Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante
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Femmes et système d’éducation
Cahier du camp de formation de l’ASSÉ des 23 et 24 septembre 2006

Table des matières

1. Histoire des femmes dans le système d’éducation au Québec du XXe siècle jusqu’au Rapport Parent

Le droit à l’instruction a été, dans la lutte féministe, une revendication unanime et centrale, et ce, par l’ensemble des groupes de femmes. Or, l’organisation d’un réel système d’éducation à la fréquentation mixte et, surtout, les orientations ainsi que les objectifs de l’éducation offerts à la population féminine du Québec sont alors divergents les uns des autres. En effet, il faut souligner le chevauchement continu de plusieurs types d’institutions d’enseignement, le manque d’uniformité, la piètre qualité de l’éducation dans certaines institutions aux objectifs douteux, le lien entre l’éducation des femmes et l’éducation populaire et, surtout, les explications qui ont mené à la ghettoïsation des femmes dans des métiers traditionnellement féminins.

Niveau de scolarité différent entre les anglophones et les francophones

Les femmes anglophones ont accès au « high school » qui est une formation qui équivaut à 11 ans de scolarité et peuvent ensuite passer à l’université. Mais encore, les étudiantes n’ont accès qu’à quelques programmes, arts et littérature bien souvent. En 1923, un réseau francophone public est créé. En conséquence, le cours primaire a une durée de 6 ans, le cours complémentaire 2 ans, 3 ans pour le cours supérieur et 1 an pour le cours préparatoire à l’université, mais dans le secteur privé seulement. Donc, le système public prévoit 12 ans de formation pour les francophones avant de pouvoir accéder à l’université. Par contre, les écoles supérieures pour filles n’existent pas encore. Elles doivent alors se tourner vers les institutions privées qui, elles, offrent parfois le cours complémentaire et parfois le cours supérieur. C’est alors plutôt difficile pour les femmes d’avoir accès à un niveau supérieur d’étude puisqu’il est coûteux.

Instruction et formation : Avenues offertes aux femmes

Les Écoles normales ouvrent leurs portes pour les filles en 1898 à la suite des demandes de la communauté religieuse. Les étudiantes peuvent ainsi obtenir leur brevet d’enseignante. En 1911, il y eut 112 diplômées alors qu’en 1939 elles étaient 907. En 1910, les Écoles de Montréal offrent le cours lettres et sciences. Par contre, ce diplôme reçoit de vives critiques puisque ce n’est pas nécessaire d’avoir étudié à cette école pour avoir un brevet d’enseignement, sans compter que ce cours a la réputation d’être de niveau universitaire. Or, en comparaison, le « high school », préalable pour accéder à l’université, a une durée de onze ans...

Parallèlement, l’enseignement ménager catholique fait son apparition en 1882. Ces écoles sont destinées aux jeunes filles provenant d’un milieu privilégié. La fréquentation de ces écoles est six fois plus élevée que celle des écoles ménagères. Ces établissements servent à lutter contre l’exode rural en « créant des épouses et des mères parfaites qui retiendront leur mari à la ferme ». La formation du cours ménager agricole a une durée de huit ans et transforme le travail domestique en véritable profession. Sans surprise, les parents sont très réticents à payer pour une formation qui destine les femmes à être maîtresses de maison.

En 1904, l’apparition d’écoles ménagères provinciales est une initiative laïque des bourgeoises de la fondation de la société Saint-Jean-Baptiste et de comités citoyens. On y offre des cours publics de jour et de soir, en anglais et en français, des techniques culinaires, de couture, de coupe, de taille de chapeau, de droits (sur les régimes matrimoniaux entre autres)... À cette école, c’est le cours d’économie domestique qui est enseigné en trois formats : le cours abrégé de trois mois, la formation ménagère qui a une durée d’un an puis l’enseignement ménager d’une durée de 2 ans avec obtention du diplôme. Tout comme l’enseignement ménager, cette formation vise en premier lieu la formation de bonnes épouses et mères, certes, mais également de fournir à l’armée des spécialistes des sciences ménagères. En effet, pendant la Première Guerre mondiale, on reconnaissait les compétences en diététique des diplômées de ces institutions. La réussite fut telle qu’il y eut création en 1919 d’un B.A.C en sciences ménagères d’une durée totale de quatre ans. Les deux premières années sont consacrées à l’étude des arts ménagers, puis viennent les disciplines comme la santé, la pédagogie, l’éducation dans une perspective d’intervention. On souhaite mesurer de façon qualitative et quantitative l’intervention des femmes. Ensuite, durant la Deuxième Guerre mondiale, les hôpitaux, les entreprises publiques, les grands magasins emploient des femmes diplômées de cette faculté. Sans aucun doute, les Écoles ménagères furent les « mères » de la diététique, des soins de réadaptation, des soins infirmiers, de l’hygiénisme, du travail social, des soins aux enfants et des soins prénataux. En conséquence, les diplômées deviennent de véritables « apôtres de l’engagement social ». Bref, nous pouvons affirmer certainement que ces institutions ont permis de développer le caractère scientifique des sciences ménagères ou domestiques et offrent une préparation professionnelle entièrement reconnue. Tellement que ces disciplines resteront le ghetto féminin jusque dans les années 1970.

Tournant majeur vers l’éducation populaire

Résultat d’une formation axée sur la santé, le bien-être et le contact humain, les féministes réformistes enclenchent un mouvement sans précédent : les sciences ménagères amènent la vocation pour les œuvres de bienfaisance. Il est important de savoir que les femmes de la bourgeoisie se sont intéressées à la misère des femmes de la classe ouvrière. Elles en constataient les bas salaires, l’alcoolisme, la violence, l’insalubrité de l’environnement et des logements urbains. Elles centrent leurs actions notamment vers les hôpitaux, les orphelinats, les asiles, foyers, refuges, crèches...

Au même moment, les groupes de gauche sont très actifs dans la formation de leurs membres. Parmi celles qui tentent de développer de nouveaux moyens d’intervention, on compte Bella Hall Gould, Léa Roback, Bernadette Lebrun et Annie Buller. Contrairement au mouvement des féministes bourgeoises, réformistes ou libérales qui interviennent par charité en tentant de panser les plaies des femmes de la classe ouvrière, Bella Hall Gould, par exemple, essaie de trouver la source de la maladie. Elle conclut qu’il n’y a pas de solutions individuelles à la pauvreté et part donc étudier le marxisme à New York. Au retour, avec l’aide d’Annie Buller, une militante très active dans le milieu du textile, elle fonde le Labor College où on donne des cours anglais d’économie marxiste et d’histoire du mouvement ouvrier. Cette formation est surtout suivie par des syndicalistes. Puis, en 1925, c’est au tour d’Albert St-Martin d’ouvrir une université francophone ouvrière. Plusieurs thématiques et disciplines sont abordées : conférences sur le communisme, la Russie, l’histoire de la France, la littérature canadienne, la religion, la géographie et l’astronomie. Les étudiants et étudiantes peuvent également apprendre la lecture, le travail en équipe, l’élocution, des éléments de la philosophie et des sciences politiques. Ces deux centres ont donné des outils aux femmes pour articuler leur lutte et prendre les actions nécessaires pour des gains.

Parallèlement, l’École d’enseignement supérieur apparaît dans le paysage de l’éducation au Québec en 1908. En fait, on y enseigne les quatre dernières années du cours classique, soit exactement la même chose qu’on offre aux hommes. En 1916, il y a la première graduée de cette école. Puis, en 1938, les écoles d’enseignement supérieur sont au nombre de onze. Il faut par ailleurs souligner le manque d’intérêt de la part des autorités concernant l’instruction des femmes. En effet, le gouvernement va subventionner ces institutions seulement en 1962 alors que pour les garçons, les collèges classiques le sont depuis 1922.

Aussi, il y a une cinquième option pour les femmes à partir de 1930 : les Écoles des arts domestiques. C’est un centre de formation continue pour les femmes provenant de tous les milieux. Il est possible de se perfectionner en couture, en alimentation, en hygiène, en diction et en arts domestiques. L’idée de base : inciter les femmes à se lancer en affaires. Ce centre est largement fréquenté selon les statistiques de l’époque : environ une dizaine de milliers de femmes par année.

Malheureusement, faute de temps pour finaliser le tout avant l’impression du cahier, il manque la partie des années 1940 au Rapport Parent. Le document manquant sera donc disponible lors du camp de formation et sera ajouté à la version informatique de l’atelier automne 2006 sur le site Internet de l’ASSÉ. Merci de votre compréhension.

2. Situation actuelle

Qui étudie ?

La participation aux études post-secondaires, et plus particulièrement aux études universitaires, est influencée dans une large mesure par le niveau de scolarité des parents et par d’autres antécédents familiaux.

Le niveau de scolarité des parents comporte un lien étroit avec la participation aux études post-secondaires, même en présence d’autres facteurs tels les résultats scolaires et le comportement au niveau secondaire. Chaque année de scolarité des parents augmente la probabilité de poursuivre des études universitaires d’au moins cinq points de pourcentage. Environ 40 % de cet effet est indirect, le reste étant direct. La proportion indirecte des répercussions des antécédents familiaux comporte les notes obtenues par l’élève aux niveaux primaire et secondaire, les attitudes de l’élève à l’égard de l’école et de l’opinion des parents quant à l’importance des études secondaires.

La période de la vie précédent celle où le financement des études post-secondaires et les enjeux connexes deviennent importants est donc déterminante pour l’accès aux études post-secondaires.

En ce qui a trait au type de famille, les enfants provenant de familles biparentales sont plus susceptibles dans une proportion d’environ 25 % de poursuivre des études supérieures que ceux provenant de familles monoparentales dirigées par la mère [1].

Au secondaire

En 1999-2000, les filles sont diplômées dans une proportion de 90 % contre 77 % des garçons. La majorité des filles passent ensuite au DEC. 22 % des filles se dirigent plutôt dans une formation professionnelle. On note une hausse de l’obtention de DEP après l’âge de 20 ans ou après l’acquisition préalable d’une formation générale. Les mêmes tendances s’observent également chez les garçons, quoiqu’ils soient plus nombreux à choisir le DEP qu’elles [2].

Décrochage au secondaire

En 1999, 12 % des filles et 20 % des garçons décrochaient au secondaire. Le taux de décrochage a baissé énormément depuis 1981 et semble s’être stabilisé depuis 1997. Si la situation des filles semble s’être davantage améliorée que celle des garçons et que le décrochage de ces derniers a déclenché un tapage médiatique ces dernières années et constitue un des arguments favoris du discours masculiniste, il est à préciser que le phénomène du décrochage scolaire masculin est historique et a toujours été supérieur à celui des filles. Par ailleurs, ce taux est en baisse continuelle depuis les années 1970 : de 49 % en 1975, il est passé à 20 % en 1999. La vague d’inquiétude les concernant est due à l’écart entre garçons et filles ayant fait un bond en 1994. Cependant, cet écart n’a pas découlé d’une augmentation du décrochage masculin, mais bien d’une chute importante mais passagère du décrochage féminin [3].

Décrochage scolaire selon les sexes et les générations (en %)

1975-761985-861990-911994-951995-961996-971999
Garçons (%)49283132192220
Filles (%)381313431112
+ / - (%)+11+15+18+28+16+11+8

L’analyse socio-économique et culturelle démontre que pour l’ensemble des personnes décrochant, ce n’est pas le sexe mais bien la classe sociale qui est déterminante. Les personnes décrochant sont plus susceptibles que les autres jeunes de provenir de milieux défavorisés.

Sur le marché du travail, on remarque par contre une différence sexuée à l’avantage des garçons. Ils décrochent des emplois mieux rémunérés pour leur âge, formation et conditions sociales.

Les raisons d’abandon sont aussi différenciées selon le sexe. Les garçons invoquent la préférence du travail aux études, l’ennui sur les bancs d’école, le besoin d’argent et les problèmes avec le personnel enseignant. Les filles parlent aussi de l’ennui et des problèmes face aux études, mais dans 10 % des cas, la grossesse précoce (qui met presque toujours fin aux études) ou le désir de se marier sont plutôt les facteurs décisifs [4].

Au collégial

Sur les 90 % de filles qui décrochent un DES, 69 % de ce nombre poursuivent les études collégiales. La fréquentation du cégep a davantage progressé chez les filles que les garçons : de proportion égale à ce niveau d’étude en 1995 (40 %), en 2002, elles les devançaient par 18 points. En 2002, 49 % des Québécoises obtenaient leur DEC.

Le choix du cheminement pré-universitaire est prédominant à la voie technique pour tous les étudiants et toutes les étudiantes et ces dernières ont toujours été plus nombreuses que les garçons en formation technique.

À l’université

Parmi les femmes ayant obtenu un DEC, 42 % poursuivent leurs études à l’université. C’est au niveau universitaire que les femmes ont le plus progressé dans le domaine de l’éducation.

En 1996, les hommes étaient dans une proportion plus nombreuse qu’elles a obtenir un diplôme universitaire (17 % vs 13 %). En 1999, la situation s’était inversée, dans des proportions de 33 % de femmes pour 22 % d’hommes. C’est en 1983 que la proportion s’est égalisée, année après laquelle les femmes ont par la suite augmenté leur proportion par rapport à leurs homologues masculins. Fait à noter, avec l’Espagne, la Norvège, le Canada et la Nouvelle-Zélande, le Québec fait partie des sociétés où la scolarisation des femmes est la plus avancée [5].

Les femmes terminent en moyenne leurs études de premier cycle, lorsqu’elles sont à temps plein, plus rapidement que les hommes dans la même situation, en 6 trimestres plutôt que sept.

Il y a 7 femmes sur 100 qui réussissent à terminer une maîtrise. C’est en 1991 que les femmes ont rattrapé les hommes à ce niveau. Elles sont depuis plus nombreuses qu’eux proportionnellement dans le 2e cycle universitaire.

Au doctorat, les hommes sont par contre proportionnellement beaucoup plus nombreux que les femmes. Toutefois, leur taux de diplomation augmente plus rapidement que celui des hommes depuis les 25 dernières années.

Domaines d’étude et choix de carrière

Le choix du domaine d’étude est d’une importance sans équivoque dans l’analyse de la situation des femmes dans l’éducation car il est déterminant dans l’orientation professionnelle, qui elle-même conditionne les gains monétaires sur le marché du travail. S’attarder au choix d’études et de carrière démontre le clivage énorme existant entre les femmes et les hommes dans ce domaine. Elles ont investi certains domaines dans le passé dominés par des effectifs masculins, mais restent globalement dans les mêmes domaines que dans le passé. La majorité des femmes n’a pas divergé du cheminement historiquement stéréotypé.

Si les préférences sont très différenciées selon le sexe dès les premiers choix de carrières, il est à noter que les femmes restent en outre concentrées dans un nombre de programmes plus limité. Cette tendance diminue toutefois avec le degré d’instruction, où elles varient davantage leur choix.

Les avancées

En effet, les pionnières d’il y a 30 ans ont mené, dans certaines disciplines alors typiquement masculines, à un retournement de situation dans les domaines du droit (où elles sont maintenant 59 %), de la comptabilité (61 %) ainsi que l’ensemble des sciences de la vie. Celles-ci comprennent la médecine (58 %), la médecine vétérinaire (82 %), l’ergothérapie (88 %), la pharmacie (68 %), la dentisterie (61 %) et l’optométrie (64 %). Si elles ont également percé dans les sciences pures, elles y restent par contre minoritaires [6]. La représentation féminine s’est aussi améliorée dans les domaines professionnels, des affaires et des finances, des sciences sociales et des sciences religieuses.

La stagnation

Globalement, on réalise tout de même que depuis les années 1980, les domaines les plus prisés par les femmes sont restés les mêmes, tout comme les domaines les moins choisis. Les 5 domaines d’études les plus populaires vis-à-vis des femmes restent identiques :

  • sciences sociales et domaines connexes
  • enseignement, loisirs et orientation
  • commerce, gestion et administration
  • lettres, sciences humaines et disciplines connexes
  • santé et technologies connexes [7]

En 2003, c’est 70 % de l’ensemble des femmes occupées qui travaillaient dans les domaines de l’éducation, des soins infirmiers et d’autres professions du domaine de la santé, du travail de bureau ou d’administration et des ventes et services. En comparaison, seulement 31 % des hommes occupés travaillaient dans ces domaines.

Même si la proportion des femmes travaillant dans des domaines traditionnellement occupés par des femmes a lentement diminué au cours de la dernière décennie (70 % en 2003 comparativement à 74 % en 1987), ce n’est attribuable qu’au déclin de la proportion des employé-e-s de bureau et des services administratifs de sexe féminin. (24 % en 2003 versus 30 % en 1987). Les autres secteurs d’emplois (éducation, soins infirmiers, vente et services) ont peu fluctué durant cette même période, encore composés d’une énorme proportion de femmes dans leurs effectifs totaux. Les femmes représentaient en 2003 88 % du personnel infirmier et des thérapeutes, 75 % des commis de bureau et des services administratifs, 63 % du personnel enseignant et 59 % du secteur de la vente et des services.

Les mathématiques, l’informatique et les sciences physiques restent des secteurs scolaires très minoritairement féminins et le génie ainsi que les sciences appliquées suivent encore plus loin derrière. En 2003, seulement 22 % des personnes travaillant dans ces domaines étaient des femmes, ce qui a peu changé depuis 1987 (17 %). Il est en outre peu probable que cette représentation change dans un avenir proche, considérant que le nombre d’inscriptions universitaires féminines dans ces domaines reste relativement faible [8].

Ces derniers secteurs, dits métiers non traditionnels, (ce terme implique qu’ils sont composés d’effectifs féminins de moins de 33 %) sont pourtant très avantageux d’un point de vue salarial à ceux que choisissent majoritairement les femmes. De surcroît, actuellement, le ¼ des emplois est créé par des secteurs de haute technologie. Le Conseil national de la recherche en sciences naturelle et génie estimait en 2002 qu’il faudrait doubler le nombre de diplômé-e-s dans ces disciplines pour 2010 [9]. En vue de pallier au nombre d’inscriptions faible des femmes, plusieurs initiatives sont tentées afin de motiver les femmes à choisir ces secteurs, dont les projets du MÉQ « Chapeau les filles » et « Exelle science », ou encore « Scientifines », « Les filles et la science », ainsi qu’« OPUS ». Toutefois, on réalise qu’ils ont peu d’impact jusqu’à présent.

Scolarisation et emploi

L’augmentation du niveau de scolarité est en lien direct avec les possibilités d’emplois. Cependant, les femmes sont encore moins susceptibles que les hommes d’occuper un emploi, à niveau de scolarité égal. Cet écart s’amenuise par contre avec le degré de scolarisation.

Parmi les titulaires de diplôme universitaire, 74 % des femmes occupaient un emploi en 2003 versus 78 % des hommes. Dans la catégorie des titulaires d’un certificat ou d’un diplôme non universitaire, 69 % des femmes occupaient un emploi versus 78 % des hommes. Pour la catégorie des gens n’ayant pas dépassé la neuvième année, les femmes étaient environ la moitié moins susceptibles d’occuper un emploi que les hommes, dans un rapport de 15 % pour 31 %. Par ailleurs, il est plus difficile pour les femmes d’accéder à un emploi à temps plein, et elles sont moins assurées de trouver un emploi lié à leur formation que les hommes.

Occupation d’emploi (%de la population) selon le niveau de scolarité en 2003

FemmesHommes
9è année ou moins1531
Certificat ou diplôme non universitaire6978
Diplôme universitaire7478

Scolarisation et revenus

L’équation scolarisation = revenus, quant à elle, est véridique...mais de manière unisexe. La comparaison des revenus bruts (avant impôt) des hommes et des femmes, à scolarité égale, démontre une réalité inégalitaire systématique, se détériorant avec la hausse du niveau de scolarité. Une analyse des gains d’emplois nets des personnes travaillant à temps plein toute l’année fait état d’un écart systématique entre hommes et femmes de scolarité égale, au désavantage de ces dernières. Pour les titulaires de diplômes secondaires, l’écart est de 7 924 $ annuellement. Il est de 12 000 $ en moyenne pour les personnes ayant un diplôme post-secondaire. Avec l’obtention d’un baccalauréat, cet écart est de 14 550 $, et au niveau de la maîtrise ou du doctorat, de 16 563 $.

Gains d’emploi net des 16-69 ans, travail à temps plein toute l’année, selon le sexe et la scolarité, 2002

Ratio gains
ScolaritéFemmes%Hommes%F/H %
Moins d’une neuvième année18 701 $3 %28 998 $7 %65 %
Diplôme secondaire31 552 $14 %39 476 $16 %80 %
Diplôme postsecondaire30 000 $37 %42 000 $33 %71 %
Baccalauréat48 250 $15 %62 800 $12 %77 %
Maîtrise ou doctorat62 310 $6 %78 873 $7 %79 %

Il est à noter qu’en pratique, le tableau de la situation monétaire moyenne hommes/femmes est encore plus sombre : les femmes faisaient en 2001 seulement 65 % du salaire des hommes, un écart annuel de 13 300 $. Cela s’explique par plusieurs facteurs, dont le travail à temps partiel, le choix de carrière et les niveaux hiérarchiques. Les femmes sont plus nombreuses à travailler à temps partiel : 28 % des travailleuses en 2003, comparativement à 11 % des hommes. Ces femmes travaillant à temps partiel le font dans une proportion de 20 % pour cause d’obligations personnelles ou familiales, pour s’occuper des enfants par exemple. Seulement 2 % des hommes à temps partiel invoquent ces motifs. Aussi, elles choisissent plutôt des domaines où l’échelle salariale est moindre que les domaines privilégiés par les hommes. De plus, elles sont moins présentes dans des postes de hiérarchie supérieure. La proportion des femmes occupant des postes de gestion a augmenté, passant de 29 % en 1987 à 35 % en 2003, mais elles y sont cependant beaucoup plus présentes parmi les gestionnaires de niveaux inférieurs que supérieurs. En 2003, seulement 24 % étaient des cadres supérieurs, alors qu’elles constituaient 36 % des cadres d’autres niveaux.

Gains d’emploi moyens, selon le sexe, 2001

FemmesHommesÉcart F/HRatio gains F/H
24 700 $38 000 $13 300 $65 %

Le financement, l’endettement

Une étude faite en 2002 a démontré que de façon générale, aucune source de financement ne suffit à elle seule à couvrir les frais de base des programmes d’études post-secondaires de la majorité des personnes aux études. L’étudiante ou l’étudiant type fréquentant un établissement d’études post-secondaires a dû débourser, en 2002, environ 4 000 $ pour acquitter ses frais de scolarité et acheter ses livres et ses fournitures. Plus de 90 % des étudiants et étudiantes ont dû recourir à plus d’une source de financement afin de payer leurs études.

Dans l’ensemble, la principale source de financement était les économies personnelles, suivies des gains provenant d’un emploi et de l’argent donné par des membres de la famille, un conjoint ou une conjointe, ou encore des ami-e-s.

Les prêts étudiants, une importante source de financement, ont été utilisés par 26 % des étudiantes et des étudiants. Cependant, à peine 15 % ont couvert les frais liés à leurs études au moyen d’un prêt étudiant (soit environ 60 % des bénéficiaires de prêt).

Les subventions et les bourses d’études, qui constituent l’autre principale forme de soutien financier non familial ou personnel, étaient généralement trop petites pour couvrir le coût des études. Même si 29 % des étudiantes et des étudiants ont obtenu des subventions ou des bourses d’études en 2002, cette source suffisait à payer la totalité des coûts des études dans le cas de seulement 5 % de la population étudiante [10].

Les femmes, ayant les gains monétaires les plus bas à tous les niveaux de scolarité et tous les âges, ne gagnant en moyenne que 65 % du salaire annuel des hommes, sont conséquemment encore plus sujettes qu’eux à devoir avoir recours à l’endettement pour étudier. En 2003, 133 113 personnes ont bénéficié du programme d’aide financière aux études en 2003-2004 (29,9 % de la population étudiante). Les femmes ont été presque 20 % plus nombreuses que les hommes à nécessiter l’AFÉ (58,7 % comparativement à 41,3 %). Dans le secteur des prestataires parents, c’est un nombre de 20 964 personnes qui ont eu recours à l’AFÉ [11]. Ce groupe de parents bénéficiaires est en très large partie constitué de femmes. En effet, elles représentent 71,4% des parents bénéficiaires [12]. Les femmes sont donc particulièrement touchées par le phénomène de l’endettement étudiant, et ce, peu importe leur situation familiale. On remarque le clivage hommes/femmes encore plus important chez les femmes séparées, divorcées et mères.

Répartition des bénéficiaires d’une aide financière aux études selon la situation de famille et le sexe, 2003-2004

Situation de familleBénéficiaires Total
FemmesHommes
Célibataire61 66344 633106 296
Marié-e9 6087 50217 110
Séparé-e1 5976582 255
Divorcé-e1 9667742 740
Veuve ou veuf9322115
Vivant maritalement avec enfants3 2211 3364 557
Uni-e civilement261440
Total78 17454 939133 113

Lors de l’année 2004-2005, à la suite de la réforme du programme de l’aide financière aux études, le nombre de bénéficiaires est passé à 132 925 personnes [13]. Malgré l’absence de données quantitatives plus précises dans le plus récent document accessible de l’AFÉ, on peut soulever l’hypothèse fort probable qu’encore une fois, une situation alarmante d’endettement étudiant prévaut chez les femmes.

Les mères monoparentales (les femmes dirigeaient à 81 % les familles monoparentales, en 2001), pour leur part déjà parmi les plus touchées par l’endettement étudiant, ont vu leur situation s’aggraver encore suite à la réforme de l’AFÉ. La pension alimentaire est calculée dans les revenus des personnes faisant la demande d’AFÉ. Il est très contestable d’utiliser l’argent versé aux enfants comme revenu pour la personne, et encore plus lorsque l’on sait que les pensions sont versées de façon intermittente et partielle, ou même jamais, pour près de 30 % des enfants dont le soutien financier fait l’objet d’une ordonnance de la cour [14]. Depuis 1997, les pensions alimentaires pour enfants déterminées dans des jugements ont été défiscalisées. Ceci signifie que les pensions alimentaires n’ont plus à être déclarées comme un revenu, en regard de l’impôt. Toutefois, elles continuent à être considérées comme un revenu pour l’AFÉ.

Cette mesure très pénalisante réussissait à être contournée par plusieurs mères monoparentales - parce qu’il s’agit de femmes en majorité - lorsque celles-ci se tournaient vers le comité de dérogation de l’Aide financière aux études. Ce comité suggérait au ministre de leur remettre l’équivalent de leurs chèques de pension alimentaire en prêts et bourses, avis qui était, de manière générale, appliqué. Plusieurs responsables de l’AFÉ dans des institutions collégiales parlent en fait d’une dérogation systématique.

Dans la lancée de la réforme, le ministre de l’Éducation, Pierre Reid, a décidé d’exempter les premiers 1 200 $ de pension alimentaire du calcul. L’entente à rabais suite à la grève générale illimitée des étudiants et étudiantes n’aura pas empêché la règle des 1 200 $ de continuer de s’appliquer.

Cette mesure, qui pouvait de prime abord sembler alléger la problématique du calcul de la pension alimentaire dans les revenus, quoiqu’étant déjà par sa simple existence illégitime, s’est avérée encore plus restrictive qu’auparavant. Le comité de dérogation a depuis changé son fusil d’épaule et refuse à présent systématiquement de remettre aux mères monoparentales l’équivalent de leur pension alimentaire. Malgré les demandes de dérogation à répétition dans certains dossiers, on se bute à une intransigeance incontournable. Dans bien des cas, il serait plus avantageux pour les mères d’être sur l’aide sociale. Le montant de 1 200 $ représente en moyenne la moitié de la pension alimentaire reçue.

Pour conclure

Pour faire un bref retour sur la situation globale des femmes en éducation, il est possible de dire qu’elles ont réussi à s’approprier de manière rapide et impressionnante l’accès au savoir, qui auparavant était limité aux hommes. Leur réussite et leur présence sont à présent égales ou majoritaires aux hommes à tous les niveaux de scolarisation, excepté le doctorat. Elles persévèrent davantage dans leurs études, et ce, historiquement. Leurs avancées majeures dans certains domaines anciennement gardés exclusivement par les hommes font en sorte qu’aujourd’hui, elles forment la majeure partie des effectifs en droit, en comptabilité ainsi que dans plusieurs sciences de la vie.

Pourtant, elles demeurent encore dans une gamme de programmes plus restreints que les hommes et restent largement cantonnées dans les choix de carrières typiquement féminins, en proportions qui n’ont guère changé depuis 30 ans. Les femmes restent dans le milieu de la santé, dans le travail de bureau ou l’administration ainsi que la vente et les services. Les mathématiques, l’informatique et les sciences physiques restent des secteurs scolaires tabous et les métiers non traditionnels, tels le génie et les sciences appliquées, restent des portes quasi closes.

Sur le marché du travail, elles récoltent des salaires moindres que ceux des hommes, et ce, systématiquement, même à degré de scolarité et horaires égaux. Elles ont davantage de difficulté à s’insérer sur le marché du travail et leur portrait réel sur le marché de l’emploi est peu reluisant : elles constituent une très large part des personnes travaillant à temps partiel, pour cause principale d’obligation parentale, contrairement aux motifs du peu d’hommes dans la même situation. C’est encore à elles qu’incombe la responsabilité morale et physique de la famille, rôle qu’elles choisissent souvent de privilégier à leur carrière ou leurs études. C’est d’ailleurs ces dernières qui sont le plus souvent responsables de familles monoparentales, ce qui implique dans bien des cas des difficultés monétaires encore plus importantes. Elles ne composent que 35 % des postes de gestion et à l’intérieur de ceux-ci, ne sont des cadres supérieurs que dans le quart des cas. Leur position économique en moyenne systématiquement inférieure à celle des hommes a comme conséquence leur surreprésentation dans le régime d’endettement étudiant, lui-même particulièrement désavantageant pour les parents recevant une pension alimentaire.

Comment expliquer qu’en parallèle à ces avancées si renversantes en éducation, les conditions socio-économiques des femmes demeurent si inférieures à celles des hommes ? La division encore si sexuée dans le choix du domaine d’étude et de carrière est certainement un facteur, qui d’ailleurs est observé dès le plus jeune âge. Les filles semblent préférer les matières où elles perçoivent quelque chose d’utile pour la société, d’humain, alors que les garçons seraient attirés vers la pratique et l’abstrait. Mais cela démontre que l’école n’est certainement pas le seul facteur en cause. On peut s’interroger sur le type de socialisation faisant en sorte que ces goûts distincts se développent, et ce, dès la naissance. Quel bébé aura le pyjama rose et lequel aura le bleu ? À qui seront offerts les camions, outils, Lego, jeux vidéo, poupées, mini électroménagers ? Qui se fait coiffer, joliment habiller, qui regarde-t-on de la façon la plus compréhensive se battre et se salir ? À quel sexe associe-t-on spontanément les caractéristiques respectives de la compétitivité, de la douceur, de l’agressivité, de la capacité de compréhension, du rationnel, de la docilité, de l’insoumission ? Être en mesure de désigner de facto le lien entre chacun de ces mots ou manières d’agir à un sexe davantage qu’un autre prouve le poids des stéréotypes sexués encore présents actuellement. Il serait naïf de nier leur existence, tout comme leurs impacts sur le développement et l’apprentissage en prétendant qu’ils relèvent d’un naturalisme.

Il est important de réaliser la présence de deux pôles genrés amenant une division encore très réelle du travail, rémunéré ou non (tâches ménagères, repas, lavage, soins aux enfants... travail encore majoritairement accompli par les femmes, gratuitement, et pourtant nécessaire au maintien du standard de vie.) Mais il est encore davantage décisif de remettre en question la raison pour laquelle ce sont les femmes qui écopent globalement de la situation désavantageuse. Il est certes intéressant et pertinent de s’interroger sur la raison des choix de carrière différenciés selon le sexe et, de manière plus spécifique, la raison pour laquelle les métiers traditionnellement féminins sont mal rémunérés. Ici, la question de l’équité prend tout son sens. Un système basé sur l’appropriation collective du travail et du temps des femmes, à l’avantage des hommes, est institutionnalisé. Ce type de travail n’est pas moins important, ne mérite pas moins mais est dévalorisé et sous-payé. C’est cette remise en question qu’il importe de faire, plutôt que de simplement tenter d’accéder à des métiers « d’hommes » comportant de meilleures conditions. Ces conditions disparates en elles-mêmes n’ont pas de raisons d’être sinon d’instaurer des privilèges à une classe particulière. Sans le vouloir et bien souvent sans s’en rendre compte, puisqu’on est élevé-e-s à l’intérieur de cette norme inégalitaire, on tente d’échapper aux conséquences sans voir la cause et la régler dans son fondement. L’atteinte de l’égalité des sexes, sous ses faux-semblants légaux, n’est que théorique. Il ne s’agit pas de se victimiser en tant que femmes ou de se démoniser en tant qu’hommes mais de réaliser un effectif caractère systémique des privilèges des hommes sur les femmes et travailler à en détruire les bases viciées.



[1] Statistique Canada, selon des données de l’enquête auprès des sortants de 1991 et de 1995.

[2] « Des nouvelles d’elles - Les jeunes femmes du Québec », Conseil du Statut de la Femme, 2002.

[3] Conseil de la famille et de l’enfance (1999), Québec, pour l’année 1999, Développement des ressources humaines Canada (2002), Enquête auprès des jeunes en transition, 1999. Calculs : L. Moisan, 2005.

[4] Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire.

[5] Portrait social du Québec : données et analyses, 2001.

[6] « Des nouvelles d’elles - Les jeunes femmes du Québec », Conseil du Statut de la Femme, 2002

[7] Lise Moisan, Femmes, à vos tableaux !, La vie en rose - Hors série, page 58, 2005

[8] Statistique Canada, Femmes au Canada : une mise à jour sur le chapitre du travail, 2003.

[9] Sophie Malavoy, La conquête inachevée, Gazette des femmes, vol. 25, no 6, mars-avril 2004.

[10] Étude : Comment les étudiants du niveau postsecondaire financent leurs études : http://www.statcan.ca/Daily/Francai...

[11] Aide financière aux études - Statistiques, Rapport 2002-2003 http://www.afe.gouv.qc.ca/connaitre...

[12] Mères étudiantes et ménages étudiants du Québec (MÉMEQ), Revendications sur la situation des mères étudiantes et des ménages étudiants du Québec, 200.

[13] Aide financière aux études - Rapport annuel 2004-2005 - La gestion par résultat http://www.afe.gouv.qc.ca/connaitre...

[14] Rapport de recherche - Quand les parents se séparent : nouveaux résultats de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, http://www.canadajustice.ca/fr/ps/p...

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