Pourquoi ?
Parce que c’est un droit, comme le droit de vote, comme le droit à la santé.
La différence entre un droit et un privilège se trouve dans l’universalité de l’application de la mesure. Les politiques individualistes néo-libérales permettent aujourd’hui de penser qu’un système à deux vitesses, autant en santé qu’en éducation, serait tout aussi équitable que la gratuité universelle. On va même jusqu’à dire qu’imposer un ticket modérateur (le penchant des frais de scolarité dans l’exemple de l’éducation) est encore plus juste que la gratuité puisque celle-ci favoriserait les mieux nanti-e-s.
C’est oublier d’une part que les taux d’imposition progressifs ont spécifiquement le rôle de redistribuer la richesse équitablement. L’ensemble de nos politiques sociales devraient converger en ce sens et considérer l’impôt comme la solution au financement adéquat des services sociaux où chacun et chacune contribuerait à la hauteur de ses moyens plutôt que d’infliger des frais à tous et toutes. D’autre part, c’est oublier que l’égalité n’est garantie que par une accessibilité universelle. Dans une économie de marché, il faut se rendre compte que tous et toutes n’ont pas les mêmes moyens financiers. Il y a des riches, il y a des pauvres et, à travers tout ça, il y a aussi celles et ceux qui oscillent d’année en année (précarité d’ailleurs de plus en plus fréquente).
Considérer l’éducation comme un droit, c’est croire qu’il faut l’extraire des règles des lois du marché pour rendre son accès universel : aux plus pauvres de la société mais également à tous ceux et à toutes celles qui décident un jour ou l’autre de revenir sur les bancs d’école. Au contraire, l’éducation est établie en tant que privilège lorsqu’on impose des barèmes pour pouvoir y avoir accès. On peut notamment penser à l’exclusion des femmes. L’exemple du privilège économique est un peu plus pernicieux mais il existe tout de même. Pourquoi les plus pauvres devraient redoubler (voire retripler !) d’ardeur pour avoir accès à une même éducation que les plus riches ? Et pourquoi, dans le même sens, les plus riches pourraient s’en tirer si facilement ? Pourquoi, surtout, y’a-t-il automatiquement un préjugé défavorable envers les étudiants et les étudiantes les plus pauvres, comme s’ils et elles ne méritaient pas l’éducation post-secondaire ?
Une société démocratique peuplée d’ignorants et d’ignorantes est une dictature déguisée, contrôlée par une poignée d’individus.
L’éducation n’est pas juste une formation de travail, c’est avant tout le mode de régulation sociale pour permettre une vie saine en société. Au Québec, on reconnaît ce rôle primordial à l’éducation post-secondaire lors de la création des cégeps. Avec le rapport Parent, on se rend compte que les études secondaires ne permettent pas d’acquérir l’ensemble des habiletés et connaissances nécessaires à la vie en société, qu’elles n’atteignent tout simplement pas ses objectifs de base. Et si l’éducation post-secondaire se veut alors accessible, c’est par nécessité sociale, au même titre que l’instruction publique est obligatoire jusqu’à 16 ans, pour développer l’esprit critique et d’autres habiletés intellectuelles de base, pour avoir des connaissances générales, pour être en mesure de comprendre les systèmes politiques et économiques, etc.
D’ailleurs, une société démocratique se démarque particulièrement autours des axes d’apprentissage de la vie en société (les valeurs par exemple) et des habiletés nécessaires à la compréhension des mécanismes politiques et économiques. Comment se croire en démocratie si l’explication du système électoral est réservée à ceux et celles qui s’y intéressent d’ores et déjà ? Plus largement, l’ensemble de l’apprentissage sur la culture générale au niveau post-secondaire ouvre nos connaissances sur le monde et permet non seulement une plus grande autonomie, mais également un développement individuel inégalable.
Tous et toutes doivent pouvoir exprimer et exploiter son plein potentiel sans être limité-e-s pour des raisons économiques.
L’éducation est le meilleur moyen d’escalader l’échelle sociale : au niveau de l’échelle salariale, mais aussi au niveau culturel. Dans tous les cas, l’éducation permet aux moins fortuné-e-s de quitter la précarité d’un marché économique vorace pour ceux et celles qui n’ont pas de diplôme spécialisé. Le système d’éducation a un rôle considérable dans l’augmentation générale du niveau de vie d’une population.
Le développement individuel assuré par un système d’éducation de qualité et accessible sert à l’ensemble de la société. Les médecins, les professeur-e-s, les artistes, pour ne prendre que ces exemples, améliorent notre qualité de vie. Pourquoi ne pas contribuer à leur formation ? Si on ne peut pas s’imaginer sans médecin, peut-on plus le faire sans concierge ? « Il n’y a pas de sot métier » comme dit la maxime populaire. Avoir accès à l’éducation post-secondaire, c’est contribuer de juste manière au développement de toute la société.
Dans un autre ordre d’idées, il faut reconnaître que le savoir développé par les universités et les cégeps est possible grâce à l’ensemble de la société. On oublie trop souvent que les recherches fondamentales doivent être publiques pour ne pas être utilisées à des fins machiavéliques. Surtout, l’accumulation des connaissances transmises de génération en génération a un caractère essentiellement collectif : malgré les brevets et les droits d’auteur-e-s, l’ensemble de la société doit être remerciée dans l’essor des connaissances générales.