Analyse critique de la structure du sommet sur l’enseignement supérieur.
Par Blandine Parchemal
Il ne s’agit pas ici de s’atteler à une critique du contenu du futur sommet sur l’enseignement supérieur organisé par le Parti Québécois. Nous en aurons bien l’occasion passée la première rencontre thématique et ensuite. Mais ce qui va nous intéresser ici, c’est la structure que va prendre le sommet, structure qui nous a été dévoilée il y a quelques semaines.
Le jeudi 8 novembre dernier, le gouvernement nous apprenait en effet que la première rencontre thématique aurait lieu les 29 et 30 novembre soit trois semaines plus tard. Première rencontre thématique qui en sera suivie par une deuxième les 13 et 14 décembre et une troisième et quatrième en janvier pour se clore par une rencontre finale mi-février.
Pour chacune de ces rencontres thématiques, un appel de contributions est lancé aux organisations participants au sommet. Chaque organisation ayant le droit à une ou deux contributions sur les quatre thèmes. Il est à noter que ce ne sont pas les organisations qui peuvent se prononcer sur les thèmes qu’elles préfèrent aborder mais le gouvernement qui décide à l’avance quelle sera la contribution accordée à telle organisation.
La première critique à faire ici est le temps réduit pour réaliser ces contributions : par exemple, pour la première rencontre des 29 et 30 novembre portant sur la qualité de l’enseignement supérieur, la date limite pour envoyer les contributions était le 22 novembre, soit deux semaines après l’annonce de la forme que prendrait le sommet.
Or qui peut penser qu’en deux semaines, il est possible de faire une recherche approfondie et sérieuse sur la question de la qualité de l’enseignement supérieur ?
Par ailleurs, la deuxième rencontre ayant lieu les 13 et 14 décembre, c’est à nouveau seulement deux semaines dont vont disposer les organisations pour produire une contribution sur le thème de l’accessibilité et de la participation aux études supérieures. Il en va de même pour les 3e et 4e rencontres se déroulant durant le mois de janvier (nous ne savons pas encore la date exacte mais se déroulant sur un mois de temps, il est certain qu’il n’y aura pas plus de deux semaines entre les deux).
Après un mouvement de grève historique, nous pensions que ce sommet devait être ce lieu où l’on se donnait le temps de la réflexion pour tracer les lignes de ce que devrait être l’enseignement supérieur. Nous pensions que ce sommet devait être ce lieu où la réflexion pouvait se tourner vers des questions d’ordre fondamentale telle que celle de la mission des universités. Il n’en est rien.
Avoir deux semaines pour produire une contribution sur chaque thématique n’est en effet aucunement satisfaisant et nous place dans une situation de produire le plus vite possible quelque chose sans avoir eu le temps d’effectuer les recherches nécessaires.
Alors que le mouvement étudiant a largement dénoncé durant le printemps le transfert de l’exigence de productivité présente dans les entreprises privées aux établissements d’enseignement supérieur, c’est pourtant ce qui est répété ici à travers cet appel à produire de façon rapide et efficace une contribution. Nul doute également que ce temps limité va contribuer au fait que les débats vont rester en surface faute d’avoir eu l’occasion d’effectuer des recherches plus profondes.
Ce peu de temps laissé à la rédaction est également inquiétant quant à la conception de la recherche et de l’enseignement supérieur en tant que tel endossée par le gouvernement. A quel étudiant ou étudiante en cycles supérieurs demande-t-on de fournir un travail de réflexion en moins de deux semaines ?
L’inquiétude est encore plus forte lorsqu’on se penche sur la forme que doit prendre ces contributions. De fait, la règle est la suivante : chaque contribution doit prendre la forme d’un powerpoint de 13 minutes se terminant sur trois constats. Il est par ailleurs conseillé que ces powerpoints soient agrémentés d’images, de graphiques et tableaux pour rendre la présentation plus dynamique. Entendons-nous que si on considère qu’une slide compte pour une minute, il s’agit alors de se limiter à 13 slides sur un sujet aussi vaste que celui de la qualité de l’enseignement supérieur par exemple.
Lors de sa présentation, le gouvernement a justifié cette forme par le fait qu’il souhaitait que les présentations soient animées et pas trop chargées. C’est ainsi qu’il n’y a plus d’appel de mémoires en tant que tel, ces derniers étant jugés trop fastidieux à lire, trop long. Les powerpoints de 13 minutes ont remplacé les mémoires.
Mais est-ce réellement digne d’un sommet sur l’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ? L’enseignement supérieur est-il voué à se réduire à des réflexions de type powerpoint avec trois ou quatre axes principaux sans argumentation réelle les soutenant ? Devons-nous craindre que bientôt les étudiantes et étudiants en maîrise n’auront plus à fournir des mémoires à la fin de leur scolarité mais des powerpoints avec des images ? Comment peut-on encore parler de SOMMET sur l’enseignement supérieur quand on réduit les réflexions portant sur celui-ci à un cadre aussi restreint dans le temps et la forme ?
En outre, demander des powerpoints comme contributions pour des thématiques pourtant essentielles dans la définition des missions de l’enseignement supérieur n’est-ce pas déjà imposer une vision de l’enseignement supérieur, à savoir un enseignement supérieur qui n’est plus là pour encourager la réflexion et le développement de l’esprit critique sur un temps long mais pour nous former à produire de façon rapide et efficace des documents répondant aux besoins du marché ? Un enseignement supérieur qui n’est plus là pour nous transmettre un savoir digne de ce nom et nous apprendre à développer un esprit critique mais pour nous apprendre à répondre à des exigences de performance présentes sur le marché ?
Ainsi, si nous ne savons pas encore ce qui va sortir du sommet, la forme qu’il doit prendre nous laisse de sérieuses craintes quant au fait que ce puisse être réellement un sommet sur l’enseignement supérieur.