Les jeunes libéraux réclament encore une augmentation des frais de scolarité pour contrer le sous-financement des universités québécoises. Le problème est dramatique : les chiffres, extrêmement conservateurs du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, prouvent que près de 400 $ millions doivent être comblés pour regagner le manque des coupures effectuées au début des années 1990. On ne parle donc même pas de réinvestissement, mais de statu quo.
Une facture salée
La tendance actuelle veut refiler la facture aux étudiants et aux étudiantes. Pourtant, les résultats sont désastreux sur l’accessibilité à l’éducation. En tête de ligne, les familles à faible revenu et les familles monoparentales se trouvent particulièrement touchées : en 2002, d’après l’Association canadienne des professeurs et professeures d’université, 31 % du revenu après impôt des familles québécoises les plus pauvres était consacré aux frais de scolarité. Par le passé, le dégel des frais au Québec s’est accompagné d’une baisse de la fréquentation scolaire, d’une augmentation alarmante du taux d’abandon, d’un attrait démesuré pour les études à temps partiel et les programmes courts. Les hausses constantes vers les années 1990 ont fait solder le décrochage pendant les études universitaires à 30 % pour le baccalauréat, à 40 % pour la maîtrise et à 50 % au doctorat en 1993. Qui plus est, ni au Québec, ni chez les universités canadiennes où la facture est particulièrement salée pour les étudiantes et les étudiants, cette augmentation ne règle les problèmes de sous-financement !
Ni dégel, ni gel : la gratuité
Mais où va donc arrêter ce délire de croire que l’augmentation des frais de scolarité est la solution au problème de réinvestissement ? À 6 000 $ par année ? À 15 000 $ ou 50 000 $ peut-être ? Ni l’augmentation des frais, ni même le gel ne pourront assurer l’accessibilité et la qualité aux études post-secondaires. La gratuité scolaire est le seul principe qui réalise le droit à l’éducation : ce n’est pas la fortune familiale qui doit décider de notre niveau d’étude, mais bien les seules habiletés et capacités à les accomplir. L’instauration des frais de scolarité, c’est la mise en place d’un système d’éducation basée sur le mérite individuel plutôt que la consécration du principe universel du droit à la connaissance générale et à une formation adéquate.
L’aide financière aux études : un régime d’endettement
L’argumentaire des jeunes libéraux soutient qu’un dégel des frais de scolarité est acceptable si les prêts et bourses suivent la cadence. Les plus riches, ainsi, paieraient soi- disant leur juste part et les plus pauvres se verraient bonifier leur aide financière. N’est-ce néanmoins pas signe d’un manque de confiance envers le système fiscal ? Historiquement, ce sont les taux d’imposition sur les salaires qui ont assuré cette redistribution. D’ailleurs, un retour du financement gouvernemental par une imposition adéquate des entreprises (arrêt des reports indéfinis d’impôt, diminution des déductions, attaque envers l’évasion fiscale) au lieu de miser sur les particuliers pourrait sans problème financer la gratuité scolaire pour l’ensemble du réseau québécois.
Le mythe de la solution par le régime de l’aide financière est commun, mais pourtant si déplacé : d’après L’enquête auprès des jeunes en transition de Statistique Canada en 2002, la situation financière constitue l’obstacle à la poursuite des études post-secondaires dans 70 % des cas. Dans une société qui n’a jamais été aussi endettée, les dettes d’études pèsent lourd sur le choix des jeunes à continuer leur formation. N’a-t-on pas commencé à vivre que la corde nous pend déjà au bout du cou. Si c’est le sens des responsabilités qu’on veut nous faire apprendre, soyez sans crainte : le nombre d’heures d’école, ajoutée à l’étude, au travail, à la famille et aux tâches domestiques nécessite une organisation du travail des plus exemplaires. Surtout, il faut rappeler que l’aide financière aux études n’est majoritairement qu’un prêt. Résultat ? Il n’en coûte que plus cher, pour une personne à faible revenu, d’étudier : un prêt n’est après tout que l’étalement des frais de scolarité sur plusieurs années (sans oublier les intérêts qui s’ajoutent). Comment croire que c’est un cadeau d’augmenter l’endettement des plus pauvres !
La moyenne canadienne des frais de scolarité est certes plus élevée qu’au Québec. Tranquillement, pourtant, l’augmentation des frais afférents par les institutions scolaires fait perdre au Québec sa place envieuse. Au lieu de chercher à imiter l’Ontario et les provinces canadiennes, tant décriées par les organisations internationales tel le comité du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), la population québécoise devrait applaudir ses réalisations et continuer à innover. C’est à force de solidarité et de combat que les frais de scolarité sont ici peu élevés et c’est également à force de solidarité et de combat que la gratuité scolaire pourra être instaurée.