner plus de poids: " Beaucoup d'entres nous pensons que..." Interpréter à ses fins ce que disent les autres: Ce qu'elle veut dire en fait, c'est que..."
Faire du "forcing": imposer comme seuls valables la tâche et le contenu, en éloignant le groupe de l'éducation de chacun et chacune, ainsi que d'une attention au processus de travail collectif et à la forme des productions.
Déplacer la question: ramener le sujet de la discussion à quelques thèmes que l'on maîtrise, de façon à briller en donnant libre cours à ses dadas.
Faire preuve de négativisme: trouver quelque chose d'incorrect ou de problématique à tout sujet ou projet abordé.
N'écouter que soi: formuler mentalement une réponse dès les premières phrases de la personne qui parle, ne plus écouter à partir de ce moment et prendre la parole à la première occasion.
Être intransigeant et dogmatique: affirmer une position finale et indiscutable, même à propos de sujets mineurs.
Jouer à la hiérarchie: s'accrocher à des positions de pouvoir formelles et leur donner plus d'importance qu'il faut.
Éviter toute émotion: intellectualiser, blaguer ou opposer une résistance passive lorsque vient le temps d'échanger des sentiments personnels.
Être condescendant et paternaliste: infantiliser les femmes et les nouveaux et nouvelles arrivant-e-s. Phrase typique: "Maintenant, est-ce qu'une femme a quelque chose à rajouter ?"
Draguer: traiter les femmes avec séduction, se servir de la sexualité pour les manipuler, en utilisant l'"humour" ambigu, le pro-féminisme de façade.
Jouer au coq: aller chercher l'attention et le soutien des femmes en faisant preuve de compétition entre hommes face à elles.
Souffrir d'estudiantite aiguë: concentrer jalousement les informations clés du groupe entre ses mains pour son propre usage et profit.
Ces comportements-là affaiblissent grandement la pleine richesse des connaissances et des aptitudes que pourraient se donner le groupe. Les femmes et les hommes qui ont moins d'assurance que les autres, surtout face à un climat de compétition se voient en effet exclu de l'échange d'expériences et d'idées.
Si l'on ne met pas fin au sexisme à l'intérieur des groupes qui visent un changement social il ne pourra y avoir de mouvement pour un véritable changement. Non seulement le mouvement s'enlisera-t-il dans des divisions, mais on arrivera même pas à envisager clairement une libération des rapports d,oppression imposer aux femmes. Tout changement de société demeure incomplet s'il n'inclut pas une émancipation face aux structures qui reproduisent ces rapports d'oppression.
Voici quelques façons concrète de prendre enfin nos responsabilités pour sortir de la "langue macho".
N'interrompre personne: on a remarqué qu'en groupe mixte près de 100% des interruptions étaient le fait des gars. Un bon exercice à tenter: se donner une pause de quelques secondes entre chaque intervenante.
Offrir une bonne écoute: il est aussi important de bien écouter que de bien parler. Autrement, autant parler tout-e seul-e chez soi... Bien écouter ne signifie pas qu'il faille se retirer lorsque l,on ne parle pas. Au contraire, écouter attentivement est aussi une forme de participation.
Recevoir et donner du soutien: l'entraide est essentielle dans un groupe où certaines personnes cherchent à reconnaître et à mettre fin à leurs "patterns de contrôle des autres". Chacun-e des membres du groupe doit prendre ses responsabilités en ce sens, afin d'éviter que ce ne soit toujours le rôle des femmes. Cette prise en charge permettra aussi aux femmes de sortir de leur rôle traditionnel qui les forces généralement à prendre soin des besoin des hommes en ignorant les leurs.
Cesser de parler en réponses/solutions: on peut communiquer ses opinions et ses idées de façon convaincue, mais non compétitive face à celles des autres. On n'est pas obliger de parler de tous les sujets, ni d'exprimer chacune des idées qui nous viennent, surtout en grand groupe.
Ne rabaisser personne: apprendre à se surveiller pour s'arrêter au moment où on s'apprête à attaquer quelqu'un-e. Se demander, par exemple, "Qu'est-ce que je ressens exactement ? Pourquoi est-ce que je ferais cela ? De quoi ai-je vraiment besoin ? Qu'est-ce qui profitera le mieux au groupe ?"
Relaxer: le groupe peut très bien se passer de nos petites attaques d'anxiété. il s'en portera d'autant mieux.
Interrompre les "patterns d'oppression": il apparaît à chacun-e de nous de prendre dès maintenant d'interrompre, chez un-e collègue ou un-e ami-e, un comportement d'oppression qui nuit aux autres et qui paralyse le propre développement de cette personne. Ce n'est pas de l'amitié que de permettre à qui que ce soit de dominer ceux et celles qui l'entourent Apprenons à ajouter un peu de franchise et d'exigence à nos rapports d'amitié.
____________________
RÉFÉRENCE:
Le guide de désobéissance civile, page 5-6, année,éditeur
Par David Pepin, étudiant à Maisonneuve
En juin dernier, le Comité de consultation sur l'accessibilité aux études recommande au gouvernement québécois d'augmenter les frais de scolarité des étudiantes et des étudiants étranger-ère-s. Sous le couvert d'un besoin d'efficience et d'assainissement des établissements universitaires, cette recommandation dévoile une orientation idéologique claire que le mouvement étudiant québécois ne peut passer sous silence.
Rappelons tout d'abord les faits. Un étudiant ou une étudiante québécois-e doit débourser, annuellement, près de 1600$ pour accéder aux études post-secondaires. Si celui-ci ou celle-ci n'est pas un ou un " vrai québécois " ou une " vraie québécoise ", la facture s'élève alors à plus de 8000$. Par un calcul fort simple, nous pouvons comprendre aisément que l'étrangère ou l'étranger doit débourser cinq fois la somme " acceptée " par la société pour accéder aux études. C'est maintenant 500$ que le PQ projette d'ajouter à ce montant. Comment expliquer ce fossé ? Tout d'abord, il faut se souvenir du contexte dans lequel ce fossé s'est considérablement creusé. En 1996, fort d'un Sommet socio-économique amorçant le virage vers le déficit zéro, le gouvernement péquiste envisageait une hausse significative des frais de scolarité pour l'ensemble de la population universitaire. Cependant, suite à une mobilisation pourtant très forte, les Fédérations étudiantes ont négocié avec le gouvernement pour maintenir le gel des frais de scolarité. Résultat : instauration de la Taxe à l'échec, coupure dans le régime de prêts et bourses, et hausse des frais de scolarité pour les étudiantes et les étudiants étranger-ère-s ! Il est facile de saisir en quoi cette classe universitaire est une cible de choix. Ces derniers et ces dernières ne jouissent pas de tous les droits fondamentaux du " citoyen " ; la participation à des actions politiques leur est bien souvent interdite. Autrement dit, puisque les étudiantes et les étudiants " québécois-e-s " ont la possibilité de s'organiser, pourquoi ne pas s'attaquer à ceux et à celles qui ne peuvent le faire ! Dans ce contexte, il appartient à la population étudiante en général de se mobiliser contre cette mesure. Le mot solidarité court sur toutes les lèvres ; il est temps d'appliquer ce beau principe.
La recommandation du Comité s'avère également une position idéologique. Les beaux discours du Ministre de l'Éducation vantent les mérites de l'ouverture sur le monde, encouragent l'échange entre les pays. Cependant, ils omettent un élément important : pour le PQ, il importe de s'ouvrir sur les classes les plus favorisées des autres pays. Nous ne saurions que faire, évidemment, de s'ouvrir sur la population moins nantie et majoritaire ! En élevant ainsi les frais de scolarité pour les étrangères et les étrangers, le gouvernement péquiste procède à une sélection, à un filtrage des étudiants et des étudiantes, afin de ne permettre qu'aux strates supérieures (financièrement...) des autres pays de profiter du système d'éducation québécois. En clair, cette recommandation ne s'inscrit pas uniquement dans un contexte ethnique, mais également dans un contexte de classes sociales. Ces choix gouvernementaux ne sont pas innocents ; ils relèvent d'une prise de position clairement à droite, fascisante et inacceptable pour la population étudiante.
Le débat soulevé par cette hausse des frais de scolarité doit s'élargir. À court terme, nous devons évidemment tout mettre en oeuvre pour que les frais de scolarité, quels qu'ils soient, n'augmentent pas. Cependant, à moyen et à long termes, nous devons en viser la suppression. Certains et certaines tenteront de faire valoir que l'éducation, présentement, est gratuite. Demandez à n'importe quel-le étudiant ou étudiante qui doit travailler des heures pour arriver à joindre les deux bouts, et il ou elle répondra que la gratuité scolaire est, présentement, un mot creux. L'ASSÉ s'est clairement positionné pour une éducation publique, libre et gratuite, à tous les nivaux. Nous ne pouvons passer sous silence l'émergence de frais de toutes sortes, l'augmentation de ceux déjà existant, et dans le cas présent, la discrimination ethnique et sociale qui découle d'un tel choix. Les attaques du gouvernement en place ne doivent pas rester sans écho. Et le mot solidarité doit, pour une fois, cesser de n'être que prétexte à débat de salon ; il doit s'appliquer...
Les contrats de performance : L'affaire est loin d'être réglée
Par Benoît Lacoursière, étudiant en Science politique à l’UQAM
Les fameux contrats de performance du ministre de l'Éducation, François Legault, sont maintenant tous signés. En effet, les dix-sept établissements universitaires québécois se sont entendus avec le ministre pour atteindre certains objectifs, en échange de quoi le ministre accorde un refinancement à l'établissement. Vous comprenez immédiatement que le financement sera conditionnel à la " performance ". Dans l'article qui suit, je vais tenter de mieux comprendre ce que sont les contrats de performance et comment ils agissent sur la dynamique universitaire. Je proposerai également quelques éléments d'action que nous pouvons entreprendre afin d'enrayer ces contrats. Si les contrats de performance concernent particulièrement les universités, ils ont un impact significatif sur les cégeps, qui eux ont leur plans de réussite.
D'où viennent les contrats de performance ? Malgré tout ce que l'on peut dire, les contrats de performance semblent remonter plus loin que l'on pense. Déjà dès les États-généraux sur l'Éducation, on lance des piste concernant la rationalisation des programmes. Ces rationalisations sont intimement liées aux coupures qu'ont connu les établissements universitaires d'une part et aux contrats performance d'autres part. À l'Université du Québec à Montréal, c'est avec la nomination de la rectrice Paule Leduc que l'UQAM s'engage dans cette voie. Le Sommet socio-économique de 1996 marque également les débuts des rationalisations. La ministre de l'époque, Pauline Marois déclare vouloir consolider et rationaliser l'enseignement supérieur.
Plus près de nous, et après avoir subi d'affreuses coupures budgétaires, le monde de l'Éducation apprend l'intention du ministère de mettre sur pieds une " politique des universités ". On note dans les principes d'action de la politique des universités que le gouvernement considère que les universités " doivent faire preuve d'efficience dans leur organisation en utilisant de façon optimale les ressources mises à leur disposition ". Par ailleurs, on y note également que " l'université est responsable devant la société et les autorités publiques de sa gestion des fonds publics alloués, des grandes orientations de son développement et des résultats atteints " . Comme si cela n'était déjà pas assez, les orientations du gouvernement sont claires : " la performance des universités au regard de la qualité de l'enseignement, de l'excellence de la recherche et de l'efficience globale du système " et encore " la réponse aux besoins de la société [lire l'économie] et l'ouverture sur le monde [lire la mondialisation]. "
Malheureusement, les acteurs et actrices du monde de l'éducation, mises à part quelques organisations progressistes, mordent à l'appât du gouvernement du Québec et se présentent au Sommet du Québec et de la jeunesse, en février 2000. Les participants et participantes à ce Sommet consentent, notamment, à ce que " un plan de réussite, élaboré par chacun des établissements d'enseignement primaire, secondaire, collégial et universitaire […] Ce plan précisera les obstacles à lever pour assurer la réussite, les objectifs mesurables à établir et les moyen à prendre pour y parvenir " . Il faut également noter que les personnes présentes acceptent la politique des universités et consentent à une maigre récurrence de 300 millions de dollars dans le financement des universités, comparée à des coupures de près de 2 milliards.
Plus tard dans l'année 2000 arrive la politique de financement des universités. C'est particulièrement dans cette politique que l'on consacre les contrats de performance. La page 15 de ce document explique brièvement leur caractère conditionnel: " Dans ce contexte, le plan de réinvestissement mis en œuvre au lendemain du discours sur le budget 2000-2001, qui met à la disposition des universités des sommes additionnelles importantes pour la réalisation de leur mission, est liée à la conclusion préalable, en 2000-2001, d'un contrat de performance entre le ministre et chaque établissement d'enseignement universitaire et à sa réalisation au cours des années subséquentes " .
Malgré tout ce que les administrations ont fait pour assurer que les contrats de performance n'aient aucun effet sur les universités, il ne faut pas se faire d'illusion. Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que ces discussions, dans plusieurs universités, se sont tenues en catimini, prenant soin alors de ne pas considérer les étudiants et les étudiantes de même que les employés et employées de soutien ainsi que les chargés et chargées de cours. D'ailleurs, la Commission des études de l'UQAM adoptait en mars 2001 une résolution d'appui au Vice-rectorat à la formation " afin de bien comprendre l'exigence des 18 crédits d'ouverture et de les aider à établir des mesures afin de s'y conformer " . Il faut comprendre que le premier attendu de la proposition était assez limpide : " Attendu les engagements pris dans le Contrat de performance et l'entente de réinvestissement intervenue entre le ministère de l'Éducation et l'Université du Québec à Montréal "
Les conséquences pratiques des coupures et du financement conditionnel sont évidentes. Les administrations universitaires se voient dans l'obligation de réduire le nombre de groupes-cours, de réviser la structure des programmes, de créer des troncs communs et des cours de base communs et couper dans les cours offerts dans chacun des programme. Ainsi, le Contrat de performance de l'UQAM est sans équivoque : " Au chapitre de l'efficience, l'UQAM entend, d'ici 2002-2003, réduire de 250 unités son offre de formation. " Par ailleurs, le contrat de performance entérine la convention collective entre les professeurs et professeures et l'université en ce qui concerne l'augmentation du nombre moyen d'étudiantes et d'étudiants par cours.
Il découle de ce fait que plusieurs programmes se retrouvent en danger d'être fermés. Ainsi, à l'UQAM le programme d'Animation et recherches culturelles est visé, étant donné sa faible diplomation et le nombre peu élevé de nouvelles inscriptions. Dans d'autres programmes, ce sont les concentrations qui sont en danger. À l'UQAM, ce sont les concentrations d'analyse politique et d'administration publique du baccalauréat en science politique qui pourraient passer au couperet. La diminution du nombre de groupe-cours a pour conséquence immédiate l'augmentation du nombre d'étudiantes et d'étudiants dans chacun des cours. Il est même arrivé dans certains cours qu'il n'y ait même plus de place assise et que des étudiants ou des étudiantes soient contraint-e-s à suivre le cours assis-e-s par terre ou debout ! Souvent, c'est près du quart des cours prévus à l'horaire qui sont coupés.
Ne soyons pas dupes. Les coupures de cours relèvent souvent de considérations idéologiques. Le fait qu'il s'agissent des programmes d'arts et de sciences humaines qui soient les plus touchés relèvent du fait que l'on n'aime pas la critique.
L'autre élément qui entre dans le cadre du financement conditionnel est la fameuse politique scientifique du gouvernement. Elle néglige beaucoup les sciences humaines et mise d'avantage sur le financement des recherches qui amèneraient à des " innovations " qui rapportent de l'argent. La recherche fondamentale est pour ainsi dire évacuée. Il serait intéressant que des étudiants et des étudiantes des cycles supérieurs poursuivent la réflexion sur cette question.
Il faut, finalement, ajouter tout le financement privé et la conjoncture économique qui oriente l'éducation, non seulement dans la recherche, mais aussi dans le contenu des cours. Lorsque des compagnies aéronautiques financent la recherche universitaire et même des plans de cours, la liberté académique et intellectuelle est sérieusement attaquée. Il se peut même que des cours soient modifiés pour s'adapter à la " nouvelle économie " Ainsi, le cours " Pouvoir et classes sociales en Amérique Latine " devient " Amérique Latine : mutations continentales ".
Les perspectives de lutte sont minces. Les contrats de performance étant signés, les entreprises étant solidement ancrées, la lutte devra être généralisée au Québec pour rendre à l'université son caractère critique et faire reculer le gouvernement. À l'interne, des luttes peuvent être menées pour tâcher de sauver les meubles et ainsi éviter quelques fermetures, mais au prix de quels sacrifices idéologiques ? Une solution reste d'enrayer les contrats de performance par les mobilisations internes et par l'information que l'on peut aller chercher et diffuser. Il s'agit de nuire à leur application plus que de les bloquer. Il n'est cependant pas trop tard pour éviter que de telles choses arrivent dans les cégeps. L'exemple des universités pourra servir les cégeps. La lutte doit continuer.
Résumé d’un texte de Richard Miron, étudiant en Histoire à l’UQAM
fait par Thomas Chiasson-Lebel, étudiant en Sociologie à lUQAM
Si l'été semble un moment propice pour évacuer toutes préoccupations scolaires, c'est également une période propice au débat sur l'éducation au sens large du terme. C'est ce que firent plusieurs "maniaques" et, malgré les intenses chaleurs, les résultats sont parfois fort intéressants. Voici donc recopié ici, non pas l'ensemble, mais bien une section d'un texte produit dans ce cadre estival, qui soulève de nombreux points dont on se permet rarement de disctuter pendant les heures de cours. Souvent, on craint ce questionnement car il est plus simple d'aller à un cours que de se demander s'il ne faudrait pas changer la structure complète de l'université.
Si les bouleversements actuels de l'Université font peur, il y aura beaucoup plus à craindre pour l'avenir. Les économies des grandes puissances impérialistes demandent de plus en plus le développement d'industrie de hautes technologies et d'industrie avec une forte dotation en capital humain (l'informatique par exemple). Depuis la progression fulgurante de nouvelles puissances industrielles (Chine, Brésil, Turquie, Corée du Sud, Taiwan, etc…) qui se sont surtout spécialisés dans les industries de consommation de masse (plusieurs de nos biens courants proviennent de Chine), les économies impérialistes ont dû se redéployer dans des créneaux particuliers. Cela est vrai pour les sciences pures, mais aussi pour la gestion, les sciences humaines, etc… où existe aussi une forme d'impérialisme. Dans ce contexte, l'Université sera appelée à jouer un rôle important dans cette nouvelle économie impérialiste (depuis plusieurs décennies, elle est toujours nouvelle, mais enfin…)
Ces nouveaux besoins auraient pu remodeler de fond en comble toute l'architecture de l'université mais ils ne le feront pas. Ce que feront ces nouveaux besoins, c'est exacerber les contradictions internes produites par l'université bourgeoise. L'université actuelle est bourgeoise en plusieurs points. 1) Elle l'est par son rôle d'inculcation de l'idéologie bourgeoise dominante (y compris ses sous-variétés plus ou moins affectées par la lutte idéologique avec d'autres classes sociales). 2) Elle l'est par le fait qu'elle travaille à reproduire la structure des classes sociales, en premier lieu, la bourgeoisie elle-même, ce qui convient à la reproduction du capitalisme monopoliste. 3) Elle l'est par ses modes privilégiés d'apprentissages qui socialise le contenu émis par un diffuseur (le ou la prof) mais individualise la réception des connaissances ce qui décourage le travail collectif de production de connaissance scientifiques. 4) Elle l'est par ses liens privilégiés qu'elle entretient avec les membres de la bourgeoisie (ses ex-étudiantes et étudiants, ses bailleurs de fonds, ses membres de Conseil d'administration, ses directrices et directeurs de chaire, etc...). 5)Elle l'est parce qu'elle étouffe la mémoire populaire, les préoccupations des classes populaires et l'idéologie révolutionnaire que ces dernières tentent de se forger.
La grande contradiction fondamentale que reproduit l'université est bien celle entre le caractère sociale de la diffusion des connaissances et l'acquisition privé par les étudiants et étudiants auditeur-trice-s de cours. On comprend que ce mode d'apprentissage sanctionne une certaine passivité chez les étudiantes et les étudiants; on les prive de la possibilité de créer de nouvelles connaissances. Elles et ils inculquent donc les connaissances déjà élaborées par une confrérie des détentrices et de détenteurs de savoir. Mais comment est-il possible que des gens acceptent si facilement un rôle passif sans trop vouloir le contester? En fait, ça commence à la petite école où, des leur jeune âge, les étudiantes et les étudiants sont conditionné-e-s à ne travailler que pour la sanction d'une note. La note signifie en soi une distinction. Plus la note est élevée, plus on se distingue et meilleure est sa réputation de personne "intelligente". La note, c'est le salaire de l'accumulation d'un capital symbolique de distinction et de réputation. À l'école, il y a donc une course à l'accumulation du capital symbolique. Le summun de capital symbolique est atteint dès que l'on traverse la barrière entre la situation d'acquéreurs ou d'acquéreuses de connaissances à celle de productrices ou de producteurs de connaissances. Ces productrices ou producteurs de connaissances font partie d'une confrérie de détentrices et de détenteurs de savoir qui concentrent les moyens de production de cette connaissance (accès aux locaux, au financement, aux lieux de publication, à la reconnaissance par leurs pairs, etc.) C'est donc une marche à la concentration du capital symbolique qui maintient la majorité de la population étudiante dans l'acceptation d'un tel système. On ne traverse pas toutes et tous la barrière. Lorsque les étudiantes et les étudiants se retrouvent sanctionné-e-s d'un diplôme, elles et ils peuvent aller sur le marché le monnayer contre un bon salaire.
Sur la rationalisation
Aujourd'hui, que signifie la rationalisation? Il s'agit de développer l'efficience, la rentabilité maximale des ressources tant matérielles qu'humaines, à priori, postulées rares. L'Université produit des connaissances et des diplômées et des diplômés. Les étudiantes et les étudiant qui entrent à l'Université servent donc de matières premières à façonner. Plusieurs passeront les étapes, les autres seront mis de côté pour ne pas dire jeter. La connaissance scientifique, de son côté, signifie aussi un acte critique sur des idées antérieures qui sortiront détruites ou améliorées. Dans un cas comme l'autre, il y a transformation. Pour obtenir ces résultats, il faut des ressources. Il y a le personnel enseignant, les étudiantes et les étudiants de cycles supérieurs et d'autres ressources humaines. Il y a aussi la dotation en un certaine matériel nécessaire à la pédagogie et à la recherche (les livres de bibliothèques, des ressources informatiques, etc.), les lieux de formation dont les salles de classe, etc. À partir de ces ressources et "matières premières", il s'agit maintenant d'obtenir un résultat avec un bénéfice de surcroît. Le bénéfice n'est pas monétaire; il consiste en une sorte de profit symbolique. Il faut absolument que la réputation académique et scientifique des travaux effectués et des enseignements faits en sorte la plus grande possible et cela aux coûts monétaires le plus faibles possibles.
L'amphithéâtre de quelques centaines de personnes est vraiment le lieu symbolisant le plus cette contradiction fondamentale. Il consacre la réduction numérique du personnel enseignant surtout chargé de cours faiblement protégé par les conventions collectives. Au lieu d'une trentaine d'étudiantes et d'étudiants, la ou le prof enseigne à plusieurs centaines d'étudiantes et d'étudiants dans un amphithéâtre. Il accroît la distance entre l'enseignante ou l'enseignant émetteur-trice de connaissances et l'étudiante ou l'étudiant récepteur-rice de connaissances. Remarquons que les plus récentes constructions sur les campus (à l'UQAM, c'est patent) sont celles où on retrouve le plus grand nombre d'amphithéâtres. Est-ce indicatif d'une tendance où la possibilité qu'avaient antérieurement les étudiantes et les étudiants de contribuer quelque peu à la connaissance scientifique se retrouvent maintenant complètement évacuée? L'aménagement physique d'un lieu est souvent parlant d'orientations sociales, économiques et politiques. L'amphithéâtre c'est le summum de la rationalisation.
Si les Universités de jadis avaient le souci de la réputation de leur formation académique, il semble y avoir maintenant une certaine subordination de cette préoccupation. Maintenant, la réputation scientifique d'un programme qui se jauge sur celle de ses professeurs et professeurs ainsi que ses chercheuses et chercheurs prend une importance prépondérante et déterminante. C'est donc dire que la formation académique des étudiantes et des étudiants de baccalauréat devient quelque chose de plutôt accessoire; elle servira surtout à sélectionner celles et ceux qui travailleront à la production de connaissances scientifiques en maîtrise ou au doctorat dans la majorité des programmes. La diplomation de bacc. est utile en cela. La production d'étudiantes et d'étudiants qui sortent du circuit universitaire à ce moment permettent l'acquisition d'un profit symbolique. Il s'agit néanmoins d'un profit sur un produit dérivé comme l'est celui qu'une abattoir peut obtenir de la peau d'un animal vendu à une manufacture de cuir.
Que faut-il faire dans ce cas : le débat est ouvert! La suite des extraits de texte que nous venons de présenter suggère de repenser l'architecture universitaire et la façon de donner les cours, non pas pour servir les intérêt bourgeois, mais pour favoriser les classes populaires. Effectivement, il serait certainement possible de briser l'individualisation de la réception de connaissances pour donner un rôle de production intellectuelle à l'ensemble des acteurs et actrices de l'université, étudiants et étudiantes compris-e-s. Une des idées de Richard Miron serait de créer des groupes de recherche étudiants qui joueraient un rôle actif plutôt que passif dans l'acquisition de connaissance. L'idée n'est pas de nier le rôle des enseignantes et des enseignants, mais de leur donner un rôle de supervision ou d'accompagnement dans ce processus d'auto-formation.
Bref, il y a place à la participation et au débat dans ce processus de rénovation de l'université, car il ne faudrait pas recréer dans la solution sont qu'on reproche au problème.
Par Jérémie Duhamel, étudiant à Maisonneuve
Avec les mesures qui ont ébranlé le réseau collégial depuis près de dix ans, force est de constater que la structure dont s'était dotée une population entière pour assurer le droit à l'éducation est aujourd'hui contrôlée de manière à servir une tout autre aspiration. Fort soucieuse de répondre aux besoins de l'élite économique, la politique en matière d'éducation emprunte une avenue redéfinie par son arrimage aux finalités dictées par le marché. C'est donc en regard de la réforme Robillard et de ses successeurs que nous tenterons de situer la position du Plan Legault. La présente analyse a pour principal objectif de démontrer en quoi les récentes mesures infligées aux cégeps répondent à une même logique, celle du néolibéralisme L'interrelation entre ses formes d'applications nous dévoile que l'unité de la pensée dominante se constitue réellement, il que ne s'agit en rien d'une innocente bavure du Ministre. L'étude du phénomène prendra comme axe central les Plans de réussite. Récemment priorisée par le Ministre de l'éducation, l'application de ceux-ci revêt une importance qu'il ne faut pas négliger dans l'observation des dossiers connexes. Il est donné à tout un chacun de constater les modifications qui s'opèrent dans le système actuel. Ces modifications, qu'elles soient annonciatrices de la totale disparition du réseau public ou de la redéfinition de ses buts et objectifs, auront des retentissements majeurs sur l'École de demain. Voyons en quoi notre lutte est légitime.
En 1993, la réforme de la ministre Robillard est venue secouer l'ensemble du Réseau collégial. Ainsi, deux aspects relevant du fonctionnement quotidien des collèges ont été largement modifiés. Par l'imposition de l'approche par compétences, le mode d'enseignement se voyait corrigé. Parce qu'elle s'appuie essentiellement sur des compétences à atteindre (savoir-faire précis, observables et univoques1), elle se définit comme une obligation de résultats. Initialement, l'initiative découlait d'une volonté de faciliter la construction du savoir par la réalisation de tâches concrètes et observables. Tandis que le contenu des cours dérive de l'analyse de rôles à jouer en société, la certification s'avise à juger l'étudiante ou de l'étudiant dans l'atteinte de résultats basés sur des critères de performance. Une fois incluses dans la définition des activités d'évaluation, ces critères ont pour conséquences de dissoudre en partie l'autonomie professorale ainsi que d'amoindrir l'acquisition de savoir fondamental chez l'étudiante ou l'étudiant. De plus, le découpage du savoir en compétences s'accorde parfaitement avec l'idée de le rendre marchandable. Cette dynamique impose au collège de rendre ses diplômées et diplômés aptes à soutenir des standards internationaux. De plus en plus, une scission s'opère entre éducation et formation; les applications concrètes précèdes les savoirs eux-mêmes. La logique est surenchérit, nous le verrons plus loin, par l'ouverture systématique des Attestations d'études collégiales Pendant que les résultats généraux et spécifiques sont déterminés par Québec, les moyens par lesquels leur atteinte sera évaluée sont laissés à la discrétion des institutions locales. Le démantèlement du réseau collégial est assurément en voie de devenir réalité.
C'est ce qui nous amène au second aspect touché par ladite réforme Robillard: la décentralisation des pouvoirs en matière de gestion administrative et pédagogique. Dans la même veine, la Ministre fit don de nombreuses responsabilités aux cégeps. Cette décentralisation commandait la mise en place de dispositifs d'évaluation plus rigoureux notamment en créant un organisme externe d'évaluation2 Cette commission aurait pour rôle d'évaluer les politiques institutionnelles d'évaluation de apprentissages, les politiques d'évaluation des programmes et la mise en oeuvre des programmes. La Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial est adoptée en 1993. En entreprenant ses travaux d'évaluation, la commission en vient rapidement à la conclusion que les établissements d'enseignement collégial développeront graduellement une culture évaluative, et que, par le biais de leurs autoévaluations découlera la nécessité de délivrer lui-même le diplôme d'études collégiales. C'est en 1998, que la CÉEM expose ses orientations quant à la recommandation faite au ministre d'habiliter un établissement d'enseignement à décerner le DEC. Le processus s'engagera donc sur la voie de l'évaluation institutionnelle pour soutenir la nécessité d'habiliter les cégeps3.
Le nouveau mode de fonctionnement institutionnel et d'encadrement ministériel était fondé sur l'autonomie et la promotion des établissements et sur leurs responsabilités académiques. L'élaboration de programmes fut confiée aux institutions. Subséquemment, la politique fut soutenue par un allégement de la réglementation en matière d'allocation des budgets et par le projet d'habilitation des cégeps. Depuis, diverses mesures budgétaires (enveloppes fermées4, coûts de convention décentralisés) , la déréglementation totale des AEC sous le règne Marois et d'autres mouvances décentralisatrices du ministre Legault (plans de réussite et contrats de performance) vinrent renforcer l'unité entre déresponsabilisation de l'État et privatisation des services à la population.
Depuis quelques années les États membres de l'OCDE tentent de se concerter à propos du nouveau rôle de l'enseignement supérieur. Le nouveau paradigme définit la population étudiante comme une clientèle à satisfaire. Les dernières réformes au Québec démontrent très bien l'intimité entre sa politique interne et les recommandations émises par l'OCDE. Les programmes et les cursus sont des outils qui permettent à la société de se doter de travailleuses et de travailleurs instruits et compétents dont elle a besoin5. En façonnant l'éducation dans une perspective de développement économique, les cégeps sont aussitôt mis en situation de vive concurrence. Les standards et les résultats imposés par l'État (le taux de réussite, par exemple) illustrent très bien l'intérêt de quantifier la performance d'une institution. Pour rendre un réseau concurrentiel, il faut à tout prix nourrir la rivalité entre ses éléments fondateurs. C'est le rôle que jouera, nous le verrons plus tard, l'habilitation des cégeps.
Les attestations d'études collégiales
La nouvelle approche cliente client dynamise autant la formation accordée que la certification acquise. Chaque établissement est désormais contraint de provoquer les conditions favorables au passage à l'emploi de sa clientèle en les dotant de qualifications et de compétences utilisables. Les attestations d'études collégiales, avec leur déréglementation récente, illustrent clairement la logique dictée par l'OCDE: "L'enseignement devra être étroitement harmonisé avec l'évolution des structures professionnelles et des réalités de l'emploi. Les établissements devront agir au moyen de partenariats entre l'entreprise et l'enseignement pour élaborer et dispenser les programmes d'études, organiser des stages d'initiation pratique au travail et mettre davantage l'accent sur les compétences et les qualifications, quels que soient les programmes d'études6" Et de quoi donc a besoin la société d'aujourd'hui? Une courte analyse des conjonctures nous pousse à croire que l'ensemble des mesures énumérées précédemment s'active à faciliter l'intégration de l'étudiante ou de l'étudiant au marché du travail. Une formation spécialisée et une division des savoirs accrue possèdent les germes nécessaires à la satisfaction du marché de l'emploi. Toutefois, l'éducation citoyenne, accordée par un savoir fondamental requis pour tout avancement en société, manquera à la nature même de l'humain. Nous pouvons constater qu'il est ici question de ressources humaines à rendre exploitable plutôt que d'être humain à éduquer.
En exigeant un taux de réussite accru de la part des cégeps, le ministre en obligera certain, parce qu'en pratique l'atteinte des standard fixés est encore loin de la coupe aux lèvres, à réduire leur propre exigences. Les programmes seront modifiés pour une plus grande réussite, les savoirs-faire supplanteront les savoirs fondamentaux. Dans cette perspective, la formation générale en est une âprement galvaudée. Juxtaposée à une ouverture de plus en plus grande des AEC, le risque est grand en matière d'éducation civile.
Il va sans dire que la déréglementation des AEC, liée au manque de ressource flagrant en matière de gestion pédagogique et administrative maintenant décentralisée, pousse les établissements à une quête effrénée de financements palliatifs. Ce qui motive évidemment l'inclusion de l'entreprise privée à l'intérieur des murs de l'école publique. Cette nouvelle manière de faire connaît plusieurs avatars quotidiennement reconnu par l'étudiante ou l'étudiant: publicité abusive, contrats de services qui garantissent l'exclusivité et donc son monopole, fondations de toutes sortes qui veillent à subvenir localement aux ressources manquantes...
Initialement, les AEC étaient offertes pour actualiser ou spécialiser le savoir et la pratique des sans emploi. Brillant outil d'intégration ou monde du travail, parce qu'inscrite dans une optique de formation continue, la nouvelle formation certifiée sous-entendait l'obtention d'une formation générale préalable. Aujourd'hui, sa déréglementation provoque une ouverture qui s'opère sur deux plans. Tout d'abord, soucieuse de répondre aux besoins immédiats du marché à satisfaire, la formation générale (français, philo, anglais, éducation physique) tend à disparaître. Or, il ne va pas sans dire que c'est à l'intérieur de ces cours que le taux d'échec est le plus haut. Bon nombre d'étudiante et d'étudiant en situation d'échec seront invité-e-s, parce que nuisibles dans un accroissement des taux de réussite nécessaire et inconditionnel à la survie des cégeps, à opter pour la formation continue. Les cours de formation technique offerts sont sensiblement les mêmes qu'au DEC professionnel. Ajoutons-y une correspondance intime avec l'entreprise privée qui s'entretient autant dans l'élaboration des programmes, dans la gestion pédagogique et administrative -par l'obtention de partenaires privilégiés. Nous pouvons constater, sans tordre la problématique au point d'y évincer la moindre maladie, que les méthodes pédagogiques handicapées par un manque de ressources évident ne sont pas résolu mais plutôt reconduite en d'autres sphères. De plus, l'atteinte d'un taux de réussite toujours croissant, en se faisant par le rejet des éléments les plus faibles, se fait au profit du marché qui ne saura se plaindre d'une main d'oeuvre analphabète.
Ces différentes mesures se doivent d'être contestées par l'ensembles des étudiantes et étudiants du Québec. D'importantes campagnes d'informations devront être envisagées localement pour que notre lutte soit comprise et pensée. Les divers modes de contestation doivent être canalisées et coordonnées pour que l'avancement s'effectue à l'échelle de la province. Unies par une même problématique, les associations étudiantes devront affirmer leur conscience avec une vigueur lucide et radicale.
1 MEQ, La formation générale des programmes conduisant au DEC, décembre 1993
2 cette mesure est inscrite dans un document ministériel intitulé Des collèges pour le Québec du XXIe siècle
3 le projet est issu du Document d'orientation sur l'habilitation publiée en mai 1998 par la CÉEC
4 avant 1993, le gouvernement révisait ses subventions au gré des dépenses réelles soumises par les collèges
5 OCDE, Redéfinir l'enseignement tertiaire, Paris, p.18
6 Redéfinir..., p.37
Par Benoît Marsan, étudiant en Histoire à l’UQAM
Malgré son jeune âge, l'ASSÉ fut très active au niveau international pendant la session dernière, certains événements ayant forcé cette dernière à développer rapidement ce champ d' action, entre autre lors de la Deuxième Rencontre Internationale Étudiante pour l'Éducation Publique et Gratuite et le Sommet des Amériques qui se sont tenus au Québec en avril.
Rencontre Internationale Étudiante
Du 12 au 16 avril dernier se tenait à Montréal la deuxième partie de la rencontre amorcée à Mexico en avril 2000 à l'appel des grévistes de l'Université National Autonome de Mexico. Au-delà de la construction d' un réseau de solidarité avec le mouvement étudiant mexicain en lutte, une des motivation de cette réunion était de mettre de l'avant une nouvelle structure internationale étudiante afin de rassembler les organisations étudiantes combatives et de lier leur combat à celui des travailleuses et travailleurs, paysannes et paysans, autochtones, femmes et des différentes luttes progressistes.
La Société Générale des Étudiantes et des Étudiants du Collège Maisonneuve, la SOGÉÉCOM membre de l'ASSÉ, a donc accueilli pour l'occasion une centaine de déléguées et de délégués provenant d'une douzaine de pays. Ce fut donc l'occasion pour l'ASSÉ de multiplier les contacts et d'envisager des actions conjointes avec des organisations étudiantes africaines, européennes et américaines. Un comité temporaire, comprenant l'ASSÉ, fut mis sur pieds afin de structurer le réseau et d'organiser la prochaine rencontre qui se tiendra au Ghana l'an prochain si tout se déroule bien. Cet événement a aussi tôt fait de faire comprendre à l'ensemble des délégations que les attaques contre l' éducation publique et gratuite, bien que revêtant des formes diverses, se multipliaient à travers le monde afin de suivre l'agenda des grandes institutions internationales capitalistes telles le F.M.I, la B.M. et l'O.C.D.E..
Lutter Contre la ZLÉA
L'ASSÉ a aussi eu l'occasion de participer à la lutte contre le Sommet des Amériques et par la même occasion de tisser des liens avec différentes organisations militantes canadiennes et américaines. Le tout afin d'étendre la lutte pour l'éducation publique et contre la mondialisation de l'économie qui est un frein et un obstacle au développement et au maintien des droits sociaux. En ce qui concerne plus particulièrement l'Amérique, la Zone de Libre Échange des Amérique, ZLÉA, constitue présentement la plus grande menace à nos droits.
C'est pourquoi, lors de son Congrès annuel, l'ASSÉ a mis sur pieds un plan d'action s'échelonnant sur plusieurs années afin de contrer la signature de cet accord. Le but est que l'ensemble des organisations combatives des Amériques s'en saisisse et l'agrémente afin de porter la lutte contre la mondialisation à un autre niveau. D'ailleurs, pour s'assurer de la circulation d'une telle idée, celui d'un plan d'action global conjoint, l'ASSÉ a délégué une membre de son exécutif lors d'une rencontre de l'Action Mondiale des Peuples au Massachusetts en juin dernier. Le plan d'action comprend entre autre l'appel à différentes journées de grève coordonnées au cours des cinq prochaines années.
Le travail de l'ASSÉ au niveau international est bel et bien amorcé. Plusieurs projets à ce niveau sont d'ailleurs prévus dans le plan d'action adopté lors du Congrès annuel. Cependant, afin que cette facette de l'action de notre organisation prenne un sens, il faut tout d'abord s'assurer que notre syndicat étudiant puisse s'implanter solidement tant au niveau local que national.
Par Thomas Chiasson-Lebel, étudiant en Sociologie à l’UQAM
Pendant que les étudiants et étudiantes québécois-es sont en vacances scolaires, les étudiants et étudiantes de l'hémisphère sud sont en pleine session, du moins lorsqu'ils et elles ne sont pas en grève ou en toma (occupation) pour défendre le peu de public qui reste dans le système d'éducation du pays. Ce fut d'ailleurs le cas pour les milliers d'étudiants et d'étudiantes du Chili qui participèrent aux différentes manifestations et actions qui eurent lieu pendant les mois de mai et de juin. Pour bien comprendre comment se déroule la lutte des camarades du Chili, il faut d'abord connaître un brin d'histoire de ce pays, et comprendre comment fonctionne le système d'éducation.
Histoire générale
Il n'est que peu nécessaire d'évoquer les années de dictature qui bousculèrent la population et l'économie du Chili pendant près de vingt ans, suite au coup d'état dirigé par Pinochet le 11 septembre 1973. La junte militaire s'était alors installée au pouvoir par la force, en réponse aux transformations sociales qu'avait mises en branle l'élection de l'unité populaire (UP). Cette coalition de parties politiques "de gauche" avait entamé quelques réformes sociales et nationalisations, la participation populaire à l'organisation sociale croissait quotidiennement, choses que la CIA et les grands capitaux ne voulaient pas tolérer... Ils appuyèrent donc un coup d'état.
Suite à l'auto-proclamation d'Augusto Pinochet comme dirigeant du pays, il lui fallut bâtir une économie radicalement différente afin de justifier l'utilisation de la force. Le néolibéralisme, tout frais sortant de l'école de Chicago, fut peu à peu instauré au sein de l'état chilien comme ligne de conduite.
Il en résulta qu'au début des années '80, une série de réforme imposée par la force d'une dictature militaire vint saccager les services sociaux, dont l'éducation, déjà mise à mal.
D'ailleurs, sous Pinochet, fut instauré le système ultra-libéral des vouchers, qui vise à introduire une concurrence entre les écoles par l'instauration de certains mécanismes du marché, tel le clientélisme. Dans ce système, l'état ne finance plus directement les écoles, il finance les parents qui choisissent l'école "la plus rentable" pour leur-s enfant-s, ce qui eut pour effet de créer quelques écoles surfinancées et très populaire et d'autres sous-financées qui n'arrivent jamais à combler les lacunes par manque de fonds. Il n'est que peu nécessaire de souligner que ce système fut mis en place afin de mener à mal le système public.
Revendications
Aujourd'hui, existe donc au Chili, une éducation à plusieurs vitesses qui comprend des institutions publiques, des institutions privées et d'autres, toutes fruits d'un savant dosage "d'appui étatique" et "d'incursion du privé". C'est donc pour défendre la mince partie de financement public qui demeure existante que les étudiantes et les étudiants prirent la rue au cours des mois de mai et juin. Il ne faudrait pas omettre que les élèves du niveau secondaire ont bien fait parler d'eux plus tôt dans la saison en manifestant pour la gratuité des transports en commun. Cette lutte est jonchée d'obstacles, notons principalement que les transports en commun sont assurés par des compagnies privées.
Lorsqu'on s'attarde à comprendre quels sont les enjeux ponctuels des revendications prônées par les étudiants et étudiantes chilien-ne-s, il est facile d'y voir une certaine correspondance avec la situation québécoise, voire mondiale. Une des premières revendications mises de l'avant traitait des prêts accordés aux étudiants et étudiantes sous le système des fonds de crédits solidaires, qui est un peu l'équivalent du système des prêts et bourses, mais sans les bourses. La crainte réside dans l'annonce fait par la ministre de l'éducation de privatisation de ces fonds solidaires de crédit. Effectivement, cela aurait pour effet de faire grimper dramatiquement les taux d'intérêts. De plus, sans augmenter le montant global de financement des fonds de crédits solidaires, la volonté gouvernementale est de diviser la somme entre les universités privées et les publiques, alors que, actuellement, seules les institutions publiques ont droit à cette mesure. Les étudiants et étudiantes considéraient déjà les sommes insuffisantes, et c'est pourquoi ils et elles exigeaient du gouvernement un ajout de 5000 millions de pesos (12,5 millions de dollars canadiens) au fond de crédit solidaire. . Même les administrations cherchaient des solutions, parfois farfelues, au manque de fonds : "Une directive fut transmise par le rectorat de l'université à tous les assistants et assistantes sociaux-ales des différents secteurs pour que ceux-ci tentent de convaincre les étudiants et étudiantes ayant un prêt entre 80% et 100% de la somme maximale de renoncer à une partie de leur prêt pour mieux diviser les sommes existantes" . Dans la réforme du fond de crédits estudiantin proposée par la ministre, rien n'est prévu pour pallier le manque de fonds dénoncé par l'ensemble des institutions, tant les fédérations étudiantes que les administrateurs choisis par l'état lui-même.
Il est évident que cet élargissement de l'accès au fond solidaire met en opposition les actuels et les futurs débiteurs . Cette dichotomie fut exploitée par les représentants de la concertation au sein des organisations étudiantes pour diviser, et freiner l'union des foyers de contestations dans les différentes régions. Effectivement, la majorité de la représentation au sein de la Confech est assurée par des concertationnistes appuyant la coalition gouvernementale actuellement au pouvoir. Toutefois, les membres des jeunesses socialistes, parti membre de la Concertacion, durent appuyer la lutte, au niveau local du moins, pour redonner une certaine base sociale au parti. Il en résulta que les associations étudiantes des différentes universités durent se replier sur des revendications locales plutôt que nationales, alors que des étudiants et étudiantes occupaient leur université à travers tout le pays en même temps.
Toutefois, certaines revendications réussirent à percer les associations de l'ensemble du pays. C'est le cas de l'Arancel Diferenciado, qu'on pourrait traduire par tarif différencié. Cette proposition étudiante vise à établir une table de remboursement progressive des crédits étudiants, qui ajuste la proportion du prêt à rembourser selon le revenu des débiteurs. Les nouveaux fonds réclamés par cette mesure n'ont rien d'exorbitant, ils ne feraient pas passer l'apport étatique en éducation à plus de 0,84 % du PIB car il ne représente qu'une augmentation de 0,17%.
Le déficit des universités est un exemple important d'une revendication de caractère national qui fut reléguée au niveau de lutte locale. Malgré la variation du niveau d'infection selon les régions, toutes les universités publiques sont infectées par le problème du déficit institutionnel. La Confech, ne réussissant pas à canaliser les actions militantes des différents campus, ne pu gagner de règlement au niveau national. Le gouvernement profita de cette brèche pour ne garantir de crédits supplémentaires qu'aux institutions où une telle mesure aurait un effet mobilisateur certain. (à ce titre, voir l'exemple de l'université Frederico-Santa-Maria de Valparaiso, où les dirigeants de la fédérations de cette université appelèrent au retour au calme suite à une promesse du gouvernement d'intervenir sur cette question, alors que les autres problèmes de niveau national étaient loin d'être réglés.)
Histoire de lutte
Malgré la faible coordination entre les différentes régions, les institutions les plus militantes ne se privèrent pas d'agir. L'université de La Serenna fut donc occupée par les étudiants et étudiantes pendant plusieurs semaines entre la fin mai et le début juin. Les manifestants en profitèrent pour bloquer pendant plusieurs heures la route numéro 5, seule qui traverse tout le Chili, du nord au sud. Ils le firent à l'aide de barricades de pneus enflammés. La police n'osa pas intervenir, étant trop peu nombreuse dans cette région. À Valparaiso, le septième jour de juin, les étudiants et étudiantes, des universités de Valparaiso et de Playa Ancha se rassemblèrent dans une grande marche qui paralysa le centre ville, et ils en profitèrent pour saccager la motocyclette d'un policier téméraire qui voulait dévier la manifestation. Après s'être réfugié-e-s sur le campus, les étudiants et étudiantes durent fuir leur propre université car le recteur venait de donner l'autorisation à la police d'entrer dans l'enceinte universitaire pour faire le ménage... On pouvait encore sentir les gaz récurrent le lendemain midi. Une occupation étudiante paralysa le fonctionnement de plusieurs facultés de l'université de Concepciòn pendant plus de deux semaines. L'administration finit par plier à toutes les revendications étudiantes suite à une occupation du DTI, l'édifice contenant le cœur informatique de l'université. Les militants et militantes occupaient simultanément le centre sportif.
En bref, on comprend de tout cela que plusieurs universités publiques possèdent une bonne quantité de militants et militantes qui n'hésitent pas à agir au sein même de leurs institutions pour permettre le développement digne et sain de l'esprit, dans un contexte de respect des membres de la communauté universitaire . Toutefois, l'absence de coordination au niveau du pays ne permet pas de réel aboutissement des luttes contre le ministère de l'éducation. La seule fédération étudiante qui existe à la grandeur du pays ne regroupe que les universités traditionnelles alors que certaines institutions privés, minoritaires même tout de même présentes, possèdent un discours et une population étudiante bien militante. À ce titre, la désunion des militants et militantes n'est utile qu'aux tenants du pouvoir.
Il faut croire que tant au Québec qu'au Chili, une coordination étudiante à la grandeur du territoire serait fortement utile pour renforcer les luttes étudiantes.
Voici quelques autres références intéressantes, toutes disponibles à travers le site de la FECH (Fédération de l'Université de Santiago) au www.fech.cl
http://www.latercera.cl/diario/2001/05/25/t-25.11.3a.CRO.FONDO.html
http://www.elmostrador.cl/modulos/noticias/constructor/detalle_noticia.asp?id_noticia=31194
Par Mélissa Hamel, du Comité de coordination de grève
Du 20 au 23 avril 2001 plus de 10 000 étudiants et étudiantes, venu-e-s d’un peu partout en Amérique, se sont réuni-e-s à Québec pour lutter contre la Zone de Libre Échange des Amériques ainsi que la tenue même du sommet des Amériques. Bien entendu, le monde étudiant n’a pas entendu parler du Sommet des Amériques que lorsque le Sommet avait lieu. En effet, au niveau collégial, c’est dès le début de la session d’hiver que les associations étudiantes ont bombardé les gens de tracks, textes et journaux. Au niveau collégial, nous avons même pu voir la formation d’un comité de coordination pour établir des liens entre chaque région et association étudiante afin de permettre une grève
générale.
Issu du Forum des Associations Étudiantes Collégiales du Québec, organisation non décisionnelle, le comité de coordination de la grève générale collégiale 2001 a lancé un mois et demi avant la tenue du sommet, un journal portant sur les effets de la mondialisation sur l’éducation ainsi que les conditions sociales de tous et toues. Un appel général vers la grève était ainsi lancé. C’est à 30 000 exemplaires que le journal a été distribué partout au Québec suivi de tournées lors de Assemblée Générale. Conclusion, un peu plus de 20 associations étudiantes ont tenu une Assemblée générale pour consulter leurs membres sur le sujet de la ZLÉA et du Sommet des Amériques et au travers de ces dernières, 10 se sont prononcées en faveur de la grève. Montréal, Granby, Shawinigan, Rouyn Noranda, Québec et quelques autres se sont donc retrouvés avec des centaines d’étudiants et d’étudiantes voulant manifester à Québec contre le Sommet. Il est à noter que certaines des associations étudiantes moins actives au niveau politique ont finalement ressurgi et ont l’intention de continuer dans cette optique. Nous nous devons d’aviser la population étudiante sur les conséquences des politiques néolibérales afin que chacun et chacune puisse enfin faire un choix éclairci lors de la prise de décision.
Au niveau de l’organisation étudiante le comité de coordination de la grève, tout comme le Forum des Associations Étudiantes Collégiales se sont butés à quelques embûches. En effet, le phénomène d’une organisation non décisionnelle et non redevable auprès des associations étudiantes a fait en sorte que le mouvement ne pouvait jamais vraiment savoir quels seraient les résultats ainsi que les suites du Sommet. Le besoin d’une réelle organisation syndicale étudiante s’est doublement fait sentir au sein de tout le processus d’organisation et de mobilisation. Enfin l’ASSÉ devient de plus en plus importante, démontre une stabilité ainsi qu’une volonté de ses membres de continuer le combat.
Le mouvement étudiant est un plancher solide pour la mobilisation et le changement social. C’est d’ailleurs lui qui, lors de la manifestations du 20 avril en face de l’Université Laval, a lancé le premier message d’une mobilisation générale contre le Sommet des Amériques en 2003. Ensemble nous ferons changer le cours des événements!!!
Par Martin Rose, étudiant à Maisonneuve
D'année en année, nous assistons à une hausse fulgurante de l'oppression face aux militantes et militants qui, ne l'oublions pas, croissent réciproquement. Par contre, en lieu et place d'une inacceptation de toute cette répression, engendrée par une simple prise de parole de la part d'un peuple qui ne veut qu'une meilleure condition, nous assistons à une hausse de la tolérance vis à vis de ces mesures oppressives, et ce non seulement de la part de l'opinion publique (à laquelle on doit s'attendre puisqu'elle est principalement façonnée et dirigée par le pouvoir étatique) mais aussi de la part des militantes et militants.
Toutes et tous furent choqué-e-s qu'un mur (de la honte!) soit dressé au beau milieu du Vieux-Québec, brimant ainsi les libertés de toute personne. Par contre, l'indignation était beaucoup moins grande à Gêne, en Italie, lors de la toute dernière rencontre du G8. Pourquoi ? Simplement parce que cette mesure inacceptable était du déjà vu. Ce mur était tout aussi inadmissible, mais chacun d'entre nous s'attendait à voir de telles mesures assujettissant chaque individu nous être imposées. L'insurrection fut moindre, alors que la situation était toute aussi oppressive
De la même façon, les canons à eau ne dérangent plus. Après tout, ils sont bien moins dangereux que les gaz lacrymogènes (dont on ne connaît pas encore tous les effets secondaires), qui le sont moins que les balles de caoutchouc (qui, malgré le nom, je tiens à le préciser, sont fabriquées d'une balle métallique recouverte d'une gaine caoutchoutée parsemée d'un embout en plastique rigide). Et il est d'autant plus inutile de préciser qu'après un manifestant tué à Gêne, la tolérance vis à vis des balles de caoutchouc (métal, plastique!) sera sûrement augmentée d'un cran, les chances de tuer étant moindres.
Mais voilà qu'au tout début du mois d'août (2001), Monsieur Ted Hughes finalisa son rapport sur les événements survenus lors du Sommet de l'APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) qui eut lieu à Vancouver en 1997. Ce sommet accueillait, parmi les 18 dirigeants et dirigeantes d'autant de pays, Suharto, le dirigeant de l'Indonésie. Jean Chrétien étant très inquiet de voir des manifestantes et manifestants dénoncer la dictature dont fait preuve Suharto (ce qui aurait pu avoir comme effet de nuire aux bonnes relations commerciales entre le Canada et l'Indonésie), s'est assuré d'atténuer par tous les moyens les manifestations se tenant à l'université de Vancouver lors de cette rencontre.
C'est précisément ce que dénonce le rapport du juge Hughes, qui rappelle le droit fondamental à la manifestation publique. Sa toute première recommandation réitérant que "La direction des forces doit s'assurer qu'une occasion généreuse est offerte aux manifestants pacifiques de voir et d'être vus lors de leurs activités de protestations." Seulement, ce rapport apparaît quelque quatre années après que des manifestants et des manifestantes furent incarcéré-e-s, fouillé-e-s (à nu), dépossédé-e-s de leurs effets personnels (affiches et biens personnels) et aspergé-e-s de poivre de Cayenne, entre autres par le célèbre officier Hugh Stewart, surnommé depuis Sergeant Pepper.
Lors de ces quatre années (presque cinq en date de la rencontre), plusieurs militantes et militants ont vu leurs droits brimés. Ne prenons que l'exemple du Sommet de Québec ou de Gêne, en Italie, où nous avons vu des mesures plus importante être entreprises pour faire taire la population, tel le fameux mur, les arrestations massives, les balles de plastique (vous vous rappelez de la constitution de ces balles!) et de l'abus de gaz lacrymogène. Oui le rapport Hughes nous donne droit à la manifestation, mais ce rapport aura-t-il des effets ? Si non, combien d'années devrons nous attendre pour voir un prochain rapport (celui du Sommet de Québec dans quatre ans!) ?
Chaque hausse de notre tolérance ne nous aidera qu'à rester à genoux devant le pouvoir, qu'à annihiler le peu de liberté récupérée après des siècles de soumission, d'esclavagisme, de servage sans compter notre astreinte au capital et à la ploutocratie. L'oppression, peu importe l'adjectif quantitatif qui lui est destiné, n'a pas sa place. En haussant ainsi notre seuil de tolérance, nous cédons peu à peu notre liberté en ouvrant toute grande la porte à une croissance de l'oppression. Non seulement nous ne devons en aucun cas hausser notre indulgence, mais nous devons à tout prix nous révolter contre toute forme d'oppression. C'est à nous seuls de reprendre notre liberté trop longtemps subtilisée.
Par Mathieu Houle-Courcelles, étudiant en Sociologie à l’UQAM
Depuis quelques années, nous assistons à un regain d'intérêt pour l'idée et la pratique autogestionnaires au sein du mouvement étudiant. Un tel engouement n'est pas le fruit du hasard, bien au contraire. Au fur et à mesure que se radicalisent les diverses formes de résistance à l'ordre établi, de plus en plus d'individus et de groupes cherchent des moyens d'action, de création et de réflexion en mesure de répondre à leurs désirs de liberté. En ce sens, l'autogestion apparaît aujourd'hui comme une alternative crédible à la domination et au système capitaliste, y compris dans le monde de l'éducation. Mais pour que l'autogestion cesse d'être seulement une théorie et deviennent enfin une réalité quotidienne, commençons par explorer ses principaux concepts et quelques-unes de ses réalisations concrètes.
L'autogestion: c'est quoi?
Le concept d'autogestion est relativement nouveau dans la langue française. Il apparaît au début des années '60 pour décrire la prise en charge, par les travailleurs et les travailleuses, des moyens de production (ex: manufacture de vêtements) de façon autonome, c'est à dire sans l'intervention de l'État ou du patronat. En fait, l'idée d'autogestion telle que nous l'entendons est beaucoup plus ancienne que ne le prétendent certains observateurs. Elle est le prolongement moderne du projet socialiste libertaire, lequel a pris différentes formes au cours de l'histoire (anarchisme, communisme anti-autoritaire, conseils ouvriers). Contrairement au mode de fonctionnement autoritaire et centralisateur, où une minorité possède tous les leviers du pouvoir et les utilise au détriment de tous les autres, l'autogestion suppose une véritable démocratisation de la société: le pouvoir est exercé du bas vers le haut, les décisions étant prises par l'ensemble des personnes concernées par un problème donné, sans aucun chef, ni député. Sur une base locale, régionale, voire internationale, des fédérations de travailleurs et travailleuses pourraient arriver à coordonner l'effort de production en fonction des besoins de chaque communauté. En proposant le renversement de la pyramide sociale, l'autogestion généralisée à l'ensemble de la société s'inscrit de facto en rupture avec l'ordre capitaliste (1).
Avant les événements de Mai 1968, l'autogestion renvoyait presque exclusivement au monde du travail. Ce projet de transformation sociale était porté par les éléments les plus avancés du mouvement ouvrier influencés par les idées libertaires. Après 1968, la perspective autogestionnaire s'étend à d'autres secteurs en lutte contre le pouvoir capitaliste et l'autorité de l'État. Une multitude de groupes souhaitant une transformation radicale de leurs milieux de vie allant de pair avec leurs idées révolutionnaires choisissent d'en faire un projet concret, s'inscrivant dans une rupture consciente avec les modes de pensée et d'agir propres à la société marchande. C'est pendant cette période de remise en question que l'idée d'autogestion a fait son entrée dans les collèges et les universités pour ne plus jamais les quitter.
L'autogestion: pourquoi?
Si de plus en plus d'étudiantes et d'étudiants revendiquent l'autogestion de leur cegep ou de leur université, il doit bien y avoir de bonnes raisons. Ce choix politique découle d'un constat fort simple: bien que majoritaires dans les institutions d'enseignements, les étudiants et étudiantes sont considéré-e-s seulement en tant que consommateurs et consommatrices du système d'éducation. L'école est devenue une usine qui fonctionne à plein régime: des diplômé et des diplômées se comptant par milliers forment une armée d'automates pré-formaté-e-s pour les besoins du Marché. Chaque étudiant-es doit être en mesure de payer pour avoir accès à des cours et à une formation. Bien entendu, l'étudiant ou l'étudiante moyen-ne n'a aucun pouvoir, aucun droit de regard sur l'éducation qui lui est dispensée, ni sur l'orientation prise par son cégep ou son université (pensons aux contrats d'exclusivité avec des multinationales comme Coca-Cola, à l'omniprésence de la publicité, etc.). Et si une autre éducation était possible? Et si les étudiantes et les étudiants avaient la possibilité de réfléchir et d'intervenir dans le cadre d'un nouveau projet éducatif participant à la transformation de leur société? De tels désirs ne peuvent être réalisés dans le cadre actuel: partout, les directions d'établissement bloquent ces aspirations légitimes parce qu'elles sont considérées comme irréalistes, voire dangereuses. Pour arriver à nos fins, il faut donc provoquer des moments de remise en question de l'autorité, des moments de ruptures avec l'ordre marchand.
L'autogestion: comment?
C'est à l'occasion de grèves générales que l'autogestion a été mise en place dans les cégeps et les universités du Québec. Les étudiants et les étudiantes de l'École des Beaux-Arts de Montréal (1968), du cegep Levis-Lauzon (1996) et de l'UQAM (2000) ont profité de ces périodes de contestation globale pour occuper physiquement leur institution et mettre en place des structures autogestionnaires. Au lieu de simplement organiser un piquet de grève, ces étudiantes et étudiants (aidé-es de profs, employées et employés de soutien et de chargés et de chargées de cours) ont cherché collectivement à redonner un sens nouveau à leur éducation: de nouveaux cours sont apparus quotidiennement, des fresques multicolores ont jaillis de la grisaille habituelle, des liens inattendus se sont créés avec le monde extérieur, des actions directes s'organisèrent tous les jours. En deux mots: la vie est devenue poésie. Ces moments de réflexion, d'action et de création furent l'occasion de revoir de fond en comble les rapports entre les profs et les étudiantes et étudiantes, entre ceux et celles-ci et leur association étudiante (qui bien souvent disparaît au profit d'un comité de grève autonome et d'une assemblée générale souveraine), entre les étudiantes et les étudiants eux et elles-mêmes. Plus de conseils d'administration omnipotents, plus de gardiens et de gardiennes de sécurité aux pouvoirs étendus, plus de petit-chefs estudiantins: ainsi peuvent se construire en commun des espaces d'autonomie et de liberté.
Notes : (1) Il ne faut donc pas confondre l'autogestion avec la "cogestion", qui suppose la collaboration entre travailleurs-euses et patrons pour arriver à garantir la paix sociale sans changer quoi que ce soit à la domination des uns sur les autres. Ironie du sort, l'idée d'autogestion est devenue synonyme de cogestion dans bien des milieux de travail...
Voici quelques pistes pour poursuivre votre réflexion au sujet de l'autogestion:
Collectif, Interrogations sur l'autogestion, Atelier de création libertaire, Lyon, 1979, 106 p.
Emmanuel de Waresquiel (sous la dir.), Le siècle rebelle, Larousse-Bordas, 1999, 671 p.
Laflamme, Claude et Saulnier, Jean, La République des Beaux-Arts, Vent d'Est Films, Montréal, 1998, 75 min.
Roy, Serge, La pensée en liberté, Éditions écosociété, Montréal, 1996, 292 p.
Par Jérémie Duhamel, étudiant à Maisonneuve
Les modèles de société connus en occident revêtent un caractère commun: celui d'écarter le peuple de la gestion des affaires qui le concernent, et donc d'instaurer la dictature d'une minorité possédante. Bien loin de disposer des moyens qui peuvent mener à la pleine conscience du statu quo, la majorité de la population est appelée à s'indifférer devant l'agir et la réflexion politique. Diverses méthodes sont utilisées pour entretenir le silence des masses. L'une d'elle, par son pouvoir de distribution, de division et de diffusion de l'informations, est le véhicule principal de l'idéologie dominante. Afin d'assurer une rectitude politique chez l'élite intellectuelle et un apolitisme chez la population, les mécanismes du pouvoir prennent racine dans l'univers des médias. Parce qu'ils répondent aux critères imposés par le marché, les médias de masse ont le devoir d'assurer sa satisfaction. Le culte du marché, comme référence de toutes investigations, doit se démocratiser tout en exacerbant sa naturalité illusoire; les valeurs commerciales ont tendance à s'imposer comme des valeurs naturelles. La notion de responsabilité citoyenne possède un tout autre sens lorsqu'il est question de se rendre responsable par son apport dans la satisfaction générale du marché. Le marché a l'avantage d'être peu difficile : il se satisfait d'une consommation ou d'une possession. Pour rendre intéressant, donc lucratif, chacun des gestes posés par l'individu, le politique doit être évacué de la conscience générale et les intérêt matériels transformés en prétextes exploitables.
Les médias de masse sont les instruments qui permettent d'étendre l'idéologie dominante en prolongeant et en divinisant la voix des mieux nantis Au quotidien, nous pouvons reconnaître une tendance très marquée de ceux-ci à marginaliser les opinions sociales dissidentes au profit des idées favorables au statu quo. Lorsqu'il question de vendre ou d'acheter de l'informations, il est aussi question de soutenir les politique néo-libérales en cours. En fixant ses assises dans la poche de la minorité possédante, nous pouvons constater qu'autant au niveau de son mode d'organisation qu'à celui des valeurs véhiculées, les médias sont fonction de ses intérêts. Et c'est en soutenant les conditions objectives favorables au maintien du déséquilibre social actuel que la réussite d'une société est atteinte.
De manière sournoise, la minorité capitaliste s'assure d'une domination axée sur l'exclusion des autres plutôt que sur sa propre légitimité. La scission entre possédant et possédée ou possédé est justifié par l'institution du droit de propriété comme droit premier et fondamental. L'endurcissement du rapport de domination est nourri par la désinformation dont est victime la population. Alors que plusieurs utilisent l'image de la liberté d'expression pour émanciper le champ d'action et le pouvoir du marché, les processus d'aliénation et de dépolitisation populaires sont omniprésents. L'assujettissement d'une classe par une autre est décelable dans la plupart des domaines d'activités humaines. Bien que vécus par la majorité, ces réalités n'apparaissent pas dans les médias commerciaux. Ces inégalités connaissent des retentissements majeurs dans la culture. .Deux systèmes s'érigent, celui des pauvres et celui des riches Nous avons vu précédemment comment l'élite a fait du culte du marché l'identité propre de sa culture. Le portrait culturel de la populace est aussi façonné de manière à faciliter la régulation du marché. Ainsi, parce que maintenant concentrés dans les mains de tenanciers qui servent d'autres finalités, les moyens qui auraient pu garantir la promotion de la diversité des cultures ont aujourd'hui pour rôle de la rendre univoque et rentable. Comprendre, se civiliser et se respecter, c'est acheter et faire acheter le produit dérivé reconnu à la télé, dans les journaux, dans une chanson ou dans un livre.
Devant de telles réalités, nous avons le devoir de fournir de nouveaux modèles de diffusion. Plutôt que de consentir aux mesures posées par notre immobilité, nous devons nous regrouper pour agir sous la bannière d'une légitimité réappropriée. Parce que la lucidité n'est pas une forme de paranoïa, nous avons à désapprendre le connu pour que s'assainisse notre vie en société. Des débat doivent jaillir une stratégie de renversement et de construction. Pour qu'enfin s'achèvent la résignation et l'oubli, nous nous donnerons comme première tâche de ré-apprendre à lire les mécanismes du pouvoir actuel.