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FAQ #2 : L’Éducation

Éducation

- Les personnes qui vont gagner d’importants salaires plus tard devraient payer plus cher que les autres en frais de scolarité.

Réponse : C’est une chose de dire que certaines formations mènent à un salaire élevé, c’en est une autre de devoir payer des frais de scolarité très élevés pour pouvoir y accéder. Comme le remarquait l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) à propos de l’Ontario : « lorsque les frais pour étudier en médecine ont augmenté de 5 000 $ à 14 500 $, la proportion d’étudiants [et étudiantes] provenant de familles ayant un revenu de moins de 40 000 $ est passée de 23 % à 10 %. Le nombre d’étudiants [et étudiantes] qui identifiaient les considérations financières comme le facteur déterminant de leur choix de programme est passé de 13 % à 32 %. » [1] En fait, l’impôt progressif est justement censé être le moyen d’assurer que ceux et celles qui sont effectivement riches contribuent davantage au financement de l’éducation. Lorsque chaque personne paye des impôts selon l’importance de son salaire, il ne sert à rien de différencier les frais de scolarité puisque, de toute manière, les personnes qui deviendront riches auront à contribuer au financement collectif de l’éducation. De cette façon, tout le monde contribue selon sa richesse réelle, tout en donnant la possibilité aux personnes à plus faible revenu d’étudier dans le programme qui correspond à leurs aspirations et leurs talents, sans se sentir enchaîné-e-s à la discipline pour laquelle ils ou elles se sont endetté-e-s jusqu’au cou !

- Quand j’étais aux études, j’ai travaillé pour payer mes frais de scolarité. Le travail favorise la responsabilité et la capacité d’organisation.

Réponse : En fait, le travail nuit à la réussite dans les études et à la qualité de l’éducation. Bien que la population étudiante n’ait jamais autant travaillé dans l’histoire, on peut lire dans une recherche de l’Aide financière aux études que, pour l’année 2007, 59,1% de la population étudiante trouvait la conciliation travail-études difficile ou très difficile et que cette proportion grimpait à 84,3% pour les parents étudiants. Or, l’augmentation des heures de travail salarié est directement liée aux hausses des frais de scolarité des dernières années et a de graves conséquences sur la condition étudiante. Plus de travail signifie moins de temps pour étudier, ce qui peut affecter les notes des étudiants et étudiantes, les obliger à étudier à temps partiel et plus longtemps et obliger les professeur-e-s à abaisser leurs critères de correction pour que leurs classes puissent atteindre des notes suffisantes. Ainsi, pour les personnes provenant de familles pauvres, le manque de temps pour se consacrer aux études qui découle du travail salarié peut affecter les résultats scolaires, entraînant un accès plus faible aux bourses de mérite et la difficulté de poursuivre ses études, ce revient, au final, à recréer une nouvelle situation de pauvreté. C’est un cercle vicieux !

- Si les étudiants et étudiantes travaillent, c’est pour se payer de l’alcool et des cellulaires.

Réponse : C’est un stéréotype. Loin d’être fainéante, la population étudiante travaille aujourd’hui plus que jamais, en termes d’heures et de nombre de personnes au travail. En 2007, 55,8% des bénéficiaires de l’aide financière aux études et 67,6% des non-bénéficiaires avaient un emploi rémunéré, contre seulement 17% de la population étudiante en 1970. De plus, selon une étude de l’Aide financière aux études (AFE), les dépenses en vacances, sports et loisirs représentaient seulement 10% du budget des bénéficiaires et 13% des non-bénéficiaires en 2007. [2] Les étudiants et étudiantes travaillent donc énormément pour payer avant tout des dépenses nécessaires telles que le logement, la nourriture et les frais de scolarité.

- Les hausses de frais de scolarité n’ont aucun impact sur l’accessibilité aux études.

Réponse : C’est tout simplement faux. Selon une étude du Ministère de l’Éducation lui-même, la hausse de frais de scolarité de 50$ par session qui s’étend de 2007 à 2012 chassera des bancs d’université près de 6000 à 13 000 personnes. [3] Selon cette même étude, même en prenant en compte l’aide financière aux études (AFE) et les déductions fiscales, ce sera 9,6% de la population étudiante, soit près de 22 000 personnes, qui ne pourront plus fréquenter l’université pour des raisons financières. [4] [5] Constamment, des think tanks néolibéraux tels que l’Institut économique de Montréal utilisent des stratégies pour affirmer le contraire, comme le fait de compter les « étudiants équivalents à temps plein » (EETP) au lieu des individus ou encore le fait de ne considérer que le nombre de personnes inscrites, sans une analyse différenciée de leur provenance sociale.

- Le Québec a les frais de scolarité les moins élevés en Amérique du Nord.

Réponse : Tant mieux, non ? Nous avons collectivement décidé, au Québec, de nous doter du meilleur système d’éducation public d’Amérique du Nord, financé à travers l’impôt progressif. Rien ne nous oblige à imiter les systèmes inéquitables des États-Unis ou d’autres provinces canadiennes. Également, des frais de scolarité élevés donnent l’impression pernicieuse que « plus cher » signifie « de meilleure qualité ». Ainsi, lorsqu’une université augmente ses frais de scolarité, toutes les autres universités sont portées à la suivre pour demeurer compétitives, sans que cela ne se traduise nécessairement par de meilleurs services, comme ce fut le cas en Grande-Bretagne en 2006-2007. [6] Il n’est donc pas nécessaire d’augmenter artificiellement les frais de scolarité au Québec, voire même de garder quelque frais que ce soit ; l’instauration de la gratuité scolaire ne représentant que 1% du budget du gouvernement provincial en 2007. [7]

- Moi, j’étudie d’abord pour avoir un bon emploi plus tard.

Réponse : Nous ne nions pas que l’éducation sert éventuellement à se trouver un emploi. Seulement, elle ne se réduit pas à cela, comme les individus ne se réduisent pas à de la main-d’œuvre. Lors de la Révolution tranquille, d’après les recommandations du rapport Parent, le gouvernement mit en place le réseau des cégeps gratuits et publics, celui de l’Université du Québec et le Ministère de l’Éducation, dans un esprit de compromis entre la formation au travail et la formation à la citoyenneté. L’esprit de ces réformes était donc que chaque personne, qu’elle soit appelée à devenir plombier, plombière, secrétaire ou ingénieur-e, ait accès à la culture et à la réflexion critique à travers, notamment, des cours de français et de philosophie obligatoires au cégep. De plus, dans cet esprit, la société toute entière doit contribuer à l’accessibilité universelle à l’éducation.

- Ce n’est pas de la faute du gouvernement si les universités décident de hausser leurs frais de scolarité.

Réponse : Oui, les frais de scolarité sont d’abord du ressort du gouvernement et de ses décisions politiques. Aujourd’hui, presque tout le monde, des professeur-e-s aux politiciens et politiciennes, même les entrepreneur-e-s, s’entend sur le fait que l’éducation postsecondaire souffre de sous-financement. La Fédération des cégeps évalue que les montants manquants pour l’éducation collégiale étaient de 305 millions en 2005-2006. Pour ce qui est du secteur universitaire, le sous-financement était estimé à 450 millions en 2007. Il ne s’agit pas d’une fatalité, mais d’un choix politique. C’est ce que l’on comprend lorsqu’on considère le problème de la sous-indexation. En fait, une des principales causes de ce manque à gagner dans le financement de l’éducation postsecondaire est due à ce que le financement n’a pas été indexé à l’inflation. Il a été évalué que l’indexation des coûts durant la période entre 1993-1994 et 2005-2006 aurait rapporté un montant supplémentaire de 145,7 millions $ au système d’éducation. Pour les universités, un second problème s’ajoute à la sous-indexation : le mécanisme qui attribue le financement public aux différentes institutions. Ce mécanisme s’appelle : financement par étudiant équivalent à temps plein (EETP).

- C’est quoi le financement par EETP ?

Réponse : Plusieurs aspects sont à considérer dans ce mode de financement. Premièrement, les étudiants et étudiantes sont classé-e-s par le gouvernement selon qu’ils ou elles étudient à temps plein ou partiel. Deuxièmement, les programmes sont classés selon l’importance de leur « valeur ajoutée. » Par exemple, selon ce calcul, les programmes de médecine valent davantage que les programmes d’art visuel. Troisièmement, les étudiants et étudiantes sont classé-e-s selon leur cycle d’étude. Cela signifie qu’un étudiant ou une étudiante au doctorat vaudra plus qu’une personne au baccalauréat. En recoupant ces trois facteurs, le gouvernement donne ensuite une valeur en points aux étudiants et étudiantes et accorde le financement aux institutions selon ce barème. Par exemple, si vous êtes au bac à temps plein en littérature, vous valez 1 point, alors que si vous faites un doctorat en géographie, vous valez 10.69 points.

Ce système désavantage évidemment les universités où la majorité des étudiants et étudiantes sont au baccalauréat, où la majorité de la population étudiante étudie à temps partiel et où la majorité de la population étudiante étudie dans des programmes considérés non-rentables, comme les sciences sociales et les arts. À Montréal, les grandes perdantes de ce système sont évidemment l’UQAM et l’Université Concordia.

Mais, indépendamment de ces établissements d’enseignement désavantagés par le système, il y a des conséquences globales à ces normes de financement. D’abord, les universités sont en compétition constante pour attirer les étudiants et étudiantes dans les programmes à haute valeur ajoutée comme la médecine, en dépensant d’importantes sommes en publicité, par exemple. Ensuite, elles coupent dans les programmes qui sont considérés non-rentables. Par exemple, un programme de danse engendre des coûts similaires à ceux d’un programme d’ingénierie, mais, comme ils ne sont pas classés dans la même catégorie, le programme de danse se retrouve sous-financé et l’université coupe dans les ressources qu’elle lui consacre. De plus, les universités coupent dans les services puisque le système de financement n’est pas représentatif du coût de ces services. Enfin, pour pallier le manque engendré par le sous-financement, elles collaborent de plus en plus avec le système privé, notamment pour la publicité, les services, les fondations, la présence de membres externes sur les conseils d’administration et la recherche appliquée.

- Quand tu étudies davantage, ton futur salaire augmente. C’est donc à chaque personne d’assumer les coûts de sa formation.

Réponse : L’éducation n’est pas seulement une affaire de salaire. Un financement public de l’éducation sous-entend que l’ensemble de la société se donne à lui-même la possibilité de façonner son destin collectif en permettant aux personnes à faible revenu, qui sont souvent des femmes, de s’instruire et de gagner en autonomie financière. Le financement privé suppose, au contraire, l’individualisation du rapport à l’éducation. Les étudiants et étudiantes y sont perçu-e-s comme de simples individus calculateurs, appelés à « investir en eux-mêmes » pour maximiser leur futur salaire, ce qui reproduit un climat de concurrence entre eux et elles. Or, c’est oublier que l’ensemble de la société gagne à être instruite, ce qui exacerbent le talent, la curiosité et les facultés critiques de tous ses membres.



[1] HURTEAU, Philippe et Éric MARTIN. Financement des universités : Vers une américanisation du modèle québécois ?, IRIS, octobre 2008, p. 4.

[2] Aide financière aux études, « Enquête sur les conditions de vie des étudiants de la formation professionnelle, du collégial et de l’université », 2009, pp. 54 et 56.

[3] VIERSTRAETE, Valérie. Les frais de scolarité, l’aide financière aux études et la fréquentation des établissements d’enseignement postsecondaire, pour le MELS, juin 2007, p. 112.

[4] Ibid., p.109.

[5] THEURILLAT-CLOUTIER, Arnaud. L’impact des hausses tarifaires sur la condition étudiante, Association étudiante du Cégep de Bois-de-Boulogne (AGEBdeB),avril 2010, p. 28.

[6] HURTEAU, Philippe et Éric MARTIN. Tarification de l’éducation postsecondaire ou gratuité scolaire ?, Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), janvier 2007, p. 6

[7] Ibid.