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Le syndicalisme étudiant de combat
Cahier du camp de formation de l’ASSÉ des 24 et 25 septembre 2005

Table des matières

Introduction

À la suite de la grande grève générale illimitée et des conséquences qu’elle a eues, il est important de se rappeler le mode d’organisation fondamental qui l’a fait naître : le syndicalisme de combat. Sans la mobilisation de masse, la démocratie directe, la coordination nationale, la construction d’un rapport de force face à l’État, les moyens de pression, comment la grève aurait-elle été possible ? Cela n’aurait tout simplement pas eu lieu.

Cette dernière grève étudiante a fait renaître la pratique du syndicalisme de combat pour un grand nombre d’associations étudiantes et il faut que cette renaissance se consolide et devienne permanente pour l’ensemble des syndicats étudiants du Québec, voir du monde entier. Par contre, cet esprit est loin d’être généralisé et cette consolidation permanente est loin d’être atteinte. Ce document vise donc, entre autres, à être un outil de compréhension du syndicalisme de combat étudiant afin d’aider les militants et militantes à atteindre ces objectifs nécessaires. C’est que la théorie influence la pratique et vice versa.

En tout premier lieu, le syndicalisme étudiant sera situé au sein même de l’institution scolaire capitaliste et l’influence du capitalisme sur le syndicalisme sera observée. Aussi, il faudra comprendre ce qui fait naître la volonté de s’unir sur des bases clairement syndicales en tant qu’étudiants et étudiantes. De plus, il sera question des diverses tendances syndicalistes étudiantes et des champs d’intervention du syndicalisme, particulièrement celui de combat.

Ensuite, le mode d’organisation syndicale de combat sera étudié en deux grands volets : la pratique démocratique et la pratique combative. L’autonomie d’organisation, la démocratie directe, le rôle des structures, le rôle de chaque étudiant ou étudiante face à celles-ci et l’importance de l’information autonome et alternative sont les points généraux abordés dans la section sur la pratique démocratique. Pour ce qui est de la pratique combative, il sera question de l’approche confrontationnelle, de la mobilisation de masse, des moyens de pression, du rôle de l’organisation nationale, de la réflexion stratégique, du potentiel de politisation et de radicalisation des luttes étudiantes, et du rôle des groupes politiques face au syndicalisme dans la radicalisation des luttes étudiantes.

Une version abrégée et une version longue de cet atelier sont donc mises à la disposition de chacun et chacune afin de pouvoir servir vos divers besoins de réflexion et d’éducation populaire. Tout d’abord, l’auteur, sans s’en cacher et fier de l’être, est un syndicaliste de combat. Ses expériences et connaissances personnelles sont la source principale d’inspiration de cet ouvrage. À cela doivent être ajoutés divers écrits sur le syndicalisme ouvrier et étudiant qui ont inspiré l’auteur et qui sont tous cités dans la bibliographie. Aussi, il faut comprendre que l’auteur de ces lignes ne prétend pas réinventer la roue et s’inscrit dans la foulée de textes qui ont été écrits déjà sur le sujet. Par contre, ces textes étant rarement volumineux et approfondis, celui-ci vise à pallier quelque peu cette lacune, malgré qu’il s’inscrive dans leur continuité.

Après plus de 40 ans de syndicalisme de combat au Québec, il est important de redire encore une fois : LONGUE VIE AU SYNDICALISME DE COMBAT, À L’ASSÉ ET AUX LUTTES FUTURES POUR LE DROIT À L’ÉDUCATION ET L’AMÉLIORATION GÉNÉRALE DES CONDITIONS DE VIE DE TOUS ET TOUTES !!!

Bonne lecture !

Grille d’analyse socio-politique

Avant de jeter les bases théoriques et organisationnelles du syndicalisme étudiant de combat, il est important de comprendre le système d’éducation et comment il est régi par le système politico-économique dans lequel nous vivons. Ceci a pour but de comprendre les contraintes que cela impose au syndicalisme étudiant de combat. Par contre, ceci n’est qu’une introduction et devrait être l’enjeu de recherche et de réflexion d’un tout autre atelier.

Les origines du système d’éducation québécois actuel

Le système d’éducation québécois, tel qu’on le connaît aujourd’hui, est né dans la décennie 1960 afin de répondre aux besoins du développement économique dans les secteurs industriels de pointe et des services. Sa mise sur pied visait également à satisfaire les aspirations populaires pour une démocratisation du système scolaire dans un contexte de grande effervescence sociale d’où est entre autres né, le syndicalisme étudiant québécois.

C’est que le vieux système d’éducation dirigé par l’Église catholique n’était plus adéquat pour la réalité économique en développement de la société industrielle avancée que devenait le Québec. Cet ancien système n’était bon qu’à former une élite petite-bourgeoise ne satisfaisant pas l’urgent besoin pour le patronat et l’État d’avoir une masse nombreuse de travailleurs et de travailleuses qualifiées. C’est pourquoi, suite aux recommandations du rapport Parent, fut créé le ministère de l’Éducation du Québec et un tout nouveau réseau public d’éducation incluant les CÉGEPS et l’Université du Québec. Cette prise en charge par l’État de l’éducation s’inscrit dans la foulée d’initiatives de l’État québécois pour restructurer l’économie et la société. Les aspirations populaires de démocratisation de l’éducation ont été satisfaites plutôt facilement, car elles pouvaient cohabiter avec les priorités économiques de l’État de l’époque. À ce moment là, le parti libéral au pouvoir, qui investissait pleinement dans l’un de ses nouveaux champs de compétence qu’était l’éducation, avait pour position politique la gratuité scolaire qu’il n’a par contre jamais réalisée pleinement. Cela est très différent du contexte socio-politique d’aujourd’hui où la bataille pour l’accessibilité est confrontée au puissant mur néolibéral qui ne cesse de multiplier les coupures en éducation (et dans tous les autres programmes sociaux).

Fonctions du système d’éducation capitaliste du Québec

Depuis ses origines socio-historiques, l’école est et doit demeurer, pour l’élite gouvernementale et le patronat, un lieu de socialisation, un outil de légitimation et de reproduction des inégalités sociales et de production de la main-d’œuvre qualifiée que nécessite l’économie capitaliste du Québec et l’administration de l’État.

C’est donc, entre autres, par l’école que nous sont transmis les comportements jugés désirables pour le fonctionnement de la société en place, tels le respect de l’autorité, la discipline, la ponctualité et l’esprit compétitif. Ensuite, le système d’éducation, véhiculant le mythe idéologique de l’égalité des chances pour tous et toutes, a pour but d’assurer par ses contraintes structurelles que tout le monde ne puisse accéder aux plus hauts niveaux de l’éducation et de la pyramide sociale. De manière idéologique, il vise à légitimer qu’il faudra bien qu’il y ait toujours des décideurs et des décideuses et des exécutants et des exécutantes. Ces précédentes fonctions ont pour but de satisfaire l’objectif ultime du système d’éducation qui est d’assigner chacun et chacune à des métiers différents dans des classes sociales différentes pour le bien-être des entreprises et du gouvernement. En d’autres mots, servir d’outil à la perpétuation des conditions d’existences de la société capitaliste dans laquelle nous vivons.

L’école ne doit servir qu’au marché

Tout en conservant et amplifiant les fonctions précédemment énoncées souhaitées par l’élite dirigeante, la logique de l’assujettissement de l’éducation aux lois du marché fait du chemin. Selon cette pensée néolibérale, tout ce qui est immédiatement inutile aux besoins des entreprises est présenté comme un luxe inabordable qu’il faut supprimer. C’est pourquoi les gains populaires de démocratisation de l’éducation et de formation générale la plus poussée pour tous et toutes sont menacés et même battus partiellement par cette logique qui ne cesse d’être appliquée par les divers gouvernements successifs des deux dernières décennies.

Donc, cette logique vise à rentabiliser le système d’éducation uniquement pour les appétits insatiables de profits des entreprises. Cela se concrétise, entre autres, par le financement privé de l’éducation par les entreprises elles-mêmes qui, conditionnellement à leur financement, vont exiger qu’elles puissent modeler le contenu du programme spécifiquement pour leurs exigences afin d’accroître leur compétitivité et leur mainmise sur la future main-d’oeuvre. Cette sur-spécialisation de l’éducation ne fait que rendre beaucoup plus vulnérable le futur travailleur ou la future travailleuse aux fluctuations du marché. Ceci est un exemple de la privatisation graduelle en cours du système d’éducation et de la décentralisation du réseau d’éducation visant à remplacer le contrôle du patronat sur l’éducation par l’intermédiaire de l’État par le contrôle du patronat sur l’éducation sans intermédiaire.

Cette logique est en profonde contradiction avec l’héritage des aspirations populaires du passé qui, au-delà de la formation intellectuelle et technique, vise à forger un citoyen et une citoyenne autonomes à l’esprit scientifique et critique muni d’un bagage de connaissances culturelles approfondies. Cette vision sociale de l’éducation se substitue malheureusement de plus en plus à une conception de l’éducation comme usine de production de travailleurs et de travailleuses flexibles, recyclables et formé-e-s au moindre coût possible.

Les contraintes structurelles du système d’éducation capitaliste

Malgré les recommandations du rapport Parent visant à éliminer la prédétermination imposée par le milieu social, celle-ci existe bien toujours quoique beaucoup moins présente qu’auparavant. L’instauration, sans cesse, de nouveaux frais de scolarité et afférents, synonymes d’endettement étudiant pour ceux et celles éligibles à l’Aide Financière aux Études, agit comme outil de dissuasion des gens issus des classes populaires à poursuivre de longues études. À cela, on peut ajouter, entre autres, les diverses mesures de contingentement et l’impact de l’héritage culturel familial comme diverses contraintes structurelles du système d’éducation capitaliste et du système politico-économique en place qui découragent une frange du monde étudiant à poursuivre de longues études.

C’est qu’il faut se souvenir que l’État et le patronat ont pour objectif la reproduction des inégalités sociales et économiques afin de satisfaire leurs besoins économiques. Donc, par les mécanismes de sélection et d’exclusion du système d’éducation, tels l’endettement étudiant, et l’augmentation des frais de scolarité et afférents, cet objectif est systématiquement réalisé. Cela ne cesse de s’amplifier comme l’a démontré la récente réforme de l’AFÉ, en avril 2004, qui a été à la source de la dernière grande grève étudiante.

Aussi, sous des prétextes que « tous et toutes ne peuvent devenir médecin », le contingentement est utilisé pour restreindre l’accès à certains programmes afin de maintenir les privilèges économiques reliés à certaines professions telles que la médecine ou l’ingénierie. Finalement, l’exemple des parents n’ayant pas un haut degré de scolarité influencera possiblement à ‘‘choisir’’ des études plus courtes afin d’accéder le plus rapidement au marché du travail, cela combiné aux autres facteurs précédemment mentionnés. Aussi, l’idée véhiculée par les parents moins nantis qu’être sur les bancs d’école, ça ne paie pas immédiatement, ça endette, influencera aussi le cheminement scolaire de la personne en question qui est soumise à cette réalité objective.

Les contradictions de la condition étudiante

À la base, l’étudiant ou l’étudiante prend le chemin des études post-secondaires afin d’échapper à la précarité et l’exclusion que peut souvent imposer le fait d’être privé de reconnaissance scolaire institutionnelle. À cette contrainte structurelle peut très souvent venir se greffer un carriérisme compétitif alimenté par l’idéologie dominante du « qui s’instruit s’enrichit » forgeant ainsi un esprit très individualiste chez l’étudiante et l’étudiant. Aussi, l’origine sociale est beaucoup plus diversifiée dans une même institution scolaire que dans un même milieu de travail salarié. Cet écart entre le monde étudiant et le monde du travail salarié existe également au niveau de la courte durée des études contrairement au long passage sur le marché du travail. Proportionnellement à la constante hausse du coût des études, cette durée d’études s’écourte davantage pour un grand nombre d’étudiantes et d’étudiants. Toutes ces réalités sont des contraintes pour la mobilisation autour d’objectifs communs et le syndicalisme étudiant doit y faire face en contrant ces effets pervers.

Premières bases théoriques du syndicalisme étudiant de combat

** Pourquoi le syndicalisme étudiant ?

C’est qu’en dépit de l’hétérogénéité de classe du monde étudiant, celui-ci a des intérêts communs inévitables indépendamment de ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses. C’est sur cette reconnaissance d’intérêts communs entre étudiantes et étudiants que repose le mode d’organisation syndicale. C’est donc pour se doter d’un outil de réflexion et de débat pour l’adoption de revendications communes visant à être satisfaites par les moyens de pression jugés nécessaires que naît l’organisation syndicale. Ce syndicalisme étudiant doit réunir le plus grand nombre et être un mouvement de masse s’il veut remplir sa fonction de défense des intérêts des étudiantes et des étudiants dans leur ensemble. Par cela, le monde étudiant comprend que c’est par l’action collective que la défense des intérêts individuels est la mieux assurée.

Les intérêts communs étudiants concernent obligatoirement l’accessibilité à l’éducation. La précarisation du monde étudiant, caractérisée par l’obligation pour plusieurs d’avoir un emploi à temps partiel, d’avoir uniquement ou majoritairement des prêts étudiants et, donc, de lourdement s’endetter en fonction de la hausse perpétuelle des frais de scolarité rend le rêve de poursuivre des études un véritable cauchemar. C’est ce fossé entre le mythe de l’égalité des chances pour tous et toutes et la réalité que cela n’est que mensonge qui rend, entre autres, inévitables l’organisation et le combat syndical. Le fait que tant de gens sont de plus en plus touchés par cette situation est donc la raison d’être socio-économique fondamentale du syndicalisme étudiant et rend négligeable l’indifférence que certains et certaines bien nanti-e-s vont afficher envers cette misère étudiante grandissante.

D’autres intérêts communs inévitables, tels que la qualité de l’enseignement (ex. : baisse du ratio prof-élève, services de griefs, etc.) ou l’accès à des instruments d’études adéquats (ex. : bibliothèques, locaux d’études, etc.) vont être également à la source de la volonté étudiante de s’organiser sur des bases syndicales claires et vont être des enjeux cimentant plus facilement l’unité générale étudiante.

C’est que l’unité du monde étudiant dans son ensemble doit absolument être atteinte indépendamment de la provenance sociale de chacun et chacune de ses membres dans l’esprit qu’une attaque contre un ou une est une attaque contre tous et toutes. Pour cela, il faut unir tous et toutes sur la base de revendications communes touchant le plus grand nombre et ensuite, expliquer et faire comprendre les grands principes desquels découlent ces dernières au moyen d’information divulguée massivement aux membres. Tout militant ou militante syndicale doit toujours garder en tête la nécessité d’une unité majoritaire claire au sein de son syndicat local, car un syndicat divisé ne pourrait être efficace. Mais il ne faudrait pas faire l’erreur de trahir et rejeter des revendications fondamentales au nom d’une plus grande unité nationale, par exemple. C’est pourquoi il est important de toujours prendre en considération l’état de conscience des masses étudiantes avant de se fixer des objectifs, car, malgré qu’ils puissent s’avérer justes et nécessaires, ils peuvent totalement être déconnectés de l’esprit des masses étudiantes, pris dans leur ensemble. C’est qu’il ne faut jamais oublier que le syndicalisme, de par sa nature et sa fonction, est et doit être un mouvement de masse qui doit unir et regrouper le plus grand nombre.

Aussi, le mode d’organisation syndicale étudiante est largement inspiré de par son pendant ouvrier (à ses origines historiques du moins...) que ça soit par ses structures (assemblées générales, comités exécutifs, congrès, etc.), ses actions (manifestations, grèves, occupations, etc.) ou ses méthodes d’information (tracts, journaux, assemblées publiques, etc.). Aussi, le syndicalisme étudiant collectivise des ressources financières par l’entremise d’une cotisation étudiante obligatoire afin de répondre aux besoins de sa population étudiante. Cela prendra la forme, entre autres, de services aux étudiants (service de photocopie, documentation, journaux alternatifs, téléphone et fax, etc.), fruits d’une prise de conscience politique visant à améliorer la vie de ses membres. Aussi, ces ressources financières serviront à financer tout matériel ou moyen de transport nécessaire pour la mise en application d’un plan d’action.

Se souvenir de la Charte de Grenoble

En 1946, l’UNEF (Union Générale des Étudiants Français) adopte la Charte de Grenoble qui définit alors ce qui allait être les bases fondamentales du syndicalisme étudiant. L’étudiant et l’étudiante sont décrits comme un jeune travailleur ou travailleuse intellectuel-le qui a des droits inaliénables et des devoirs envers le reste du monde étudiant et le reste de la société. L’accessibilité et la qualité de l’éducation et les meilleures conditions de vie et d’études pour tous et toutes sont les principes directeurs de la mission historique des étudiantes et étudiants tels qu’énoncés dans cette charte.

La définition de l’étudiant ou l’étudiante comme jeune travailleur ou travailleuse intellectuel-le renvoie et place celui ou celle-ci au sein de la communauté active qui fait vivre la population. Exerçant un travail, quoique différent, comme tout le monde salarié, cette conception est à la base de la revendication pour un salariat étudiant où en échange du travail fourni serait versée une contrepartie, un salaire étudiant. Cette définition se veut en rupture avec la vieille notion, quoique représentative de l’idéologie dominante actuelle au Québec et ailleurs, de l’étudiant ou l’étudiante qui vit du travail de la population active et acquiert des compétences personnelles à usage individuel.

C’est donc à partir de cette définition que sont énoncés les droits et devoirs du jeune travailleur ou travailleuse intellectuel-le. À l’article 4 de la charte est dit ‘‘qu’en tant que travailleur, l’étudiant a droit au travail et au repos dans les meilleures conditions et dans l’indépendance matérielle, tant personnelle que sociale, garantie par le libre exercice des droits syndicaux’’. En d’autres mots, avoir droit aux meilleures conditions de vie et d’études et pouvoir obtenir celles-ci et les défendre par le mode d’organisation syndicale. Au niveau des devoirs, il serait important de citer l’article 7 qui impose à l’intellectuel le devoir de ‘‘de définir, propager et défendre la vérité, ce qui implique le devoir de faire partager et progresser la culture et de dégager le sens de l’Histoire’’ et ‘‘de défendre la liberté contre toute oppression, ce qui, pour l’intellectuel, constitue la mission la plus sacrée’’. En d’autres mots, rendre accessibles à tous et toutes la science et l’esprit scientifique et d’abolir son caractère élitiste et de protéger l’autonomie intellectuelle pour une qualité de la recherche et de l’enseignement.

L’éducation comme droit social

La reconnaissance d’intérêts communs du monde étudiant, en lien avec les droits et les devoirs étudiants, a débouché nécessairement historiquement sur la conception de l’éducation comme droit social. C’est pour cette raison qu’historiquement plusieurs organisations étudiantes ont défendu le principe de gratuité scolaire comme moyen ultime de supprimer le caractère élitiste de l’éducation et d’assurer une accessibilité pour tous et toutes. À cela, il faut ajouter la volonté du mouvement syndical étudiant de créer un système d’aide financière aux études basé sur le versement de bourses aux gens qui étudient selon leurs nécessités économiques. Enfin, une éducation accessible ne pourrait être autrement que de qualité. En d’autres mots, être un outil de formation du citoyen ou de la citoyenne à l’esprit scientifique et critique, munis de connaissances globales sur son domaine d’étude spécifique et de connaissances culturelles générales.

Une définition de la gratuité scolaire a été et doit demeurer le financement public complet à tous les niveaux d’éducation, de l’élémentaire à l’université, de l’enseignement et des infrastructures nécessaires à son accomplissement, des services d’ordre pédagogiques et psychologiques et des activités parascolaires étudiantes, à l’exception de l’organisation syndicale. Seule cette définition respecte le droit à l’étudiant et l’étudiante d’étudier (coûts reliés à l’enseignement), d’avoir des ressources pour étudier (ex. locaux, bibliothèques, livres, photocopies, etc.) et pour solutionner ces problèmes d’études et de vie (ex. A.P.I., psychologue, travailleur ou travailleuse de corridor, etc.) et de jouir d’une vie étudiante (ex. radio étudiante, activités sportives, cafés étudiants, etc.).

Malgré la réalisation nécessaire future d’une gratuité scolaire complète, un système d’aide financière aux études demeurera toujours inévitablement nécessaire à moins de la réalisation politique du salariat étudiant. C’est que beaucoup d’étudiants et étudiantes ont des dépenses autonomes telles que le logement, la nourriture, le transport, les soins de santé physiques et psychologiques, les soins des enfants et cela, sans oublier la couverture des frais reliés à l’éducation qui n’est actuellement guère gratuite. Ceci oblige donc plusieurs individus à avoir un travail salarié à temps partiel, ce qui nuit grandement à une consécration adéquate à l’étude et aux travaux scolaires. C’est donc dans l’esprit de permettre à tous et toutes de pouvoir étudier et vivre pleinement et adéquatement sans travailler en tant que salarié-e que doit exister un système d’aide financière basé uniquement sur le versement de bourses aux étudiants et étudiantes, selon leurs besoins économiques.

Ces réalisations politico-économiques ne seraient guère sans « prix ». Elles seraient l’aboutissement de batailles soutenues pour une imposition accrue des profits des entreprises privées et des avoirs des mieux nantis de la société. La gratuité scolaire et un système d’aide financière aux études tels que définis ci-haut ne sont donc que des exemples de redistribution nécessaire des richesses produites. L’éducation comme un droit social est donc le refus du discours omniprésent que l’éducation est une dépense publique d’État toujours trop lourde à porter et que les coûts de l’éducation doivent de plus en plus être pris en charge par les étudiantes et les étudiants eux et elles-mêmes (le concept d’utilisateur-payeur, d’utilisatrice-payeuse) et par l’investissement privé directement.

Un dernier point élément du volet « accessibilité » de l’éducation conçu comme un droit social serait la nécessité de rejeter la lutte corporatiste « tirer la couverte le plus fort de son bord » au profit d’autres luttes telles que celle pour le droit au logement ou à l’assurance-chômage. C’est pourquoi il faut toujours garder en tête que l’éducation ne doit guère être le seul droit social et que jamais la gratuité scolaire ne pourrait être satisfaite au profit de coupures dans d’autres programmes sociaux comme cela a été si bien défendu par la CASSÉE durant la dernière grande grève étudiante au printemps 2005.

Les diverses tendances syndicalistes étudiantes

Afin de militer en faveur d’un syndicalisme de combat, il est important de distinguer les différentes tendances syndicalistes étudiantes existantes, à savoir leur idéologie et leurs objectifs, leurs moyens et leur fonctionnement. Ces tendances sont le syndicalisme de boutique, d’affaire et de combat. Ces noms sont utilisés pour définir ces tendances dans le monde du travail salarié, mais seront utilisés ici pour définir leurs ‘‘équivalents’’ étudiants. Cela permettra d’identifier les caractéristiques des divers syndicalismes afin de se fixer des priorités d’actions et d’engager la lutte pour améliorer son syndicat. C’est que des chevauchements entre les caractéristiques des diverses tendances peuvent se produire dans un même syndicat local ou national.

Syndicalisme de boutique : Plutôt anti-syndicale, cette tendance voit l’administration locale et le gouvernement comme les seuls décideurs légitimes qui doivent gérer les étudiants et étudiantes. Défendant généralement le statut quo, le syndicalisme de boutique est pour l’existence de frais de scolarité selon l’idéologie du ‘‘partage’’ (entre l’État, le secteur privé et les étudiants et les étudiantes) des coûts reliés à l’éducation. Les partys et les activités parascolaires en collaboration avec l’administration seront les principales préoccupations de ce type de ‘‘syndicalisme’’. Vouée à la paix sociale perpétuelle, cette tendance peut formuler quelques fois des demandes, mais gentiment et poliment, sans aucune mobilisation, ou moyens de pression, ou information aux membres de la base. Ultra-corporatiste, elle est contrôlée en quasi-totalité par les permanents. C’est l’apathie étudiante totale.

Syndicalisme d’affaire : Selon cette tendance, le gouvernement et l’administration locale ont des droits, mais les étudiants et étudiantes aussi et chaque partie a des devoirs envers l’autre. Défendant comme le syndicalisme de boutique une idéologie du partage des frais d’éducation, elle vise, par contre, une baisse de la facture étudiante, en général, et aura donc des revendications spécifiquement étudiantes. La stratégie principale pour cette tendance est le lobbyisme et la concertation. Celle-ci suppose qu’à travers un contact permanent avec les dirigeants des administrations locales et du gouvernement, on arrivera à faire reconnaître la validité de nos arguments qui se traduiront en changements politiques. En tout dernier recours, surtout lorsque dépassé-e-s, par la gauche, par une organisation syndicale étudiante de combat, les partisans et partisanes de cette tendance mobiliseront et informeront les membres de la base en vue de mettre en place les moyens de pression les moins perturbateurs possibles. Cela, en ayant toujours l’idée qu’il faut faire des compromis comme dans toute « bonne » négociation. L’information et la mobilisation des membres n’étant guère des pratiques habituelles pour cette tendance, le conseil exécutif de l’association, en collaboration avec ses permanents et permanentes, sera l’acteur principal dans cette mouvance syndicale.

Syndicalisme de combat : Pour cette mouvance, l’administration locale et le gouvernement sont des ennemis politiques de par leur fonction et prône conséquemment un rapport de force permanent face à ceux-ci. L’accessibilité à une éducation de qualité telle que définie ci-dessus (voir section L’éducation comme droit social) et la démocratisation politique des institutions scolaires sont les principaux fers de lance de cette tendance. Du grief à la grève, en passant par l’occupation, ce qui est nécessaire sera déployé afin de contraindre l’administration et le gouvernement à accepter les revendications étudiantes. C’est que cette tendance comprend et affirme que les intérêts des dirigeants sont trop divergents de ceux du monde étudiant. Non-corporatiste et solidaire des autres mouvements sociaux, cette tendance prône une mobilisation et une information constante des membres de la base, selon le principe du par et pour les étudiantes et les étudiants. C’est par la démocratie directe que se prennent les décisions au niveau local, qui seront, ensuite, coordonnées et exécutées par le comité exécutif.

Champs d’interventions du syndicalisme étudiant de combat

Le syndicalisme étudiant, déterminé par la composition de ses membres en tant qu’étudiantes et étudiants et, ensuite, par leur état de conscience, va et se doit de mener principalement ses batailles sur le terrain de l’éducation. Celles-ci sont pour une complète accessibilité à une éducation de qualité telle que définie ci-dessus dans la section « L’éducation comme droit social ». À cela, il faut ajouter la bataille pour la démocratisation des institutions scolaires qui est un autre terrain fondamental en éducation dans lequel a œuvré historiquement le mouvement syndical étudiant au Québec et ailleurs. Devant maintenir fermement ses distances face à un corporatisme étudiant, le mouvement syndical étudiant de combat a et se doit de continuer à faire siennes les batailles des autres mouvements sociaux tant dans le milieu syndical que communautaire. Ceci, dans l’optique de bâtir un réel front social de contestation selon l’idée qu’il n’y a pas de problèmes spécifiquement jeunes ou étudiants, mais des aspects jeunes et étudiants de problèmes d’ordre plus généraux.

Au développement de l’idée de l’accessibilité et de la qualité de l’éducation doit s’ajouter celui de la démocratisation de l’institution scolaire. La lutte pour accroître le pouvoir démocratique étudiant dans l’institution scolaire est donc une lutte de pouvoir contre l’administration locale, représentante officielle du ministère de l’Éducation du Québec. Comprenant que le rôle de cette administration est nuisible aux intérêts étudiants tels que définis préalablement, il s’impose d’engager un combat pour lui arracher le plus de pouvoirs possible dans l’institution, afin que les étudiantes et les étudiants eux-mêmes puissent gérer leur milieu d’études et de vie. Ce combat se reflète concrètement, par exemple, dans la prise en charge des activités étudiantes par les étudiants et les étudiantes eux-mêmes, dans la lutte pour une démocratisation du Conseil d’administration et de la Commission des études, et dans la lutte pour avoir à la disponibilité du syndicat étudiant un maximum de ressources telles que des locaux pour ses propres activités et services aux étudiants et étudiantes. Ce combat pour la démocratisation des institutions scolaires doit se faire en collaboration avec les autres syndicats de travailleuses et de travailleurs dans l’institution, sous le principe que ceux et celles qui vivent et travaillent dans l’institution doivent être ceux et celles qui la gèrent, selon leurs capacités et besoins. C’est là un combat qui a un fort potentiel de solidarité intersyndicale.

La solidarité entre les divers mouvements sociaux a trois raisons principales. C’est que l’étudiant et l’étudiante ne font guère qu’étudier. Ils doivent et devront se loger, sont et seront sûrement un travailleur et une travailleuse salarié-e pour une majeure partie de leur vie, peut-être chômeur et chômeuse, sur l’aide sociale et touché-e-s par tant d’autres réalités. C’est donc dans cet esprit de comprendre et satisfaire les besoins globaux immédiats et futurs des étudiants et des étudiantes qu’ils et elles se doivent de lutter en solidarité avec les autres mouvements en lutte. Car un jour ou l’autre, ils et elles seront en grande partie concerné-e-s directement par ces combats, si ce n’est pas déjà le cas. L’autre raison principale est que les attaques faites contre chacun et chacune proviennent souvent d’un même ennemi commun, donc pourquoi ne pas s’unir afin que notre solidarité devienne notre meilleure arme contre cette même tyrannie néolibérale en place présentement. Finalement, dans l’esprit de la Charte de Grenoble que les étudiants et étudiantes ont des devoirs envers la société, le monde étudiant doit se joindre aux autres combats et les faire siens, selon l’idée importante qu’une attaque contre un ou une est une attaque contre tous et toutes. Le syndicalisme étudiant ne doit pas attendre cette solidarité si elle n’existe pas immédiatement et doit donc la construire en faisant les premiers pas. De manière concrète, cela signifie donner de réels appuis publics aux autres luttes et, dans la mesure du possible, se joindre à la lutte des autres secteurs sociaux par l’entremise de moyens de pression conjoints avec eux, tant que cela ne compromet pas l’intégrité des revendications étudiantes de l’organisation en question.

Aussi, le syndicalisme étudiant de combat doit se joindre et être au front de combats d’ordre plus internationalistes ou globaux tels que la lutte contre le patriarcat, l’impérialisme et les guerres qui en découlent, la destruction des écosystèmes, la détention et la déportation des migrants et des migrantes en étant conscient de leurs impacts ici comme ailleurs. La grève contre la ZLÉA en automne 2002 et la grève contre la guerre en Irak au printemps 2003 menées par l’ASSÉ sont deux exemples récents dont il faut se souvenir. Par contre, il faut absolument garder en tête que ces luttes ne doivent pas devenir l’axe central de lutte du syndicalisme étudiant de combat et qu’il se doit de faire toujours le lien avec les luttes qu’il mène sur le terrain de l’éducation quand c’est possible. C’est qu’il faut que toute organisation ne s’éparpille pas dans tous les sens, car être impliqué dans toutes les luttes revient souvent à n’être impliqué dans aucune lutte.

Une pratique démocratique

** Autonomie d’organisation [3]

Pour ne pas aliéner son mode de fonctionnement du « par et pour les membres », toute organisation syndicale de combat doit prôner et avoir dans la pratique une autonomie face aux structures de l’État et face aux groupes politiques. Autonome des structures de l’État, parce que le syndicalisme de combat comprend que ce n’est pas en participant à celles-ci qu’il obtiendra gain de cause, mais bien par la construction d’un rapport de force permanent face à celles-ci. Autonome des groupes politiques, parce que le syndicalisme étudiant de combat ne prône pas la prise du pouvoir ni un programme cohérent portant sur l’ensemble des aspects de la vie en société, cela étant déterminé par la fonction même du syndicalisme. C’est par cette complète autonomie que pourra s’exercer la plus saine et dynamique démocratie interne s’étant fermement distancée des structures qui pourraient tenter de gérer et s’ingérer dans l’organisation, entre autres, afin de diluer les positions de l’organisation au nom de « réalisme » politique.

La démocratie directe

Étant pour un rapport de force permanent face à l’État basé sur la force du nombre, une organisation syndicale de combat doit obligatoirement fonctionner selon la démocratie directe. La démocratie directe, c’est l’expression de la voix des gens s’exprimant sur les enjeux qui les touchent aboutissant en décisions collectives et cela, sans intermédiaire. C’est l’assemblée générale qui est donc la structure fondamentale de l’exercice de la démocratie directe qui devra avoir lieu le plus souvent possible selon la conjoncture. À travers des mandats clairs décidés collectivement par majorité, l’assemblée dicte au comité exécutif les tâches à accomplir qu’elle devra vérifier si elles sont appliquées correctement. Dans la coordination des diverses organisations syndicales de combat au niveau national, l’assemblée générale locale doit demeurer complètement souveraine dans ses décisions selon le principe de la décentralisation du pouvoir décisionnel et du respect de l’autonomie locale.

Cette démocratie directe est donc en opposition avec la démocratie représentative qui défend la représentation des intérêts des gens par des intermédiaires politiques élus qui prennent souvent eux-mêmes les décisions sans même consultation populaire ou surtout sans référendum populaire et sur lesquels, il ne peut être exercé un contrôle formel. Ce mode de fonctionnement est celui du gouvernement et de plusieurs organisations lobbyistes tels les syndicats d’affaire. L’esprit de l’organisation syndicale de combat est donc totalement contraire à cette logique selon son esprit du « par et pour les membres ».

La fréquence des assemblées générales est également très importante pour maintenir une vie syndicale locale dynamique dans le but d’impliquer les membres à venir se prononcer fréquemment sur des enjeux qui les concernent. La faiblesse de la participation aux assemblées générales est trop souvent routine en dehors de celles concernant un vote sur la grève. Dans un contexte de dépolitisation générale de la société, il faut faire renaître de manière générale l’importance de la démocratie directe et des enjeux discutés dans les AG par une mobilisation d’envergure car les affiches d’AG attirent trop peu les gens en général malgré qu’elles sont et demeurent primordiales et doivent être affichées dans tous les recoins de l’institution. Aussi, malgré que les procédures soient plus que nécessaires à tout déroulement d’assemblée, leur incompréhension par plusieurs et leur lourdeur à l’occasion peuvent en décourager plusieurs de venir à la suivante. C’est pourquoi, une animation dynamique, respectueuse et chaleureuse est plus qu’importante pour chaque assemblée dans le but de valoriser la nécessité du code de procédures et rendre tout simplement l’assemblée agréable à vivre ! Il est sans aucun doute important de diffuser de l’information sur le code de procédures aux membres avant les AG afin que ceux et celles-ci comprennent leur nécessité et qu’ils et elles puissent mieux vivre une assemblée générale. Aussi, organiser plusieurs débats publics en dehors des assemblées générales pour favoriser la discussion et le débat entre les membres sans la lourdeur des procédures est une stratégie importante qui a fait ses preuves pour favoriser la participation et le dynamisme syndical à l’interne.

Les mandats adoptés en assemblée générale doivent être clairs et donc, ne pas porter à diverses interprétations pour un même mandat. Les revendications et le plan d’action visant à les satisfaire sont donc ce qui doit être le mieux défini par l’assemblée générale. L’exécutif ne fera que les coordonner et les représenter en les défendant, rôle qui revient dans la mesure du possible à l’ensemble de la population étudiante également. Être redevable à l’assemblée générale, voilà le principe directeur de la mission de tout exécutif. Il ne faut pas laisser ce seul travail à l’exécutif qui peut, sans même en être conscient ou tout simplement l’être délibérément de manière opportuniste, s’égarer du chemin que l’assemblée lui avait tracé. C’est donc pourquoi tout étudiant et étudiante se doit de sommer en assemblée générale l’exécutif ou tout autre représentant-e étudiant-e qui se détournerait des mandats qui leur ont été confiés et en tout dernier lieu, exiger une démission ou des démissions pour manquement à leur devoir. Cela est d’une grande importance même si cela est parfois difficile à accomplir comme dans le cas où ce sont des gens que nous considérons ou considérions comme des camarades.

Aussi, il est important de parler des divers modèles d’exécutifs possibles dont deux seront parlés ici. Premièrement, il existe le modèle « une personne par poste ». Celui-ci, qui peut être très efficace et très bien fonctionner comporte néanmoins deux contraintes. La première est que limité à une personne par poste, le travail peut être difficilement accompli dans sa totalité étant donné qu’il repose sur les épaules d’une seule personne qui est aux études. L’autre est qu’il restreint l’implication des nombreux membres de l’organisation aux tâches d’exécution des mandats. Afin de favoriser une participation plus active aux tâches du comité exécutif, il existe le modèle de comités ouverts où chaque membre demeurait élu. Cela répartirait alors la charge de travail entre plusieurs personnes ce qui permettrait qu’elle serait mieux accomplie à condition que le suivi des tâches soit effectué. Aussi, cette structure permet d’éliminer les inutiles compétitions et rivalités qui peuvent avoir lieu entre les gens se présentant pour un même poste.

L’importance d’intégrer, d’entretenir et d’animer les structures

Le syndicalisme étudiant est, il faut bien le rappeler car certains et certaines semblent l’oublier, un mouvement collectif et non la somme d’un grand nombre de petits mouvements individuels. Et pour que celui-ci fonctionne, il faut se répartir les tâches à assumer entre le plus grand nombre de militants et militantes en ayant conscience que toute tâche est aussi nécessaire qu’une autre et qu’elles forment un tout. Il est également primordial de bien définir chaque comité du syndicat et leur rôle face à l’organisation syndicale pour que ceux-ci conservent leur vocation syndicale. Pour cela, il faut que tous et toutes, pour le bien-être de leur organisation, prennent des responsabilités selon leurs capacités à moyen et à long terme au sein de leur organisation syndicale. Finalement, il est important de comprendre qu’il ne faut pas déserter l’organisation syndicale si elle est devenue trop bureaucratique, corporatiste et anti-démocratique ou pour des raisons qu’elle est réformiste. Ceci ne ferait qu’inévitablement empirer les choses pour les étudiants et les étudiantes dans leur ensemble et pour leur organisation syndicale. Au contraire, il faut persévérer à travers un travail organisé et soutenu à l’intérieur de son organisation syndicale de boutique ou d’affaire pour la transformer en syndicat de combat.

La répartition des tâches est grandement nécessaire car, trop souvent, les gens vont valoriser certaines tâches telle la mobilisation au détriment de d’autres tâches aussi nécessaires que complémentaires telle la trésorie. Tout militant ou militante doit avoir en tête une compréhension globale des tâches à assumer. En prenant des responsabilités diversifiées au sein de l’organisation syndicale à travers une implication soutenue, cela permet réellement de comprendre la nécessité de toutes les tâches de l’organisation et leur complémentarité et de faire fonctionner adéquatement l’organisation dans son ensemble. Demeurer en tout temps sur le comité de mobilisation sans avoir jamais traité un grief à la pédagogie ou de veiller aux finances de l’association par exemple est en soi un handicap à tout militant ou militante syndical-e qu’il et elle ne devraient jamais oublier.

En ce qui concerne la clarté des objectifs de chaque comité de l’organisation syndicale, cela doit être défini par l’assemblée générale ce qui est la meilleure manière d’assurer que chaque comité soit redevable à la structure qui l’a fait naître, c’est-à-dire l’AG. Cette situation de flou concernant les comités peut être une caractéristique de chacun d’eux mais arrive particulièrement souvent pour le comité de mobilisation. Étant donné qu’il regroupe souvent des gens très politisés et très militants et qu’il comporte le plus de membres en son sein généralement, certains et certaines de ses membres vont en faire consciemment ou inconsciemment un outil visant à satisfaire leur propre agenda politique personnel au détriment des mandats que lui aurait confié l’assemblée générale. Il peut même arriver qu’une frange de ses membres prône une autonomie complète du comité de mobilisation face à l’organisation syndicale au nom du respect de l’autonomie et de l’initiative individuelle et du radicalisme. Cela reviendrait à enlever à l’organisation syndicale son comité de mobilisation plus que nécessaire et d’œuvrer plutôt dans le sens de la mise sur pied de comités d’action politique indépendants des structures syndicales (CAP) [4]. Ceci ne signifie guère que le comité de mobilisation ne peut être l’instigateur de campagnes précises mais il se doit de les maintenir dans une perspective syndicale, c’est-à-dire visant à être débattues en assemblée générale et faire l’objet de prises de décisions collectives à l’unanimité ou à la majorité en AG. Il est par contre important d’avoir un espace pour pouvoir organiser sa tendance politique précise et pouvoir la promouvoir et la défendre mais cela n’est pas le rôle de l’organisation syndicale. Plutôt, il est celui des regroupements politiques de style CAPs qui peuvent être des extensions des partis politiques en lieu étudiant ou en être totalement indépendant et non partisan. Le parti politique, la fédération ou le groupuscule politique sont tous des espaces où peut s’organiser la tendance précise politique d’un ou une individu-e. Succomber à la tentation pour les militants et militantes combatifs minoritaires de déserter les structures de leur syndicat de boutique ou d’affaire en changeant d’école où se trouverait déjà un syndicat de combat ou en s’organisant uniquement ailleurs que dans une perspective syndicale dans son milieu d’études serait une grave erreur pour la généralisation du syndicalisme étudiant de combat. Mais donc, comment s’organiser en tant que tendance minoritaire dans un syndicat de boutique ou d’affaire pour transformer son association en syndicat de combat ? En tout premier lieu, il faut être persévérant et patient et comprendre que tout combat peut s’avérer long et s’accompagne souvent de gains mais également de défaites. Il faut également mettre à l’avant plan en tout temps l’esprit syndicaliste de combat tout en demeurant réaliste face aux objectifs fixés car par exemple, il ne faudrait pas penser qu’on pourrait déclencher une grève générale illimitée dans un syndicat qui n’existe même pas encore en réalité. Que cela soit pour un syndicat de boutique ou d’affaire, les stratégies seront généralement similaires.

Il existe par contre une différence fondamentale entre la stratégie à adopter face à un syndicat de boutique et un syndicat d’affaire et c’est la question de s’accréditer. C’est que pour le syndicat d’affaire, il est déjà reconnu par l’administration et a donc au moins un local, un babillard, une assemblée générale souveraine avec droit de grève même si cela arrive généralement pas, ce qui n’est souvent pas le cas pour les « syndicats » de boutique. C’est cela, entre autres, que permet d’obtenir légalement un référendum d’accréditation positif. Cela ne veut pas dire que l’administration reconnaît automatiquement un référendum positif comme le démontre le cas de l’arrogance de la direction de Dawson College face à la Dawson Student Union nouvellement accréditée. C’est là qu’il faut se rappeler qu’un syndicat ne devrait faire reposer son existence sur un bout de papier mais bien sur le rapport de force de ses membres et par des moyens d’action de masse appropriés. Cette bataille fondamentale pour la reconnaissance du syndicat étudiant est un enjeu qui permettra très souvent de faire réaliser aux étudiants et étudiantes la nature conflictuelle entre les intérêts administratifs et étudiants.

Alors, en tant que forces minoritaires, il faut dynamiser le syndicat local afin qu’il soit indépendant, démocratique et combatif avant toute considération d’affiliation à un syndicat national de combat. L’organisation de campagnes doit être toujours être la stratégie à suivre pour battre sur le terrain des idées et de la pratique la droite étudiante corporatiste d’affaire ou de boutique. Donc, à partir de n’importe quelle campagne, il faudra informer massivement et de manière alternative aux syndicalistes de boutique ou d’affaire par l’intermédiaire de tracts, de journaux déjà existants ou nouvellement créés, dans des débats et surtout, à l’intérieur d’assemblées générales fréquentes. Ceci peut devenir très difficile lorsqu’on est en situation d’opposition à un exécutif de boutique ou d’affaire qui, par exemple, empêchera la diffusion de toute idée syndicaliste de combat en refusant de diffuser un article dissident dans LEUR journal ou d’accorder les fonds nécessaires pour la création d’un journal alternatif au leur. Ou en organisant très rarement une assemblée générale si ce n’est pas jamais. Pour faire face à ces situations et pour être plus efficace dans toute campagne, les syndicalistes de combat minoritaires doivent faire appel au support extérieur financier et matériel des autres organisations syndicales de combat et d’appeler à ce que leurs membres viennent joindre leurs efforts aux leurs, spécifiquement en terme de mobilisation. Mais ce qui est également crucial sinon fondamental pour contrer ce travail de la droite étudiante, c’est de critiquer, de dénoncer et d’exiger la démission d’un exécutif de boutique ou d’affaire et enfin, de le battre lors de nouvelles élections en s’organisant préférablement en équipe pro-syndicalisme de combat. C’est une lutte de pouvoir importante pour que soit réellement défendu la logique du par et pour les étudiants et étudiantes.

Lorsque cela est atteint, il serait important de couper tous les liens avec une organisation syndicale nationale de boutique ou d’affaire par l’entremise d’un référendum de désaffiliation, surtout s’il existe une organisation syndicale nationale alternative de combat. Que cette désaffiliation soit accompagnée ou non d’un référendum d’affiliation à une organisation syndicale nationale de combat doit être décidé selon la conjoncture et la conscience étudiante. [5]

Lorsqu’une décision défavorable a lieu dans un syndicat de combat et qu’une droite étudiante tente de s’affirmer, il ne faut pas déserter encore les structures syndicales pour s’organiser sur des bases affinitaires uniquement afin de contrer cette droite. Ceci, il faut le répéter, céderait la place à la droite pour qu’elle s’accapare à elle seule les structures syndicales. Au contraire, il ne faut pas utiliser les structures syndicales seulement lorsque celles-ci donnent des résultats positifs. En cas de décision défavorable, il faut retourner en AG pour reconsidérer un vote, informer davantage en écrivant des articles critiques sur ces décisions, exiger des démissions d’exécutifs s’il le faut, continuer à entretenir, intégrer et animer les structures quoi pour arriver à ses fins. Il faut comprendre que cette droite étudiante a gagné et gagne du terrain par la désertion ou l’absence d’implication de plusieurs militants et militantes dans les structures syndicales étudiantes. Elle ne perdra que si nous reprenons notre place.

L’information autonome et alternative

Toute organisation syndicale de combat, tant au niveau local que national, doit pouvoir informer de manière alternative et autonome (aux médias de masse et aux organes d’information de l’administration) ses membres dans le but d’articuler ses revendications et d’approfondir les analyses sur les enjeux dans laquelle elle est impliquée. Journaux, tracts, ateliers de formation, conférence, tout pour favoriser le développement de la compréhension des enjeux qui concernent directement le monde étudiant et qui favoriseront une participation massive des étudiants et des étudiantes aux luttes qui les concernent.

En tout premier lieu, la nécessité d’informer et de conscientiser les masses étudiantes pose inévitablement la nécessité d’un journal syndical étudiant local et national pour les associations coordonnées nationalement. Le journal local devrait être utilisé, tout en conservant ses analyses sur les luttes nationales, plus spécifiquement sur les enjeux et nouvelles internes malgré qu’ils et elles sont inévitablement souvent des enjeux nationaux et des nouvelles nationales. À l’inverse, le journal national est et devrait demeurer davantage un espace pour les enjeux nationaux étudiants spécifiquement tout en demeurant un espace pour l’actualité dans les associations internes. Des tracts devraient être produits régulièrement en addition des divers journaux. Pour ce qui est de leur distribution, il faut aller vers les gens à travers des tournées de mobilisation interne et externe et ne pas attendre qu’ils viennent les chercher. C’est qu’ils doivent être distribués le plus largement possible à travers tous les recoins de l’institution. Les affiches sont également importantes pour susciter un éveil et les murs de l’institution doivent en être tapissés. Finalement, il est important de mettre sur pied des ateliers de formation tant au niveau local que national afin d’approfondir la formation et les connaissances des différents militants et des différentes militantes.

Une pratique combative

** L’approche confrontationnelle

L’État n’est pas une institution neutre, malgré ce qu’essaie de nous faire avaler l’idéologie dominante, où s’exerce une égale influence entre différents groupes de la société. Au contraire, il est subordonné par certains groupes lobbyistes (spécifiquement patronaux) qui sont privilégiés pour faire valoir leurs intérêts. Face à cela, le syndicalisme de combat prône un rapport de force par la mobilisation de masse préalable à toute négociation qui s’impose afin de satisfaire les revendications ici étudiantes. Car ce n’est pas par la force de nos arguments que le gouvernement ou les administrations réaliseront les demandes étudiantes mais bien en y étant contraint par la force des moyens de pression employés lors de mobilisations générales de masse. L’organisation syndicale de combat est donc un contre-pouvoir qui pour opérer sainement de manière combative, doit être autonome de tous les partis politiques.

L’État comme institution subordonnée aux intérêts privés du patronat s’explique majoritairement par le financement des entreprises privées aux caisses électorales des partis dominants. C’est cela qui assure à ces puissants lobbys patronaux un accès privilégié et une écoute plus qu’attentive aux instances gouvernementales. S’organiser en tant que lobbys étudiants, telles que le font des organisations syndicales comme la FECQ et la FEUQ, revient à nier cette réalité objective qui ne cesse de se concrétiser en éducation par les coupures successives dans ce domaine et l’assujettissement de l’éducation aux lois du marché. Le lobbyisme et la concertation avec le gouvernement n’ont rien apporté depuis leur existence aux étudiants et aux étudiantes dans leur ensemble à part des reculs et une régression jamais inégalée.

Le rapport de force permanent face à l’État et aux administrations découle donc de cette compréhension sociétale globale telle que décrite ci-dessus. Pour ce faire, celui-ci doit être massif et donc, s’appuyer sur la force du nombre et des moyens d’action employés par celui-ci. C’est donc un travail de mobilisation et d’éducation de masse continu qui est nécessaire à effectuer afin de bâtir ce rapport de force nécessaire et de favoriser une participation générale aux luttes de l’organisation syndicale de combat.

Ce principe du rapport de force permanent face à l’État pose donc l’organisation syndicale de combat comme un contre-pouvoir. Pour se faire, il doit nécessairement être autonome des structures de l’État car il ne pourrait être en deux chaises, c’est-à-dire à l’intérieur des structures de l’État (concertation) et à l’extérieur (confrontation). Un exemple de cette pratique est le boycott de toute commission parlementaire concernant l’éducation qui signifie clairement un rejet de la participation aux instances du gouvernement ne représentant pas un espace de satisfaction des revendications étudiantes.

Cette indépendance face aux structures d’État doit également avoir lieu face aux partis politiques. Adopter une position partisane face à un parti qui inclurait dans son programme les mêmes revendications étudiantes que l’organisation syndicale de combat serait une erreur stratégique trahissant la nature même de la fonction du syndicalisme de combat ici étudiant. Il y a deux raisons sur lesquelles repose cette conclusion. De un, malgré qu’une formation politique aurait dans son programme la gratuité scolaire et serait portée majoritairement au pouvoir, la politique du compromis est une contrainte qu’impose la légalité électorale et le jeu parlementaire et conséquemment à cela, cette position politique pourrait être abandonnée au nom de « réalisme » politique. Plusieurs exemples historiques le confirment. Face à cela, l’organisation syndicale de combat a pour rôle de maintenir son rapport de force permanent face à l’État, indépendamment de quelconque formation politique en a le contrôle, afin de s’assurer que toute position politique de Parti au pouvoir qui serait en accord avec les revendications étudiantes soit réellement réalisé et non abandonnée comme tant de nombreuses promesses qui sont demeurées au rang de promesses au nom de leur « irréalisme » politique. Cette pratique a-t-elle raison d’être également au niveau local ? Bien sûr. Participer à ces instances sans rapport de force préalable tout en croyant naïvement y avoir un réel pouvoir décisionnel serait contraire à un esprit syndicaliste de combat. Par contre, mobiliser pour un rapport de force local face à l’administration pourrait justifier alors une participation aux instances anti-démocratiques administratives afin d’y chercher toute information pouvant être diffusée aux membres. Aussi, cette participation devrait avoir lieu en fonction de faire front commun avec les délégué-e-s des autres syndicats afin de freiner des décisions administratives jugées injustes. Voilà ce qui serait tout conséquent avec la pratique combative du syndicalisme de combat.

Les moyens de pression

Tel que mentionné ci-dessus à plusieurs reprises, le rapport de force permanent face à l’État est un aspect fondamental du syndicalisme de combat. Étant basé sur la force du nombre et la participation massive des membres, celui-ci ne pourrait être réalisé que par des moyens de pression jugés efficace par divers acteurs et actrices étudiants et étudiantes. Il est important d’organiser des actions de masse impliquant le plus grand nombre telles des manifestations lors de grèves ponctuelles d’une journée ou illimitées. À cela, il faut ajouter la nécessité et l’efficacité de l’action directe tels l’occupation ou un blocus économique pour paralyser le « bon » fonctionnement de l’État et des intérêts qu’il sert. Enfin, pour maintenir le plus de gens impliqués dans les moyens de pression, il faut adopter le respect de la diversité des tactiques.

Avant de développer cet aspect, il est important de souligner que le rapport de force des jeunes travailleurs et travailleuses intellectuel-le-s est différent de celui des travailleurs et travailleuses salarié-e-s. C’est que lorsque les étudiants et étudiantes font une grève, ils et elles ne bloquent pas directement la production contrairement au milieu du travail salarié qui en a la capacité. Cela est une contrainte qui rend plus difficile le rapport de force face à l’État.

Par contre, ce rapport de force peut être très bien organisé et être totalement efficace. Un principe d’action fondamental de l’idée du rapport de force est celui des actions de masse. C’est qu’il faut avoir la force du nombre pour que la pression soit réellement ressentie sur les épaules de l’État ou sur les administrations et pour que celles-ci ne puissent nous ignorer sous principe que nous sommes qu’une minorité négligeable et qu’elles cèdent aux revendications. Pour que ces actions soient de masse, il faut prendre en considération la conscience générale étudiante et voir ce qu’elle est prête à faire. Dans notre contexte actuel, la manifestation est le moyen d’action de masse le plus privilégié. Celle-ci a pour rôle principal d’exposer les revendications de l’organisation qui l’organise à travers des contacts avec les médias et démontrer le mécontentement massif des gens présents qui supportent et défendent ces revendications afin de mettre de la pression sur l’État ou l’administration locale. Par contre, l’action de masse n’égale pas uniquement manifestation mais plutôt ce que le plus grand nombre est prêt à faire. Donc, une occupation avec manifestation d’appui, un blocus économique, un sit-in, tout cela peut devenir des actions de masse à condition qu’elle implique un grand nombre de gens et dans ce cas, elles seraient totalement plus efficaces.

Aussi, il est important de définir un autre principe d’action fondamental : l’action directe. Une définition classique serait que l’action directe est une méthode d’action qui fonctionne par et pour les membres. C’est donc une méthode d’action qui est pratiquée par ses partisans et partisanes eux et elles-mêmes et cela, sans aucuns intermédiaires tels des représentants et représentantes syndicaux et syndicales ou des politiciens et politiciennes par exemple. Ceci est donc un principe d’action totalement en accord avec le principe d’action de masse. Il ne fait que lui donner son orientation : par et pour les membres sans intermédiaires. C’est donc qu’il inclue la grève, la manifestation, les règlements directs de griefs, l’occupation, le blocus économique, tout cela et bien d’autres tant que ces actions se font selon l’esprit de l’action directe. Il faut briser la pensée qu’action directe est synonyme de violence ou uniquement de destruction de propriété. La philosophie de l’action directe ne défend pas par contre la subordination au chemin de la lutte légale. Ne se refusant pas à l’employer, ses partisans et partisanes ne s’y limiteront aucunement en déployant les moyens d’actions les plus efficaces possibles en les jugeant selon leur pertinence et leur efficacité et non s’ils sont légaux ou non.

Finalement, un autre principe des plus fondamentaux : la diversité des tactiques. Ce principe vise à rejeter une rivalité entre les moyens d’actions à utiliser et à laisser le libre choix aux gens ce qu’ils et elles désirent faire comme moyen d’action sans empêcher les moyens des autres. Il est clair que certains moyens d’actions sont plus efficaces selon le contexte et un débat doit exister sur quels moyens entreprendre. Par contre, il doit exister un respect mutuel entre les partisans et partisanes de différents moyens d’action en acceptant la diversité des consciences selon que tout le monde n’est pas prêt à faire les mêmes choses pour ainsi accepter, la diversité des tactiques. Ceci est par contre une lourde tâche à atteindre qui est souvent coincée au niveau du débat « violence » et « non-violence ».

Il est important de maintenir un équilibre entre les diverses actions employées. Concrètement, ne pas miser uniquement sur des occupations ou des blocus économiques qui n’auraient pas de hauts taux de participation et qui n’isoleraient qu’une frange radicale du reste du mouvement étudiant. C’est donc qu’il faut diversifier en impliquant le plus souvent possible le plus grand nombre. Des débats internes dans les syndicats locaux et au niveau régional ou national sont donc nécessaires pour éveiller des membres à divers types d’actions et à leur pertinence.

Le rôle nécessaire de l’organisation nationale

Ayant une compréhension que la bataille pour l’éducation est essentiellement une bataille contre le gouvernement provincial car il en est responsable, il est d’une grande nécessité pour chaque syndicat local de combat de se regrouper de façon stable et permanente sur des bases claires et de collectiviser des ressources au sein d’une organisation nationale de combat qui dans l’idéal, regrouperait l’ensemble de tous les étudiants et les étudiantes. C’est donc dans le but de réellement avoir un rapport de force coordonné au niveau national face au gouvernement que naît la nécessité de s’organiser au niveau national. L’autonomie syndicale locale doit totalement être préservée dans l’esprit de la décentralisation du pouvoir. C’est donc le syndicat local qui doit animer et entretenir l’organisation nationale en y participant pleinement et en y amenant des propositions et non l’inverse. C’est pour ces raisons que la position « indépendance » est une inconséquence avec la pratique du syndicalisme de combat et relève d’un total état de confusion.

C’est le gouvernement provincial et non l’administration locale qui prend les grandes décisions concernant l’éducation tels son niveau de financement, l’Aide financière aux études, les frais de scolarité et tant d’autres. C’est pourquoi il est important d’affirmer que les batailles les plus importantes pour le droit à l’éducation se mèneront contre le gouvernement qui est l’ennemi numéro un du mouvement étudiant. C’est cette compréhension fondamentale qui fait naître la nécessité de bâtir une organisation nationale.

Donc, c’est pour être plus fort face au gouvernement qu’une organisation nationale doit exister. Celle-ci n’est rien d’autre que le prolongement naturel des liens de solidarité locale et du pouvoir collectif créé par le syndicat local. Le regroupement et les structures doivent être permanents et non ponctuels. Cela permet d’avoir des débats suivis avec des décisions et une coordination qui s’inscrivent dans la continuité ce qui fait la force du mouvement. Aussi, cela permet d’avoir des bases stables aux prises de position et d’action et permet d’avoir un dialogue continu entre les associations locales. La permanence d’un syndicat national permet la construction d’une mémoire collective et la transmission d’une mémoire au-delà des cohortes étudiantes. Aussi, cela permet un travail continu par l’entremise de mandataires élu-e-s sur des multiples comités qui mettent en œuvre les décisions collectives. Enfin, celle-ci permet une collectivisation des ressources stables par l’entremise d’une cotisation locale à l’organisation nationale ce qui permet de produire un matériel d’information (journaux, tracts, documents de recherche, etc.) et permettre le déplacement de membres à travers le Québec pour des tournées de mobilisation ou le déplacement à des actions par exemple.

C’est pour ces raisons que la position « indépendance » est une inconséquence. Souvent, les syndicats locaux qui sont indépendants vont « magasiner » les plans d’action nationaux en participant aux instances (ex. congrès national) sans y adhérer officiellement en agissant comme des satellites indépendants en utilisant même le matériel d’information national sans verser aucune cotisation ! Cela est une irresponsabilité grave car il faut répartir plus équitablement et plus largement les responsabilités (notamment financières) nécessaires à une telle organisation nationale pour en assurer les meilleures chances de survie et d’efficacité. C’est dire qu’il ne faut pas tout prendre et rien donner à l’organisation. Motivé par un désir d’autonomie sans limites et de crainte face aux possibles « diktats » de l’organisation nationale, le principe d’« indépendance » oublie l’autonomie réelle qu’existe pour chaque syndicat local membre d’une organisation nationale qui se joint à celle-ci sous le principe d’une libre association. Ce n’est pas une organisation autoritaire centralisée qui impose des sanctions aux organisations qui ne suivraient pas la majorité de l’organisation. Tout le pouvoir est dans les AG locales selon un principe de décentralisation du pouvoir de l’organisation. Et si le syndicat local se verrait en complète contradiction avec le reste des syndicats locaux membres, il lui reste toujours le choix de se désaffilier mais doit avant tout amener ses critiques à l’intérieur de l’organisation en utilisant les structures de celles-ci avant de les déserter.

La réflexion stratégique

Toute organisation et ses campagnes nécessitent une réflexion stratégique approfondie. Bâtir des campagnes à court terme mises en perspective avec des campagnes à moyen terme, se fixer des priorités et ne pas s’éparpiller partout, clarifier nos objectifs en les définissants de manière approfondie, bâtir nos campagnes selon la conjoncture, faire des alliances pour renforcer notre rapport de force et le leur et finalement, inscrire toute campagne dans une logique d’escalade des moyens de pression. Voilà les grandes lignes directrices stratégiques à suivre pour une organisation syndicale de combat en santé.

Les campagnes à court terme sont celles qui sont bâties sur des revendications qui sont réalisables dans l’immédiat, tel le retrait de la réforme sur l’aide financière aux études, revendication incluse dans la plate-forme de la CASSÉÉ au printemps 2005. Celles-ci doivent être inévitablement mises en perspective avec des campagnes à moyen et long terme pour s’assurer que la conscience étudiante a une compréhension de la continuité dans le temps du combat étudiant et qu’il ne s’arrête pas à la première réforme minimale gagnée. La perspective de gratuité scolaire et d’éradication de l’endettement étudiant des revendications de la CASSÉÉ est donc un exemple de ces objectifs à moyen et long terme.

Avoir des priorités où l’énergie est majoritairement concentrée est d’une grande nécessité. La priorité générale pour le mouvement étudiant est le terrain de l’éducation mais comme il a été mentionné ci-dessus (section sur les champs d’intervention du syndicalisme étudiant de combat), il se doit de se joindre concrètement aux luttes des autres mouvements sociaux et les faire siennes. Aussi, le principe stratégique d’avoir des priorités se reflète dans l’organisation de campagnes. Il faut donc avoir une campagne principale (la priorité) à laquelle peuvent venir se greffer des campagnes secondaires qui exigent moins d’efforts tels des appuis concrets à d’autres luttes. Il faut seulement se rappeler de ne pas s’éparpiller partout car être impliqué dans toutes les luttes signifie souvent être impliqué dans aucune lutte.

Il faut aussi définir et développer l’analyse de nos revendications et proposer comment elles peuvent être réalisées. Cela vise à démontrer le réalisme de nos revendications et ainsi pouvoir contrer les efforts du gouvernement ou des administrations locales et leurs alliés à discréditer nos luttes. Par exemple, on nous martèlera que la gratuité scolaire n’est aucunement réalisable faute d’argent. D’exposer que les coupures en éducation et dans tous les programmes sociaux relèvent d’un choix politique et non d’une réelle crise des finances publiques, c’est de démontrer que la gratuité scolaire est réalisable et qu’il y en a abondamment de l’argent dans certaines poches mais qu’il n’est tout simplement pas imposé (le choix politique).

La conjoncture est également primordiale dans la détermination du choix des campagnes. Les attaques immédiates devraient être les dossiers prioritaires car elles suscitent plus facilement une mobilisation générale qu’une attaque d’il y a 20 ans. Il faut voir constamment l’état des forces du mouvement étudiant et faire attention de ne pas surestimer ses forces en le situant dans son contexte sociopolitique. Après une campagne défensive, il serait toujours intéressant de la faire suivre avec une campagne offensive sur le même sujet. Par exemple, s’être battu contre la réforme dans l’AFÉ sans qu’elle n’ait été abolie pourrait donner suite à une campagne offensive d’une plateforme de revendications sur l’AFÉ. Aussi, il ne faut pas penser que de lourds moyens de pression pourraient avoir lieu en tout temps comme une grève générale illimitée par session ! Cela ne serait que de surestimer les forces du mouvement et aurait plutôt pour conséquence la démobilisation et tout simplement, l’écoeurement de la part d’une large frange du mouvement étudiant.

Toute campagne devrait inclure une stratégie de médiatisation visant à gagner l’opinion publique aux revendications étudiantes augmentant ainsi la pression sur l’ennemi combattu tel le gouvernement car, ayant pour but principal de se maintenir au pouvoir, ne pourra être indifférent à la baisse de sa côte de popularité. Par contre, cette bataille pour l’opinion publique ne devra pas fait au profit de miner notre intégrité d’organisation en diluant nos revendications et nos moyens d’actions, ce qui serait de succomber au culte de l’image organisationnelle.

Au niveau des alliances, deux volets sont à discuter. Est-ce possible pour une organisation nationale de combat de faire alliance avec les autres fédérations étudiantes lobbyistes pour une unité générale ponctuelle du mouvement étudiant ? Et est-ce souhaitable de bâtir des liens avec les autres mouvements sociaux ? À la première question, il est important de répondre que toute unité doit reposer sur des objectifs et des stratégies clairs et non sur une unité molle unissant des associations étudiantes ayant des visions contradictoires et radicalement différentes. Pour parler de l’actuelle situation de la FECQ, de la FEUQ et de l’ASSÉ et de leurs rapports, c’est qu’il n’y a guère d’unité réelle car des divergences majeures d’idées et de stratégies séparent la FECQ et la FEUQ de l’ASSÉ. Ceci est dû à la récupération médiatique de la FECQ et de la FEUQ de plusieurs évènements étudiants nationaux, de leur lobbyisme incessant de concertation avec le gouvernement et leur participation fréquente aux instances gouvernementales sans rapport de force préalable, de la trahison des revendications étudiantes de leurs propres membres et de ceux et celles qui combattent à leur gauche. Dans ces conditions, un front commun intersyndical étudiant est quasiment impossible. Un travail avec les associations locales membres de la FECQ ou de la FEUQ est par contre très envisageable si elles sont critiques minimalement de celles-ci et qu’elles ont des revendications similaires à celles de l’organisation de combat. Cela vaut de même pour les associations indépendantes. Cette attitude a été l’essence de la création de la CASSÉÉ où plusieurs associations indépendantes s’y sont jointes de même que des associations de la FEUQ mais cela, sur des bases claires de revendications et de stratégies d’actions communes.

Pour ce qui est de répondre à l’autre question, cela a été déjà répondu auparavant quant à se joindre aux luttes des autres mouvements sociaux tout en appelant à la solidarité de ceux-ci aux luttes du mouvement étudiant. Pour des appuis concrets aux luttes des autres mouvements sociaux, cela doit se faire dans un esprit de rapport de force et donc, se joindre à leurs luttes dans un esprit syndicaliste de combat en formulant des suggestions de stratégies d’actions critiques des méthodes lobbyistes. Cela doit se faire dans un souci d’autonomie et d’intégrité de l’organisation syndicale de combat étudiante. C’est beaucoup plus dans des actions communes avec la base que dans la création d’un front commun intersyndical actuellement que le syndicalisme de combat étudiant doit miser. Par contre, ce front commun intersyndical (salarié et étudiant) est au contraire totalement souhaitable mais difficilement réalisable dans le contexte des divergences marquées qui séparent les revendications et les analyses et les méthodes de fonctionnement interne des différentes organisations syndicales. Cette analyse est au niveau d’un front commun intersyndical au niveau national. Au niveau local, cela serait beaucoup plus facile car des stratégies et des revendications dissidentes des exécutifs des centrales peuvent être adoptées par les unions locales. Aussi, l’appel du mouvement étudiant à ce que le monde syndical salarié et le milieu communautaire viennent se joindre aux luttes étudiantes est également totalement souhaitable et nécessaire pour renforcer le rapport de force.

En dernier lieu, il est nécessaire que toute campagne s’inscrive dans une logique d’escalade des moyens de pression. Au niveau de la campagne en tant que telle, il serait important de l’échelonner sur une période d’un an telle la dernière campagne de l’ASSÉ qui a mené à la récente grève générale illimitée. Des campagnes d’une session peuvent être importantes mais ils n’atteignent pas un haut taux de participation des membres en général faute de temps pour mobiliser et informer massivement l’ensemble du mouvement étudiant et de coordonner efficacement le mouvement. Cette escalade de moyen de pression doit prendre forme de la manifestation d’une journée, passant par des ultimatums publics au gouvernement, à des perturbations d’évènements publics du gouvernement jusqu’à la grève d’une journée et en tout dernier lieu, à la grève générale illimitée. Lors de cette dernière, il faut aussi miser sur une escalade des moyens en se gardant de ne pas sortir la grosse artillerie en premier lieu. C’est là que graduellement, les moyens d’actions telles les occupations d’institutions, de bureaux gouvernementaux et du patronat, les blocus économiques des entreprises d’État seront à mettre de l’avant pour toujours augmenter la pression. Cette logique vise à renforcir la participation étudiante qui prendra conscience graduellement, de la nécessité d’entreprendre des moyens d’actions de plus en plus musclés afin de faire céder le gouvernement ou l’administration locale.

Le potentiel de politisation des luttes étudiantes

|La lutte étudiante économique (ex. système d’aide financière aux études, gratuité scolaire, etc.) ne peut se mener autrement que sur le terrain politique ayant comme ennemi numéro un l’État. C’est donc pourquoi il y a un énorme potentiel de politisation des luttes étudiantes car celles-ci sont une lutte contre le gouvernement qui a le contrôle de l’État. Ce conflit qui oppose le gouvernement au mouvement étudiant va faire naître graduellement dans la conscience des masses étudiantes les intérêts contradictoires entre les dirigeants d’État et l’organisation syndicale de combat. La multiplication des conflits entre l’organisation syndicale de combat réformiste (telle l’ASSÉ) et le gouvernement peut déboucher sur des crises politiques (ex. exiger la démission du gouvernement) et ainsi, sur des perspectives révolutionnaires. C’est que sans être révolutionnaire, une organisation réformiste se battant pour de réelles réformes n’est pas anti-révolutionnaire. Elle peut semer les germes sans en être la conscience développée et concrète.|

La nature politique de toute lutte économique étudiante est claire. Lorsqu’il est décrié que la part de financement public en éducation est insuffisante, que les coupures dans les programmes sociaux découlent d’un choix politique clair visant à déplacer la charge fiscale du ventre plein des entreprises vers le dos des individus et particulièrement ceux et celles des classes populaires, cette prise de position provient d’une conscience politique claire et est donc une lutte politique contre l’État et le gouvernement qui en a le contrôle. Il faut se rappeler que l’organisation syndicale de combat ne vise guère à prendre en main le pouvoir d’État et est au contraire, un contre-pouvoir tel que mentionné ci-haut.

C’est donc dans la pratique de la lutte que les étudiants et les étudiantes prendront conscience graduellement des intérêts contradictoires qui séparent ceux du gouvernement des nôtres. Ce n’est pas simplement un meilleur ‘‘pouvoir d’achat’’ de la ‘‘marchandise éducative’’ qui est exigée mais bien le droit à une éducation de qualité (voir section L’éducation comme droit social) et la suppression de son caractère élitiste et de plus en plus marchand. C’est une vision sociale de l’éducation qui est proposée et qui reste à développer. La multiplication des conflits, résultats d’un travail soutenu de mobilisation et de conscientisation de masse et d’une coordination nationale, est la clé du développement progressif d’une conscience politique affermie. Cela peut et va nécessairement déboucher sur une remise en question du pouvoir politique en place qui peut se traduire dans l’immédiat à exiger la démission du gouvernement en place et à une remise en question des autres partis ayant tant sabré le droit à l’éducation. C’est là un fort potentiel de crise politique.

Finalement, la critique des révolutionnaires qui affirment qu’une organisation nationale de combat telle que l’ASSÉ est réformiste et qu’elle ne représente donc pas un réel outil d’émancipation sociale est vraie mais cela ne doit pas justifier qu’on l’abandonne en tant que révolutionnaire et que l’on ne s’y implique pas. La contrainte principale à ce que l’ASSÉ ne soit pas révolutionnaire est qu’elle se veut une organisation de masse syndicale et que les masses ne sont tout simplement pas révolutionnaires. Une organisation syndicale révolutionnaire ne saurait donc être de masse en ce moment pour cette raison. Et de plus, celle-ci mènerait les mêmes batailles sensiblement mais aurait une perspective plus large et plus globale, l’abolition du capitalisme, ce qui serait souhaitable si on est révolutionnaire. Pour l’ASSÉ et pour toute organisation qui serait syndicaliste révolutionnaire, le combat pour le droit à l’éducation est et serait un combat pour une succession de réformes positives visant à améliorer concrètement la vie de ses membres. La seule distinction se trouvant dans la perspective à plus long terme du combat de l’organisation syndicale révolutionnaire. Mais doit-on refuser aux gens le droit de se munir d’un outil de défense (le syndicat de combat) afin de limiter l’exploitation du capitalisme et d’améliorer réellement la vie des membres sous prétexte que celle-ci n’a pas de perspective de transformation radicale de la société ? La réponse est non. Il existe un potentiel d’intégration au capitalisme dans l’existence de l’ASSÉ mais y réside également un potentiel de remise en question. La démocratie directe, l’autogestion des luttes, l’action directe sont tous des principes du syndicalisme de combat qui se dressent contre l’ordre établi et représentent les germes d’une société future. Cette perspective révolutionnaire des luttes de l’ASSÉ peut bel et bien exister sans être affirmée consciemment comme organisation réformiste car sans être révolutionnaire, elle n’est pas anti-révolutionnaire. C’est donc une possibilité qui demeure à construire par une implication à l’intérieur de ses murs et plus primordialement, à l’extérieur de ceux-ci. Le jour où des syndicats locaux auront des mandats anti-capitalistes, le syndicalisme révolutionnaire pourra peut-être naître et en tout cas, en sera le réel moment opportun pour ceux et celles qui aimeraient le bâtir.

Le rôle des groupes politiques et la radicalisation des luttes

L’expérience syndicale de combat mène à une politisation du militant ou de la militante et à une possible radicalisation de sa lutte, conséquence de la conscience qui naît des expériences vécues. Par contre, le discours de l’organisation de masse étant réformiste ici en parlant de l’ASSÉ, ceci est une contrainte à la radicalisation de la conscience politique. C’est pourquoi elle ne peut que venir de l’extérieur des murs de l’organisation par l’agitation des groupes politiques (partis, fédérations, groupuscules). Par contre, de tels types d’organisations politiques, en absence d’organisations de masse dynamiques, sont comme un poisson hors de l’eau : condamnées à l’asphyxie. Voilà pourquoi il faut s’impliquer dans les organisations de masses si ce travail politique veut avoir un sens et une efficacité. Ces différents modes d’organisation sont donc complémentaires et non rivaux malgré leurs différences d’analyses et de buts qui les animent.

Comme il a été mentionné plus haut, les luttes du syndicalisme de combat étudiant mènent à une politisation graduelle du militant et de la militante selon la conjoncture et peuvent mener à des perspectives révolutionnaires. Par contre, le syndicalisme a une contrainte avec laquelle il doit composer : la conscience étudiante. Si prendre telle ou telle position n’a pas l’appui majoritaire de ses membres, le syndicat n’assume plus ses fonctions ce que le groupe politique (ici révolutionnaire) peut faire car tout en voulant ralliant le maximum de gens, le groupe politique peut n’avoir que quelques membres pour fonctionner et faire son travail. C’est la fonction qui diverge entre les deux types d’organisation. Les deux types d’organisation peuvent être de masse seulement l’une y est obligée (le syndicat) et l’autre le souhaite sans en être obligée (le regroupement politique).

De plus, le parti politique veut prendre le pouvoir que ça soit par la légalité électorale ou par une révolution violente, ce que le syndicat ne veut pas. Ceci est une autre différence de fonction entre le syndicat et le groupe politique organisé sur une base de parti. Aussi, plusieurs regroupements politiques ont un programme général (sans être nécessairement électoral...) qui est en fait une liste de réflexions formulées en position politique tant au niveau de la santé, de l’éducation, du travail, de l’environnement, la sécurité publique et tant d’autres. Le syndicat n’aura souvent pas une vue aussi générale sur la société malgré que cela puisse être une possibilité et qu’il doit essayer de le faire autant que possible. Par contre, il y a une tendance dans les groupes affinitaires qui peut se consacrer uniquement que sur une bataille précise et avoir des analyses uniquement en lien avec cette lutte que ça soit au niveau de l’environnement ou la lutte contre le patriarcat.

Enfin, au-delà de leurs fonctions différentes, quelle doit être leur relation ? Le syndicat de combat devrait pouvoir mettre à la disposition de ceux et celles qui désirent fonder un comité d’action politique (CAP) révolutionnaire en milieu étudiant des ressources (local, financement, etc.). Aussi, par sa volonté d’être un mouvement de masse à travers un travail de mobilisation et d’information soutenue, le syndicat de combat offre ce qui est le plus important pour le groupe politique : de nombreux gens mobilisés et organisés qui luttent. Cela est l’humus sur lequel peuvent germer les idées révolutionnaires et c’est dans ce contexte qu’ils recevront la meilleure écoute. C’est pourquoi tout révolutionnaire conséquent devrait militer dans des organisations de masse pour réaliser les buts de celles-ci mais également, pour que son travail politique ait un sens et qu’il ait les conditions favorables pour l’effectuer. À l’inverse, le groupe politique doit informer par ses analyses propres les masses regroupées au sein du syndicat et intervenir dans les regroupements massifs d’étudiants et d’étudiantes tels à l’intérieur de l’institution ou dans les manifestations. C’est cela le travail du groupe politique en terme de radicalisation des luttes. C’est donc une relation de complémentarité qui doit exister entre les deux grandes formes d’organisation et non une rivalité qui ne fait que miner le travail des différents modes d’organisations respectifs.

Bibliographie

PIOTTE, Jean-Marc, Le syndicalisme de combat, Les Éditions Albert St-Martin, 1977, 267 p.

PIOTTE, Jean-Marc, Du combat au partenariat, Interventions critiques sur le syndicalisme québécois, Éditions Nota Bene,1998, 272 p.

DE LA FOUNIÈRE, Michel, BORELLA, François, Le syndicalisme étudiant, Éditions du Seuil , 187 p.

BÉLANGER, Pierre, Le mouvement étudiant québécois : son passé, ses revendications et ses luttes, ANEQ, 1984, 207 p.

MARSAN, Benoît, Pourquoi le syndicalisme étudiant dans « Recueil de textes sur l’histoire du mouvement étudiant québécois », ASSÉ, 2004, 104 p.



[1] Toute cette partie est largement inspirée par « La lutte étudiante », PIOTTE, Jean-Marc, Le syndicalisme de combat, Éditions Albert St-Martin, 1977, p.192-210

[2] Cette présentation des diverses tendances est inspirée par Syndicalisme de boutique, syndicalisme d’affaire et syndicalisme de combat, Du combat au partenariat, interventions critiques sur le syndicalisme québécois, PIOTTE, Jean-Marc, Éditions Nota bene, 1998, p.21-28

[3] Voir chapitre « Une pratique combative » section « approche confrontationnelle » pour une critique de la concertation et du lobbysme (autonomie des structures de l’État) et section « Le rôle des groupes politiques » pour une compréhension approfondie du pourquoi de l’autonomie face aux groupes politiques.

[4] Voir la section sur « Le potentiel de politisation des luttes économiques étudiantes » et sur « Le rôle des groupes politiques » pour un développement de l’idée des CAPs et de leur relation avec le syndicalisme étudiant de combat

[5] Voir la section sur l’organisation nationale pour une réflexion en profondeur sur la question