Le samedi 11 juillet dernier, à l’angle des rues Théodore et Pierre-de-Coubertin, se tenait la manifestation anti-raciste annuelle du groupe Antifa Montréal. C’est sous une pluie diluvienne qu’une soixantaine de manifestants et manifestantes a sillonné les rues du quartier Hochelaga-Maisonneuve pendant près de quarante-cinq minutes. Son message était clair : « Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartiers pour les fachos ! »
Il s’agissait de la première d’une série d’activités de sensibilisation anti-raciste devant avoir lieu cet été à Montréal. Celles-ci font partie de l’actuelle campagne d’Antifa Montréal, intitulée « Avis d’éviction ». Selon Max, membre du groupe anti-fasciste, il s’agit d’une campagne plus communautaire visant, d’une part, à diminuer le nombre d’adhérents potentiels à des idées à tendance fasciste et, d’autre part, à donner les outils nécessaires aux résidents d’Hochelaga-Maisonneuve pour se prémunir par eux-mêmes d’une éventuelle recrudescence d’attitudes racistes dans leur quartier.
La présence néo-nazie dans le quartier
Et pourquoi particulièrement Hochelaga-Maisonneuve ? Jean, organisateur de la marche, souligne : « Si on parle des groupuscules néo-nazis, historiquement, c’était leur quartier. » Effectivement, le caractère originellement ouvrier et presque uniformément blanc d’Hochelaga-Maisonneuve aurait apparemment fait de ce quartier un lieu propice à l’émergence d’idées d’extrême-droite. Évidemment, le fascisme ne se manifeste plus à notre époque de façon aussi massive et organisée qu’il pouvait le faire il y a cinquante ou soixante ans. Toutefois, des individus et des groupes se réclament, encore aujourd’hui, de l’idéologie nazie ou fasciste. Ce sont ces racistes actifs qu’Antifa Montréal entend évincer d’Hochelaga-Maisonneuve.
Et ces racistes actifs, Antifa Montréal les connaît. Depuis trois ans, ils les identifient et surveillent les endroits où ils se réunissent (le bar Davidson et le bar 99, notamment) afin de se renseigner sur leurs activités haineuses et de les confronter. Le nom de leur groupe ? Strike Force, s’affichant ouvertement comme nazi et dont les membres arborent des symboles tels que la Swastika ou le double 8, signifiant « Heil Hitler ». Comme moyen d’action parmi d’autres, Antifa-Montréal diffuse et affiche les photos et la description des membres de Strike Force, afin que les résidents d’Hochelaga-Maisonneuve sachent qu’il existe une présence d’extrême-droite dans leur quartier et qu’ils soient en mesure de l’identifier.
Des actes haineux dans Hochelaga-Maisonneuve
Ceci dit, les exemples d’actes haineux perpétrés ou soupçonnés d’avoir été perpétrés par les membres de Strike Force sont nombreux, particulièrement ceux recensés durant l’été 2008. Jean relate notamment l’attaque dont fut victime un couple homosexuel alors que son véhicule fut incendié, ou encore le cas du Rhizome, espace social et communautaire du quartier, qui vit ses vitrines fracassées à trois reprises lors de la même fin de semaine. À cela s’ajoutent de nombreux cas d’intimidation et de violence envers des militants et militantes d’extrême-gauche ou des membres des minorités visibles.
Un membre de Strike Force, Jonathan « La tombe », est connu par Antifa Montréal pour avoir intimidé des militants et militantes lors de la manifestation du 1er mai 2008. La marche de ce samedi s’est d’ailleurs arrêtée quelques minutes devant l’immeuble où il réside pour lui envoyer un message au porte-voix : il n’est pas le bienvenu dans le quartier.
Sur Antifa-Montréal
Si le groupe antifasciste organisateur de la marche est non-violent, il appuie tout de même ceux et celles qui utilisent la violence comme moyen d’action contre les militants et militantes néo-nazi-e-s. « Si ça les empêche de faire des actes racistes ou haineux, nous on voit ça comme positif », affirme Jean.
Plus généralement, Jean ajoute : « On lutte contre l’extrême-droite et on lutte contre la droite aussi ». Car l’objectif d’Antifa-Montréal est également de déceler les signes avant-coureurs de résurgences idéologiques à tendance fasciste dans le discours politique dominant. À l’échelle internationale, cette menace demeure réelle, puisque des forums tels que Stormfront ou des mouvements tels que le White Pride World Wide en sont d’importants catalyseurs. Or, le groupe a décidé de cibler ses actions dans un seul quartier : « En militant dans une communauté à la place de militer à l’échelle de Montréal, ça a fait en sorte que, dans notre communauté, on a vu une nette amélioration », conclut Jean.
En effet, la situation semble s’être calmée au cours de la dernière année. Les principaux acteurs du groupe Strike Force sont présentement en détention et le groupe est désorganisé. Jusqu’à quel point peut-on attribuer cette amélioration à la présence d’Antifa-Montréal ? Difficile à dire. Mais le fait de sentir une résistance et de savoir leur identité dévoilée publiquement a assurément réussi à faire pression sur les militants et militantes néo-nazi-e-s.
Voir aussi :
Un article de Patrick Lagacé sur le sujet : http://blogues.cyberpresse.ca/lagace/ ?p=70721353
Le site du Rhizome : http://lerhizome.blogspot.com/
Merci à Camilo Soler pour l’image.