Par Martine Poulin, Lisanne Guay, Sandra Bérubé et Geneviève Gariépy
Depuis déjà quelques millénaires maintenant, on assiste à un discours marquant la supériorité masculine sur les femmes. Ce discours prend racine dans différents domaines tels que la médecine, la philosophie et la religion. Des hypothèses alors considérées scientifiques ou théologiques, les plus souvent émises par des hommes faisant figure d’autorité, furent acceptées comme étant des vérités, se répandirent et s’amplifièrent. Ainsi, des postulats prétendant que les femmes étaient inférieures découla une réalité dans les structures légales, ainsi que dans les mœurs sociales. Ce cycle inspira à son tour de nouvelles théories justifiant leur débilité biologique et intellectuelle, et ainsi de suite. C’est ainsi que les domaines prônant la supériorité des hommes sur les femmes s’étendirent à la psychanalyse, la politique, la littérature. Survolons quelques arguments et lois, selon une logique chronologique, ayant marqué l’histoire dans ce sens.
Antiquité
La première raison considérée véritable fondant l’infériorité féminine fut physiologique : "La femme est de nature humide, spongieuse et froide, alors que l’homme, lui, est sec et chaud." Cela nous vient d’Hippocrate, le père de la médecine, né à Cos en Grèce vers 466 av. J.-C. Les médecins actuels prêtent encore serment sur son nom pour pouvoir pratiquer. Sa doctrine reconnaissait également deux espèces de semences : une faible, la femelle, et une forte, mâle. Il faut prendre en considération qu’alors, ce constat était considéré comme scientifique. Deux siècles plus tard, Galien, médecin né en l’an 200, précise ce concept : "Celui qui est plus chaud est plus actif. L’animal le plus froid doit être plus imparfait que l’animal plus chaud. Les meilleurs sont ceux qui ont à la fois le sang chaud, ténu et pur, ce qui produit à la fois le courage et l’intelligence. Le froid et l’humide entraînent la faiblesse et la déraison. Donc dans l’espèce humaine, l’homme est plus parfait que la femme." Dans la même lignée, Aristote, philosophe grec de 322 à 384 ayant fondé la théorie du syllogisme et un des premiers à classifier les espèces animales, avança que le fœtus est produit par la rencontre du sperme et des menstruations : la femme est matière passive, alors que le principe mâle est force, activité, mouvement, vie. Il explique ce raisonnement par le fait que "la femelle est femelle en vertu d’un certain manque de qualités", et que "nous devons considérer le caractère des femmes comme souffrant d’une défectuosité naturelle". La théorie aristotélicienne continua à être acceptée tout au long du Moyen-Âge et jusque dans l’époque moderne. Au 6ième siècle, Pythagore, philosophe et mathématicien grec à qui on doit les tables de multiplications et le système décimal (sic), déclare "qu’il y a un principe bon qui a créé l’ordre, la lumière et l’homme, et un principe mauvais qui a créé le chaos, les ténèbres et la femme." Platon nous a aussi laissé ses idées sur la question des femmes : selon lui, amour, sexe et femmes ne font pas bon ménage avec la philosophie, puisque le philosophe est l’accoucheur de la vérité. On note ici l’appropriation masculine de la fonction reproductrice féminine en plus du rabaissement des femmes. Précisons que ces diverses théories avaient un impact légal important : dans le droit romain, les maris détenaient un droit de vie ou de mort sur leur femme. À peu près dans cette même période apparaissent le christianisme et ses arguments religieux. Les femmes y sont reliées au péché originel et considérées comme de potentielles propagandistes du diable, tentatrices du mal et du péché subordonnées à l’Homme. La Genèse (3.16, Bible, page 26) nous apprend ces paroles divines : "Je ferai qu’enceinte tu sois dans de grandes souffrances, c’est péniblement que tu enfanteras ton fils. Ton désir te poussera vers ton homme et lui te dominera." Aussi, l’Ancien testament ou La Siracide, (25, 24-26, bible, p.1370) enseigne que "La femme est l’origine du péché et c’est à cause d’elle que nous mourons [...] Si elle ne marche pas au doigt et à l’œil, sépare-toi d’elle et renvoie-la." Rappelons quelques faits : l’Église considère que l’enfantement est un devoir sacré et en conséquence, n’a jamais et ne reconnaît toujours pas, à l’heure actuelle, le droit des femmes à disposer de leur corps comme elles l’entendent par la contraception et l’avortement. L’évêque Saint Isidore de Séville (570-636) dépeignit ainsi les menstruations : "au contact de ce sang, les moissons ne germent pas, le vin surit, l’herbe jaunit, les arbres perdent leurs fruits, le fer est mangé de rouille et le cuivre s’oxyde. Si des chiens viennent à en avaler, ils deviennent fous. Même la colle bitumineuse, qui ne se laisse dissoudre ni par le fer, ni par les eaux, quand elle est polluée par ce sang, se désintègre." Le Coran dicte également ce genre de discours : "La menstruation est un mal. Tenez-vous à l’écart des femmes jusqu’à ce qu’elles deviennent pures." Aussi, selon la Charia, une femme mariée une première fois, même si elle est divorcée, commet un adultère si elle a des relations sexuelles sans être remariée. La grossesse est la seule preuve requise pour être reconnue coupable, peu importe la raison (viol par exemple). La sentence pour adultère (sic) est la mort par lapidation.
Moyen-Âge
Passons au 13ième siècle. Saint Thomas d’Aquin (1224-1274), théologien et philosophe italien, explique que "la femme ne correspond pas au premier dessein de la nature qui visait la perfection (l’homme) mais au second dessein, de même que la putréfaction, la difformité et la décrépitude". À cette même époque, les droits coutumiers de Bruges, Belgique, statuent que "si un mari violente sa femme, la larde de coups de couteaux, la blesse au ventre, à condition qu’il la recouse et qu’elle survive, il ne sera passible d’aucune peine." Saint Antonin écrit aussi que "Lorsque vous voyez une femme, ce n’est ni un être humain, ni une bête féroce, mais le diable lui-même." Évidemment, au Moyen-Âge et à la Renaissance, on permettait aux maris de battre leur femme.
18ième siècle
Les écrits et propos de Jean-Jacques Rousseau, (1712-1778) philosophe revendicateur de la liberté et de l’égalité, sont connus pour ses théories de l’être humain comme être fondamentalement libre, de perfectibilité et de bonté naturelle. Il écrit pourtant aussi que "soutenir vaguement que les deux sexes sont égaux et que leurs devoirs sont les mêmes équivaut à se perdre dans des déclarations vaines.", que "La femme a une destination propre, soit de faire des enfants. Elle a l’esprit peu brillant et peu profond, est passive, faible, possède un corps qui plaît aux hommes, est subjective, émotive et esclave de son corps et des passions", que la passivité dite féminine et vice versa pour l’homme sont des lois de la nature. Aussi, que "toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, leur rendre la vie agréable et douce : voilà les devoirs des femmes de tous les temps, et ce qu’on doit leur apprendre dès l’enfance." Bien que les femmes aient été exclues de cette idéologie jusqu’au 19ième siècle, des penseurs rationalistes tels que Poullain de la Barre et Condorcet publièrent un ouvrage sur l’égalité des sexes. Ils soutenaient la thèse "que l’esprit n’avait pas de sexe". Par la suite, durant le 18ième siècle, pas moins 300 ouvrages ont été publiés afin de réfuter cette thèse sur l’égalité.
19ième siècle
Napoléon 1er, empereur français et fin stratège militaire dont l’influence fût considérable sur le cours de l’histoire française, affirme que : "La nature destinait les femmes à être nos esclaves. Elles sont notre propriété. Elles nous appartiennent, tout comme un arbre dont la production de fruit appartient au jardinier."
C’est aussi lors de ce siècle que se répand la théorie scientifique du Darwinisme social. Elle est totalement différente du concept de sélection naturelle avancée par Darwin (voulant que les variations augmentent les chances de survie, étant retenues par la nature. Elles sont transmises aux descendants et engendrent de nouvelles espèces. Pour Darwin, cela signifie que l’espèce la plus adaptée à son environnement aura la meilleure chance de survie, et ce en partie grâce aux mutations entre les générations. Le biologiste précise et affirme également que la culture marque la fin du règne exclusif de la sélection naturelle, de la lutte à outrance pour l’existence). Le Darwinisme social, pour sa part, tire son origine des Anglo-saxons : le Royaume-Uni utilise et déforme les propos de Darwin dans le but de justifier l’empire colonialiste en Asie et en Afrique. Il propose les théories de hiérarchie biologique (existence de personnes étant biologiquement ou génétiquement supérieures, traits de caractère et caractéristiques physiques ou psychologiques d’origine biologique) et d’eugénisme (sélection des meilleurs sujets dans le but d’obtenir des êtres plus que parfaits). C’est l’application du darwinisme social dans les pays occidentaux démocratiques qui a conduit à l’Allemagne d’Hitler, à la stérilisation en Alberta de 2 844 personnes entre 1928 et 1972 et au Japon de 300 000 personnes entre 1948 et 1055 en vertu de loi sur l’eugénisme (la stérilisation fut presque en totalité pratiquée sur des femmes : schizophrènes, épileptiques, déficientes mentales, ayant des tendances criminelles, des désordres sexuels ou des malformations). Le darwinisme social est encore largement utilisé comme excuse pour légitimer les inégalités sociales, économiques, sexuelles en défendant l’existence et privilèges des élites. Il justifie un ordre social fondé sur la concurrence et la lutte pour la survie des meilleurs et considère l’exploitation, la violence, le meurtre et la guerre comme naturels et incontrôlables. Cette théorie est donc toujours très utile et répandue comme justification à l’oppression des femmes par les hommes.
C’est aussi durant ce siècle que Pierre Joseph Proudhon (1809-1865), philosophe révolutionnaire anarchiste, écrit que "La femme en elle-même n’a pas de raison d’être. Elle est une sorte de moyen terme entre l’homme et le reste du monde animal. Sans l’homme, elle ne sortirait pas de l’état bestial." Selon lui, aussi, "[s’adressant aux femmes] Soyez donc ce qu’on demande de vous : douce, réservée, renfermée, dévouée, laborieuse, chaste, tempérante, vigilante, docile, modeste et nous ne discuterons point de vos mérites. [...] et que l’énumération de tant de vertus ne vous effraye pas : c’est toujours la même au fond qui revient : soyez MÉNAGÈRES, ce mot dit tout."
Le médecin Fernand Widal (1862-1929), dont les travaux ont eu une grande influence sur la recherche médicale et biologique, a pour sa part averti que : "Le développement du baccalauréat pour les femmes serait dangereux pour la population."
C’est également le siècle où Friedrich Nietzsche, philosophe allemand (1844-1900), prétend que "[...] rêver qu’[hommes et femmes] puissent avoir des droits égaux, une éducation identique, les mêmes prétentions et les mêmes devoirs, est un signe infaillible de la platitude de l’esprit, [...que] l’homme intelligent doit considérer la femme comme une propriété, un bien qu’il faut mettre sous clef, un être fait pour la domesticité et qui n’atteint sa perfection que dans la situation subalterne. [...] Les mâles qui revendiquent l’émancipation de la femme sont des "crétins" qui veulent ravaler la femme au niveau de la culture générale et la transformer en pâle copie des hommes, c’est-à-dire l’obliger à lire les journaux et à faire de la politique." Aussi, il explique que quand une femme devient savante, c’est qu’il y a d’ordinaire quelque chose de déréglé dans ses organes sexuels.
Hegel, de son côté, nous prouve aussi que les théories d’Aristote n’ont pas perdu tout crédit puisque dans Philosophie de la nature, il écrit que les deux sexes doivent être différents : l’un sera actif, l’autre passif et il va de soit que la passivité sera le lot de la femelle. "L’homme est par suite de cette différenciation le principe actif tandis que la femme sera le principe passif parce qu’elle demeure dans son unité non développée."
Au sein du marxisme, on avance que l’infériorisation des femmes serait due à la naissance des surplus économiques et à l’apparition de la propriété privée (Engel instaura les théories égalitaristes au sein au marxisme). On y lie l’émancipation des femmes à leur participation à la production, et cette émancipation ne peut commencer que lorsqu’elles participeront à l’économie planifiée marxiste.
Au 19ième siècle, le droit anglais accordait aux hommes le privilège de châtier leurs femmes et de les détenir enfermées.
20ième siècle
Sigmund Freud (1856-1939), psychiatre autrichien et père de la psychanalyse, utilise lui aussi le déterminisme biologique : il reprend les pensées d’Aristote : cette situation existe principalement à cause de l’infériorité et défectuosité des organes génitaux. Il affirme donc que la femme reconnaît le fait de sa castration et avec cela, elle reconnaît aussi la supériorité de l’homme et sa propre infériorité. Diverses affirmations découlent de cela : les femmes sont moins agressives, moins opiniâtres, moins indépendantes que les hommes. Le masochisme est essentiellement féminin. Les femmes sont aussi plus envieuses, plus jalouses, narcissiques, vaniteuses et possèdent peu de souci pour la justice.
Le Code Napoléon, l’ancêtre du code civil du Québec précisait que les pères étaient propriétaires des femmes, propriété cédée aux maris un peu plus tard.
Otto Weininger (1880-1945), philosophe allemand, lui, nous éclaire sur la sexualité féminine : "De même que les organes sexuels sont du point de vue physique au centre de la femme, l’idée sexuelle est au centre de sa nature mentale. Le désir d’être coïtée est certes le plus violent que la femme connaisse. Il n’est cependant chez elle qu’une expression particulière d’un désir beaucoup plus profond, qui est que cet acte soit pratiqué le plus possible, où, quand et par qui que ce soit. L’idée du coït est le centre de sa pensée."
Dans le même genre, Jean-Paul Sartre (1905-1980), écrivain et philosophe français, existentialiste, nous lègue que "L’obscurité du sexe féminin est celle de toute chose béante : c’est un appel d’être, comme d’ailleurs tous les trous ; en soi la femme appelle une chair étrangère qui doive la transformer en plénitude d’être par pénétration et dilution." Il est difficile de ne pas voir dans ces dernières citations la légitimation des viols...
Les fondateurs de la criminologie actuelle, G. Lombroso et G. Ferrero, historiens et criminologues italiens (1871-1943), établissent que "la femme normale a beaucoup de traits de caractère qui la rapprochent du sauvage, de l’enfant et par conséquent du criminel de par leur faculté de se mettre en colère, vengeance, jalousie, vanité."
En 1966, le prêtre rappelait encore à la femme lors de la cérémonie du mariage cette parole de Paul : "Que la femme soit soumise à son mari comme elle l’est à son seigneur."
Du côté politique, Hitler a également utilisé, dans le Discours de Nuremberg, cet argument : "Le juif nous a volé la femme par sa volonté de démocratie sexuelle. Nous, les jeunes, avons pour tâche de tuer le dragon pour nous réapproprier ce qu’il y a de plus sacré sur terre, la femme en tant que servante et domestique."
Un autre homme politique connu, Jacques Chirac (1932- ), Président de la France, a déclaré que "la Caroline du sud est l’un des derniers endroits où l’on conserve le sens de la façon dont on doit élever les jeunes filles."
Les arguments, hypothèses, déclarations misogynes dans les domaines philosophique, scientifique, politique, psychanalytique, littéraire, sociologique sont extrêmement nombreux. Ils viennent souvent de personnages historiques scientifiques, progressistes, de gauche, même dits révolutionnaires et pas que de droite, conservateurs ou tenants de croyances spirituelles. Ceux présentés ici ne sont qu’un aperçu de ce qui est répertorié. N’ayant pas la possibilité d’approfondir sur tous les points de l’oppression des femmes pour ne pas trop alourdir un sujet très complexe et à facettes multiples, le côté pratique et légal découlant de toutes ces positions sexistes n’est pas très présent. Toutefois, il est important de rappeler que les conséquences sur la vie des femmes, leur traitement et leur statut furent réelles et multiples. Nous vous encourageons fortement à approfondir vos connaissances sur ce plan.
Le 20ième siècle fut fertile concernant les avancées légales pour les femmes. Toutefois, ce qui a été gagné sur le plan légal le fut à force de dures et longues luttes menées par ces dernières et, souvent, l’application pratique des changements théoriques resta longtemps lettre morte ou fut très longue à établir. La réalité concrète de ces changements n’est d’ailleurs dans bien des cas toujours pas instaurée aujourd’hui, quoique généralement en progression.
1929, les femmes obtiennent le statut de personne à part entière au Canada. Les femmes n’étaient pas considérées comme des personnes au sens de la loi. Le droit de vote leur était refusé. Il y avait interdiction de posséder une propriété privée.
1940, les femmes obtiennent le droit de vote et d’être élues au Québec.
1960, les Québécoise ne doivent plus obéissance à leur mari.
1964, les Québécoises obtiennent la capacité parentale, le droit de signer un bail, de gérer le patrimoine et de participer à la direction de la famille.
1975, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec inclut les droits à l’égalité, à la sécurité, à l’intégrité et à la liberté de la personne. Un tel cadre légal constitue une possibilité importante pour la reconnaissance du droit des femmes.
1976 le Canada signe le Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipulant que toutes les personnes sont égales et ont droit à une égale protection
1981, le Code civil canadien institut l’égalité entre les conjoints et conjointes
1981, le Canada signe la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes
2 novembre 1981, l’Article 33 permet au gouvernement de toutes les provinces d’outrepasser les droits inscrits dans la Charte, incluant les droits à l’égalité contenus dans les articles 15 et 28.
Article 15 :
(1) La loi ne fait pas exception de personne et s’applique à tous et tous ont droits à la même protection et aux mêmes bénéfices de la loi, indépendamment de toute discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.
(2) Le paragraphe 1 n’a pas pour effet d’interdire les lois, programme ou activités destinées à améliorer la situation d’individus ou de groupes à favoriser la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.
Article 28 : Indépendamment des autres dispositions de la présente Charte, les droits et liberté, qui y sont garantis également pour les sexes.
Les femmes ont réagi très fortement à cette annonce. Suite à leur mobilisation, le 24 novembre 1981, Jean Chrétien annonce l’annulation d’adopter cette dernière clause dans l’article 28 qui garantissait l’égalité pour les deux sexes.
1982, la Charte canadienne des droits et libertés de la personne instaure l’égalité femmes/hommes.
1983, le Code criminel considère le viol conjugal comme un crime. Avant cette date, dans un cadre marital, la femme devenait pour ainsi dire la propriété sexuelle de l’homme et n’avait aucun droit de regard sur le quand/comment de ses désirs. L’agresseur n’était légalement pas un agresseur. De plus, même si les conjoints n’habitaient plus ensemble, l’époux demeurait selon la loi époux et par le fait même, il continuait toujours de jouir d’avoir son ex-conjointe comme propriété sexuelle. Ces modifications sont les fruits du travail militant des groupes féministes des années 1970. Toutefois, malgré cette loi, même aujourd’hui, en pratique le viol dit de fréquentation est souvent non reconnu comme tel tant par l’agresseur, la victime que par les autorités légales et est un des moins rapportés malgré que ce soit un des plus fréquents types d’agression sexuelle.
1985, adoption d’une loi stipulant que proférer des menaces "en personne" constitue un crime alors qu’auparavant, ce délit se limitait à du harcèlement au téléphone.
1986, Entrée en vigueur de la politique d’intervention en violence conjugale : création d’équipe d’intervention spécialisées de procureur-e-s de la couronne pour intervenir en cas de violence conjugale. Auparavant, la police se contentait d’amener le conjoint violent, souvent en état d’ébriété, au poste de police en attendant que celui-ci se calme puis le renvoyait chez lui.
1989, malgré les nouvelles chartes québécoises, canadiennes nouvellement adaptées, l’égalité des femmes n’est toujours pas inscrite dans le Common Law (législation britannique inscrite dans la constitution).
1992, les comportements de conjoints violents, comme le harcèlement criminel, peuvent faire l’objet d’une accusation, ce qui n’était pas le cas avant cette date.
1993, le projet de loi sur le harcèlement criminel prévoit une peine maximale de 5 ans. Par contre, en 2002, la sentence sera révisée à une possibilité de 10 ans de prison.
1995, instauration d’une nouvelle politique gouvernementale du Québec en matière de violence conjugale, une politique unique au Canada dans le sens où il y a concertation des ministères et par son approche globale :
1995, (recul légal) le gouvernement décide d’accorder plus de latitude quant à l’abandon des poursuites à la demande des victimes.
Novembre 1997 entrée en vigueur de la Loi sur l’équité salariale : attribuer à des emplois traditionnellement occupés par des femmes un salaire égal à celui d’emplois traditionnellement occupés par des hommes, même si ces emplois sont différents, pourvu qu’ils soient de valeur identique.
1999, Modification importante du Code criminel concernant la protection des victimes et des témoins. Dans le passé, au Canada, une personne est jugée innocente jusqu’à preuve du contraire, donc ne peut être gardée en prison. Si le fait que la personne accusée risque de ne pas se présenter à la Cour ou que celle-ci représente un danger pour le public. Pour la première fois dans l’histoire canadienne, la Cour inclut en tant que public les victimes et les témoins.
Il est difficile faire une synthèse globale de la situation des femmes car les domaines impliqués sont nombreux et complexes. Nous présentons donc ici un survol se limitant à quelques sujets, et restant à l’intérieur du cadre de la situation canadienne.
Travail salarié
De manière globale, la situation des femmes est en constant progrès dans ce qui relève de la sphère du travail. Cependant, elle est également toujours en écart assez spectaculaire comparé à la situation des hommes. Voici une présentation des tendances générales, tirées du plus récent rapport de Statistique Canada publié sur ce sujet, "Femmes au Canada : une mise à jour du chapitre sur le travail", datant de 2003.
1. Plus de femmes occupent un emploi
Il y a eu une augmentation spectaculaire de la proportion de femmes dans la population active rémunérée. En 2003, 57 % des femmes de 15 ans et plus occupaient un emploi vs 42 % en 1976, alors que les hommes ont vu leur proportion chuter : 68 % en 2003 vs 73 % en 1976. Les femmes représentent donc 47 % de l’ensemble des travailleurs et travailleuses en 2003 vs 37 % en 1976. Toutefois, ces niveaux d’emplois fluctuent au sein du pays : au Québec seulement environ la moitié des résidentes (55 %) occupaient un emploi en 2003. Aussi, dans l’ensemble des provinces, les femmes sont proportionnellement beaucoup moins nombreuses que les hommes à faire partie de la population active rémunérée. En 2003, l’écart entre la proportion d’hommes et femmes occupant un emploi variait entre 12 et 6 points de pourcentage, se situant à 11 % de différence dans le cas du Québec.
2. Les possibilités d’emploi augmentent avec le niveau de scolarité
Fait peu étonnant, les possibilités d’emploi des femmes augmentent de façon drastique en fonction de leur niveau de scolarité. Par contre, quel que soit ce niveau de scolarité, elles sont moins susceptibles que les hommes d’occuper un emploi, bien que l’écart s’amenuise chez les plus scolarisées. Parmi les titulaires de diplôme universitaire, 74 % des femmes occupaient un emploi en 2003 vs 78 % des hommes. Dans la catégorie des titulaires d’un certificat ou d’un diplôme non universitaire, 69 % des femmes occupaient un emploi vs 78 % des hommes. Pour la catégorie des gens n’ayant pas dépassé la neuvième année, les femmes étaient environ la moitié moins susceptible d’occuper un emploi que les hommes, dans un rapport de 15 % pour 31 %.
3. Le taux d’emploi chez les femmes ayant des enfants augmente
L’augmentation sur ce point est spectaculaire. En 2003, le taux d’emploi des femmes ayant des enfants de moins de 16 ans à la maison s’établissait à 72 % vs 39 % en 1976. Aussi, il y a proportionnellement beaucoup plus de femmes ayant de jeunes enfants sur le marché du travail qu’en 1976. Toutefois, on note encore le même lien marqué entre l’âge des enfants et la présence sur le marché du travail : plus l’enfant est jeune et moins la mère sera présente sur le marché.
4. Les mères seules sont moins susceptibles d’occuper un emploi
En 2001, 81 % des familles monoparentales étaient dirigées par une femme
Les mères seules sont proportionnellement moins nombreuses à occuper un emploi que les femmes faisant partie d’une famille biparentale. En 2003, 68 % des mères seules ayant des enfants de moins de 16 ans à la maison occupaient un emploi comparativement à 72 % des mères biparentales. C’est un changement majeur aux années 70, où les mères seules avaient plus tendance à occuper un emploi que celles ayant un conjoint. La présence d’enfants jeunes a aussi plus de répercussion sur une mère seule qu’une ayant un conjoint. Seulement 47 % des mères seules avec un enfant de moins de 3 ans travaillaient en 2003, vs 65 % dans le cas de celles des mères de familles biparentales.
5. Beaucoup de femmes occupent un emploi à temps partiel
Depuis la fin des années 1970, 7 femmes sur 10 travaillent à temps partiel. En 2003, c’est 28 % de l’ensemble des femmes de la population active rémunérée qui travaillent à temps partiel, comparativement à seulement 11 % chez les hommes. Un grand nombre (1/5) des ces travailleuses à temps partiel ont déclaré qu’elle le faisaient en raison d’obligations personnelles ou familiales (cela comprend les motifs de devoir de s’occuper des enfants (13 %), et d’autres responsabilités familiales ou personnelles (6 %). Au total, seulement 2 % des hommes ont invoqué ces motifs...
6. Croissance du nombre de travailleuses autonomes
Il y a 2 % de plus de travailleuses autonomes qu’en 1976 en 2003, soit 11 %. Par contre, elles restent moins nombreuses que les hommes, représentant 34 % des gens travaillant de manière autonome.
7. Les travailleuses se retrouvent encore dans des professions traditionnellement occupées par des femmes
En 2003, 70 % de l’ensemble des femmes occupées travaillaient dans les domaines de l’éducation, des soins infirmiers et d’autres professions du domaine de la santé, du travail de bureau ou d’administration, des ventes et des services, alors que seulement 31 % des hommes occupés travaillaient dans ces domaines.
Même si la proportion des femmes travaillant dans des domaines traditionnellement occupés par des femmes a lentement diminué au cours de la dernière décennie (en 2003, 70 % des femmes occupées se retrouvaient dans un de ces domaines, comparativement à 74 % en 1987), ce n’est qu’attribuable au déclin de la proportion des employés de bureau et des services administratifs de sexe féminin. (24 % en 2003 vs 30 % en 1987). Les autres domaines (éducation, soins infirmiers, vente et services) ont peu fluctué durant cette même période. Ces domaines ont toujours une énorme proportion de femmes dans leurs effectifs totaux. Les femmes représentaient en 2003 88 % du personnel infirmier et des thérapeutes, 75 % des commis de bureau et des services administratifs, 63 % du personnel enseignant et 59 % du secteur de la vente et des services. La représentation féminine s’est tout de même améliorée dans plusieurs domaines professionnels, notamment ceux des affaires et des finances, des spécialistes du diagnostic et du traitement dans les domaines de la santé, des sciences sociales et des sciences religieuses.
La proportion des femmes occupant des postes de gestion a aussi augmenté, passant de 29 % en 1987 à 35 % en 2003. Elles sont cependant beaucoup plus présentes parmi les gestionnaires de niveaux inférieurs que supérieurs. En 2003, seulement 24 % étaient des cadres supérieurs, alors qu’elles constituaient 36 % des cadres d’autres niveaux.
Elles sont également toujours très minoritaires dans les professions de sciences naturelles, du génie et des mathématiques. En 2003, seulement 22 % des personnes travaillant dans ces domaines étaient des femmes, ce qui a peu changé depuis 1987 (17 %). Il est en outre peu probable que cette représentation change dans un avenir proche, considérant que le nombre d’inscriptions universitaires féminines dans ces domaines reste relativement faible.
8. Les femmes ont moins de gains monétaires que les hommes
Malgré que l’augmentation des salaires des femmes ait davantage augmenté de 1991 à 2001 que celui des hommes (12 % d’augmentation comparativement à 11 %) les femmes gagnaient toujours beaucoup moins qu’eux. Les gains provenant d’un emploi représentaient le ¾ du revenu individuel, le reste étant composé de revenus de placements, transferts gouvernementaux et autres revenus telles les pensions. En 2001, les hommes gagnaient en moyenne près de 38 000 $ par année et les femmes, 24 700 $.
9. Les femmes ont une rémunération inférieure aux hommes pour les mêmes niveaux de scolarité
Les gains annuels moyens des hommes titulaires d’un diplôme universitaire étaient établis à près de 72 000 $. Depuis 1980, il s’agit d’une croissance de 7,7 %. Les femmes titulaires d’un diplôme universitaire ont eu une croissance plus grande (9,3 % depuis 1980) quoique ayant une moyenne des gains annuels de 48 260 $.
10. Le salaire horaire des femmes est inférieur à celui des hommes
En 2001, le salaire horaire des femmes ne correspondait qu’à 81 % de celui des hommes. L’écart s’accentue dans le cas du revenu annuel moyen : les femmes travaillant à temps plein toute l’année en 2001 ne gagnaient que 72 % du salaire de leurs homologues masculins. La différence s’explique entre autres par le fait que les hommes travaillent en moyenne 4 heures de plus par semaine que les femmes (stable de 1976 à 2000). De 2000 à 2002, on est passé à un écart un peu en dessous de 4 heures. Aussi, les hommes ont souvent davantage d’expérience reliée à l’emploi que les femmes, ils ont tendance à exercer des professions mieux rémunérées, ils ont une plus grande ancienneté professionnelle et ils travaillent un plus grand nombre d’heures. Ils ont aussi tendance à occuper des emplois comportant plus de tâches de supervision.
Travail non rémunéré
Les tâches ménagères, ont été largement assumées par les femmes historiquement et le sont toujours. Ces tâches sont pourtant du travail et sont nécessaires au maintien du standard de vie. Toutefois, une forte division est généralement admise entre le travail salarié et ces tâches, à présent définies par le terme travail non rémunéré. Mais nous n’assistons pas qu’à un problème de division du travail hommes/femmes : le problème est surtout que cette division place les hommes en position de supériorité et les femmes en position subordonnée, tant sur le point salarial que sur celui de la reconnaissance sociale et de l’émancipation par un statut professionnel. Le salaire et le statut professionnel sont de surcroît intimement liés à la hiérarchie familiale et/ou sociale. De plus, la non considération du travail non rémunéré comme étant du "vrai travail" ; sa banalisation, impute une double journée de travail aux femmes à qui reviennent toujours ces tâches. Les tendances :
11. Les femmes consacrent 2.7 fois plus de temps que les hommes à faire des tâches ménagères typiquement féminines (préparation des repas et nettoyage après les repas, ménage et lessive et soins aux enfants).
12. Les hommes consacrent 2 fois plus de temps que les femmes à faire des tâches typiquement masculines (entretien et réparations)
Hommes | Femmes | |
Heures par jour | Heures par jour | |
Prép. des repas/nettoyage après les repas | 0,4 | 1,1 |
Ménage et lessive | 0,3 | 1 |
Entretien et réparations | 0,2 | 0,1 |
Soins aux enfants | 0,3 | 0,6 |
Santé : Serviettes sanitaires et tampons
Le marché capitaliste, combiné au laisser-aller légal vis-à-vis des femmes, apporte aussi sont lot de problèmes. Le cycle menstruel des femmes est une réalité incontournable. Les femmes modernes connaissent toutes les serviettes sanitaires et tampons, et les considèrent d’ailleurs de manière générale comme leur seule option depuis le temps des linges et mousses au fond des sous-vêtements. Pourtant, plusieurs faits restent dans l’ombre. Les tampons et serviettes sanitaires sont blanchis au chlore, ce qui est un procédé largement répandu dans l’industrie des pâtes et papiers. Le chlore y laisse lors de l’opération des traces de dioxines, un composé organochloré hautement toxique. À vrai dire, c’est le composé chimique le plus toxique connu : une seule goutte suffit pour tuer 1 000 personnes. La dioxine se bio accumule dans le système, ce qui veut dire qu’elle s’attache aux tissus adipeux (les graisses) et n’est jamais évacuée. Précisons que le vagin est la partie la plus absorbante du corps, surtout lors des menstrues. La dioxine y est donc directement absorbée et s’incruste. Les compagnies telles que Tampax, achetée par Proctor and Gamble en 1997 et détenant plus de 55 % du lucratif marché de l’hygiène féminine, déclarent que leurs produits ne sont pas nocifs car la dioxine y serait en petite quantité. Toutefois, il n’existe aucune législation gouvernementale qui oblige à tester les nouveaux produits. Est-il légitime que Proctor and Gamble, compagnie entre autres connue pour ses controversés test sur des animaux, décide du taux de produit chimique cancérigène sécuritaire pour nous... alors que son but premier est de faire des profits et qu’il n’existe aucune législation pour régir ses produits ? Aussi non seulement nous ne savons pas quelle quantité de dioxine nous assimilons et ses risques réels, mais nos serviettes et tampons ne sont pas, comme la croyance populaire le veut, stérilisés. Ils ne sont que blanchis. C’est d’ailleurs la raison pourquoi le gouvernement taxe tant ces produits essentiels, alors que les baumes à lèvres et autres produits stériles sont exemptés de taxe.
Maternité
Le contrôle des naissances a été largement manipulé à travers l’histoire. Il fut, dépendamment des contextes, interdit ou imposé, par l’État ou par la religion, ce qui a entraîné la soumission des femmes à des besoins politiques ou idéologiques. On peut dépeindre l’exemple du Québec qui a vécu une période de politique de natalité pour les besoins de colonisation. Les filles du roi servaient à ce but précis : assurer un rôle foncièrement reproducteur. L’influence de l’Église catholique a également joué un rôle dominant dans ce genre de courant nataliste et de réduction au rôle reproducteur des femmes dans sa vision sacrée de l’enfantement. Elle utilise entre autres l’argumentaire pro vie, l’aide monétaire à des jeunes filles ou femmes ne désirant pas garder l’enfant en raison de viol, situations précaires ou risque de santé grave pour la mère, l’interdiction de toute pratique contraceptive, désinformation sur l’utilisation des contraceptifs, etc... Dans d’autres cas, notamment dans les pays en voie de développement, on assiste à la tendance contraire, où des politiques antinatalistes imposent la stérilisation forcée ou la prise de contraceptifs encore à l’essai, sans donner aux femmes visées l’accès à des informations concernant les effets secondaires ou conséquences de tels traitements. L’adoption de ce genre de pratique est d’ailleurs souvent une condition de pays développés pour accéder à leur aide économique, dans une logique tordue propre au capitalisme d’éliminer les pauvres plutôt que de travailler à régler les causes de la pauvreté. Bref, il ne fut pas rare - et ne l’est toujours pas - , historiquement, qu’on refuse aux femmes le droit de contrôler leur corps, on qu’on leur fasse subir des pressions énormes pour qu’elles se conforment aux desseins ou politiques utiles au pouvoir en place. Notons également quelques faits. Au Québec, l’avortement n’est toujours pas légal. Il n’est que décriminalisé. Les techniques d’avortement ne font toujours pas partie de la formation des médecins généralistes. Les médecins signent toujours le serment d’Hippocrate, stipulant qu’un docteur peut refuser toute pratique qui ne serait pas en accord avec ses valeurs morales. Le nombre des cliniques d’avortement est, au Québec, à la baisse. Finalement, la contraception coûte très chère. Bref, le contrôle des femmes sur leur corps est plutôt relatif, tant au point de vue des recours lui étant offerts que de son coût monétaire.
Femmes faisant partie de minorités visibles
Les personnes faisant partie de minorités visibles sont souvent opprimées. Dans le cas des femmes, les conséquences sont exacerbées selon leur sexe.
Les revenus des femmes des minorités visibles sont de 26 % de moins que les femmes de la population en général. La proportion pour les hommes des minorités visibles était de 18 % de différence avec les hommes de la population en général.
Le phénomène de la mondialisation est particulièrement problématique sur les femmes et des groupes ethniques spécifiques. À l’échelle planétaire, 80 % des gens dans la pauvreté sont des femmes, et celles-ci font pourtant le 2/3 des heures travaillées.
80 % des femmes autochtones vivant dans les réserves de l’Ontario ont subi des abus ou agressions sexuelles. On estime aussi que la violence conjugale est 8 fois plus répandue chez les familles autochtones que dans le reste de la population canadienne.
Les femmes handicapées sont encore plus vulnérables : 83 % de celles qui ont un handicap physique ou mental seraient agressées sexuellement au cours de leur vie.
Précisons que, dans le cas d’agressions sexuelles sur des immigrantes, la peur de la dénonciation est souvent aggravée par le racisme. Dans celui des femmes handicapées physiquement ou mentalement ou en difficulté d’apprentissage, elles sont souvent considérées comme manquant de crédibilité.
Souffrir pour être belle
Les coutumes et pressions sociales ont depuis longtemps poussé les femmes à modeler leur corps à un idéal masculin au détriment de leur santé et de leur réalité. Qu’on pense entre autres aux corsets entravant la respiration et déformant le squelette, aux bandages chinois formant de petits pieds, aux colliers des femmes girafes, à l’excision et diverses mutilations génitales féminines, diverses tortures furent et sont encore acceptées car elles répondent à un modèle à atteindre, deviennent gage d’une acceptation sociale. D’un côté on a assisté à ces tortures au nom du culte de la beauté, d’un autre à une démonisation et/ou criminalisation de ce qui amenait une liberté de choix aux femmes (contraception, avortement...). De manière générale, en Occident à l’époque actuelle, la décriminalisation du corps des femmes est devenue synonyme d’une évolution de leur statut dans la société (pensons à l’avortement, la prostitution, les mères porteuses...) puisqu’elle permet de s’émanciper du seul rôle de mère. Cependant, nous assistons également à l’inverse, prôner la criminalisation, sur le point des mutilations génitales féminines. Ce qui peut paraître de prime abord logique (criminaliser les tortures normées et décriminaliser ce qui relève du contrôle personnel) est pourtant inquiétant. En effet, l’excision et l’élongation du clitoris sont considérées des crimes au Canada, même chez les femmes consentantes, mais on pourrait s’interroger sur cette loi : est-elle une victoire ou un autre piège légal n’amenant finalement qu’une marginalisation des femmes immigrantes déjà dans une situation difficile, risquant de les faire envoyer devant la justice ou en prison ? Mais penchons-nous simplement sur l’hypocrisie de cette loi visant à régir les mutilations sexuelles féminines. Adaptée au politically correct occidental, cette loi condamne les conséquences logiques d’un idéal féminin d’une culture qui nous semble incompréhensible puisque antagoniste à notre modèle local, différent et normal à nos yeux, quoique tout aussi artificiel et dangereux. Il y a une incohérence flagrante entre les lois, la "libération" des femmes et la réalité. Ici, le modèle féminin a changé. La réforme découlant de l’entrée en masse des femmes sur le marché du travail a changé leur situation, mais les vieux stéréotypes perdurent et de nouveaux y sont juxtaposés : en plus d’être une bonne mère et une ménagère hors paire, on se doit de réussir une carrière, d’être un canon de beauté, d’être libérée sexuellement, d’aimer le sexe et d’atteindre l’orgasme à tous coups. Les femmes doivent réussir sur tous les fronts et mordre dans la vie, et entrer dans un cadre physique déterminé. Il est simple de voir ce modèle : dans les publicités, dans les films, dans les vidéoclips...des domaines où étrangement, les producteurs et réalisateurs sont des hommes. Cette tendance donne une vision inexacte et irréelle du rôle occupé par les femmes et de leur corps. L’effet se fait sentir. Talons hauts dangereux pour la colonne, sexualisation précoce, maquillage, régimes à répétition sont très acceptés quoique également extrêmement néfastes. La chirurgie dite "esthétique", accessible dès l’âge de 14 ans avec approbation parentale, est aussi chose courante. Celle se rapprochant le plus des MGF est l’agrandissement des grandes lèvres. Ayant commencé à se pratiquer dans les années 1990 aux États-Unis (Californie), passant du milieu pornographique à la population en général, son but avoué est d’augmenter le plaisir de la femme. Toutefois, dans le cas d’un échec, la femme risque à 50 % de perdre toute sensibilité. Cette pratique a les mêmes effets néfastes que la majorité des MGF quoique durant moins longtemps. Dans le cas d’échec notamment, on risque d’avoir un vagin difforme, de perdre toute sensibilité, d’avoir des douleurs vaginales chroniques... Autre parallèle avec les MGF, le contrôle des praticiens de chirurgies esthétiques laisse largement à désirer. On tente de nous faire croire que les femmes s’émancipent en jouant sur une façade légale et l’opinion publique, alors que la pression sociale et le modèle standardisé poussent encore une fois à l’historique charcuterie du corps des femmes. Ce n’est pas l’excision ou l’élongation du clitoris qui sont la problématique centrale, mais bien le modèle et le rôle stéréotypé et normé en dehors du réel des femmes dans une culture. Ici la culture est différente, donc nos normes aussi, conséquemment les effets diffèrent mais restent dans la même sphère : on tente de transformer et de modeler les corps dans un but d’atteindre un standard répondant aux attentes des hommes qui le crée. Ce standard est si bien ancré qu’on l’intègre et l’accepte comme étant naturel.
Agressions sexuelles
Les agressions sexuelles sont un problème répandu. On définit l’agression sexuelle comme tout acte de nature sexuelle non désiré qu’une personne impose à une autre. Selon le Code criminel, cela peut aller des attouchements et des baisers non désirés à toute forme de pénétration ou d’attaques sexuelles qui blessent la victime ou mettent sa vie en danger. Il y a donc agression sexuelle même si aucune arme n’est utilisée et qu’aucune violence n’est commise. Il y a agression sexuelle chaque fois qu’une personne refuse d’avoir des rapports sexuels mais qu’elle y est forcée que ce soit dans un mariage ou une relation amoureuse ou rendez-vous amoureux (ces types d’agressions sont qualifiées de "viol de fréquentation") autant que dans le cas où l’agresseur est quelqu’un que la victime connaît ("viol commis par une connaissance"), que dans les cas d’inconnus. Quelques faits :
Les violeurs ne sont pas des maniaques sexuels ou incapables de contrôler leurs "pulsions" comme le veut la croyance populaire : des études démontrent qu’il s’agit d’hommes ordinaires, normaux, moyens. Dans 70 % des cas le violeur seul a prémédité l’agression. Dans le cas des viols collectifs, la préméditation est chiffrée à plus de 90 %.
La moitié de l’ensemble des Canadiennes (51 %) a été victime d’au moins un acte de violence physique ou sexuelle (depuis l’âge de 16 ans).
Près de 60 % des femmes qui ont été agressées sexuellement l’ont été plus d’une fois.
Une femme canadienne sur quatre sera agressée sexuellement au cours de sa vie
À propos des étudiantes : 20 % des jeunes filles au niveau secondaire et 4 femmes sur 5 au niveau universitaire auraient été victimes d’agressions sexuelles
60 % des hommes d’âge collégial admettent qu’ils commettraient des actes d’agression sexuelle s’ils étaient certains de ne pas être punis.
70 à 90 % des femmes qui font de la prostitution ont été agressées durant l’enfance par leur père ou un autre membre de la famille, versus 25 % dans la population féminine.
83 % des femmes internées dans un établissement psychiatrique ont déjà été agressées sexuellement.
Au Canada, les agressions sexuelles qui se produisent au sein d’un mariage ne sont illégales que depuis 1983.
Les femmes mentent rarement lorsqu’elles rapportent une agression sexuelle. Il est également reconnu que les agressions sexuelles sont rarement déclarées. Selon Statistique Canada, seulement 6 % des cas d’agressions sont signalés à la police.
Rappel que ce n’est qu’en 1983 que légalement le viol marital devient un crime.
1 % seulement des femmes qui ont été violées par une connaissance signalent l’incident aux autorités policières. En effet, dans ces cas, la victime ressent souvent un sentiment de culpabilité ; elle a peur de ne pas être crue et a honte d’avoir été violée. De surcroît, les services médicaux, policiers et judiciaires, ainsi que les autorités politiques, refusent parfois de reconnaître le viol survenu lors d’une relation amoureuse ou feignent de le considérer comme un crime.
Violence conjugale
D’abord, cette attitude se caractérise par le désir de contrôler l’autre. Elle peut prendre différentes formes telles que la violence physique, sexuelle, verbale, intimidation et insultes et la violence psychologique (pour ébranler la personnalité et la confiance en soi). L’agresseur (la féminisation est absente compte tenu des données ci-jointes prouvant clairement la non-symétrie de la violence même) installe donc un climat de menace ce qui provoquera la crainte d’une autre agression chez la victime. Il faut aussi que l’intention dominée soit présente et que cette situation persiste à travers le temps.
Au Canada comme aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Australie, 85 % des meurtres de conjoints sont commis par des hommes et 15 % par des femmes ça seraient plutôt 1 femmes sur 10.
Selon une étude sur la dénonciation policière les femmes se font violenter 35 fois avant leur première plainte.
14 % des agressions recensées ont été déclarées aux services policiers.
22 % des femmes agressées n’ont jamais dévoilé leur agression avant cette étude.
Le Ministère de la Sécurité publique affirme qu’en 2002, des 16 525 cas de violence contre la personne, 13 977 des victimes sont des femmes.
De plus, il faut se rappeler que l’ouverture des centres pour femme victime d’agressions sexuelles a amené la création de centres pour les femmes victimes de violence conjugale tandis que l’ouverture de ces mêmes centres pour hommes a découlé la fermeture de cette ressource, cinq ans plus tard, fautes d’usagés. Il faut donc se méfier de la symétrie de la violence tant clamée par les masculisnistes.
2.1.1 La pyramide de l’oppression
La pyramide de l’oppression est un moyen visuel de comprendre l’interaction entre les différents systèmes d’exploitation qui existent dans nos sociétés. Il sert ici à faire la démonstration de la présence du système patriarcal dans nos sociétés sur un même pied d’égalité que le système capitaliste par exemple. Cet exercice sert donc à mettre de l’avant l’idée que les luttes féministes sont liées aux différents combats menés par la gauche militante - y compris la lutte pour le droit à l’éducation menée au sein de l’ASSÉ - tout en étant une cause à part entière et indépendante.
Le capitalisme
Le premier côté de la pyramide est réservé pour le système capitaliste. Il s’agit pour nous du système d’oppression le plus évident. Ce système, où règne la loi du plus fort (et parfois de la plus forte) est source d’inégalités flagrantes : 225 personnes sur la planète ont un revenu équivalent à 47 % de la population mondiale, soit 2,5 milliards de personnes ; la fortune des 3 personnes les riches du monde est supérieure au PIB des 48 pays les plus pauvres ; "(...) 841 millions de personnes sont sous-alimentées dans le monde, (...) [dont] la majorité sont les enfants de moins de 5 ans, notamment les filles, les femmes en âge de procréer et les familles à faibles revenus, notamment [celles] dont le chef est une femme."
Il n’est pas besoin de s’étendre indéfiniment en statistiques de toutes sortes pour montrer que ce système se nourrit des inégalités qu’il engendre et que les femmes se retrouvent souvent au bas de la hiérarchie capitaliste. Incapable de fournir le minimum nécessaire à la survie de chacune et chacun, ce système favorise la richesse de quelques personnes, écrasant la masse des plus pauvres.
L’impérialisme
Le second côté de notre pyramide représente l’impérialisme en tant que système d’exploitation économique mais aussi en tant que système basé sur le racisme. Pourquoi pas simplement parler de racisme ? Parce que le discours dominant s’est beaucoup "raffiné" depuis la seconde guerre mondiale, la lutte pour les droits civiques aux États-Unis et la période de décolonisation. Le racisme n’est plus "scientifique", "normal", "naturel", "biologique". Il est au contraire aujourd’hui décrié. Pourtant, nous assistons dans le monde à une main mise économique de l’Occident sur le reste du monde (mis à part peut-être certains pays d’Asie qui connaissent une croissance économique fulgurante). Ce phénomène se reflète en particulier dans les disparités économiques nord-sud.
Bref, sous couvert d’investissements économiques dans des pays dits "sous-développés" (selon les standards occidentaux), les grandes compagnies exploitent le sud pour le confort des gens du nord, pillent les richesses naturelles et ne laissent que désolation et misère.
Le capitalisme et l’impérialisme sont des systèmes que nous connaissons relativement bien, que nous pouvons nommer facilement et que nous décrions instinctivement parce que nous en connaissons les conséquences. D’autres systèmes sont plus cachés, plus insidieux. Ils sont invisibles et on n’en parle pas ou très peu pour deux raisons essentielles : parce que nous sommes victimes d’aliénation et/ou parce que nous en tirons profit.
L’hétérosexisme
L’hétérosexisme, le troisième côté de notre pyramide, est un de ces systèmes dont on ne parle pas. Il considère l’hétérosexualité, ses valeurs et ses pratiques, comme étant un des fondements de la société. En faisant de l’hétérosexualité la norme à suivre, ce système ne permet pas le libre choix en matière d’attirance sexuelle, il participe au maintien de la famille traditionnelle patriarcale, il joue un rôle important dans la conservation et la propagation des idées et comportements homophobes. L’hétérosexisme est aussi porteur de pratiques stéréotypées au sein des relations hétérosexuelles telles que la pénétration pénis-vagin comme étant la bonne "méthode" pour avoir une relation sexuelle, le reste n’étant que des préliminaires devant mener à cette finalité. Bref, il s’agit ici d’un système d’oppression envers les gais et lesbiennes victimes de la haine et des préjugés, envers les femmes qui subissent le diktat social des relations pénétrantes et même envers les hommes, qui ignorent souvent être eux aussi poly-orgasmiques comme les femmes.
En dernière analyse, l’hétérosexisme n’est pas si invisible. Il est même plutôt facile à comprendre et à cerner si l’on se réfère au Questionnaire de l’hétérosexualité ci-joint en annexe et aussi disponible sur Internet. Il offre des pistes de réflexion avec une bonne pointe d’humour et d’ironie.
Le patriarcat
Le dernier côté de notre pyramide représente le système patriarcal. Ce système est à la base des inégalités entre les hommes et les femmes puisqu’il régit les structures et les relations sociales au sein desquelles les hommes dominent et oppressent les femmes. Ce système est antérieur au capitalisme mais il a su s’y adapter de sorte qu’aujourd’hui, les deux systèmes s’alimentent l’un et l’autre. Ceci explique à la fois pourquoi certaines personnes (femmes et hommes) choisissent d’en faire une lutte commune qui est plus globale alors que d’autres choisissent d’en faire une lutte spécifique.
Notons que d’autres systèmes pourraient être ajoutés à notre pyramide puisque à eux seuls, ces quatre exemples choisis ne peuvent expliquer la place de chacune et chacun dans la hiérarchie mondiale. Nous considérons toutefois avoir présenté les systèmes parmi les plus importants.
Chacun des côtés de la pyramide ayant été exposés, il est désormais important de comprendre que les gens peuvent se situer à différents niveaux dans la pyramide, selon chaque système et que la situation de chacun et chacune n’est pas immuable. Se situent au sommet de la pyramide les hommes, blancs, hétérosexuels et riches. Prenons un autre exemple : plusieurs femmes, noires, américaines, se situant au bas de l’échelle capitaliste ont choisi, dans les années 1960, de lutter pour la cause des droits civiques parce que l’oppression la plus marquante qu’elles vivaient dans leur quotidien était le racisme. Toutefois, plusieurs de ces femmes se sont par la suite jointes au mouvement des femmes après avoir ressenti l’oppression patriarcale au sein mouvement de défense des droits des Afro-Américains et Afro-Américaines. Le même exemple s’applique aux féministes lesbiennes qui ont d’abord lutté au sein des mouvements féministes où elles y ont souvent vécu une forme d’oppression parce qu’elles étaient lesbiennes. Ceci les a menées à former des groupes de défenses des droits des lesbiennes, avec une analyse féministe.
Bref, la liste des exemples est longue. Ce qu’il faut retenir, c’est que ces systèmes travaillent ensemble à établir une hiérarchie entre les personnes de façon à maintenir l’ordre établi et que cet état de fait engendre les inégalités que l’on connaît. Pour lutter contre ces systèmes oppresseurs, il est nécessaire de théoriser leur fonctionnement pour ensuite organiser le combat. Nous procéderons de cette façon pour présenter les luttes féministes.
2.2.1 Les différents courants du féminisme
Être féministe c’est d’abord prendre conscience des inégalités entre les hommes et les femmes et de l’oppression vécue par ces dernières. C’est ensuite choisir d’agir contre cet état de fait. L’histoire a façonné plusieurs courants féministes qu’il convient de présenter ici. Il y a différentes façons de classer et de catégoriser les courants féministes. L’intérêt de celle qui vous est présentée ici est d’être simple et précise tout en apportant suffisamment de nuances. Elle peut toutefois être critiquée et remise en question.
Selon les sociologues F. Descarries et S. Roy, il existe trois (3) grands courants féministes, au sein desquels se greffent parfois des sous-branches. Le féminisme égalitaire, le féminisme radical et le féminisme de la "fémelléité" vous seront présentés ici. Il est à noter que d’autres courants existent en marge du mouvement féministe tels que la pensée marxiste-féministe, le séparatisme lesbien ou encore le néo-conservatisme féminin. Ce dernier courant se distingue d’ailleurs des deux autres en ce qu’il est un élément réactionnaire de droite qui ne cherche pas à théoriser l’oppression des femmes mais à la nier.
Féminisme égalitaire
Le féminisme égalitaire, ou libéral, ou réformiste est en quelque sorte le premier type de féminisme de l’histoire. Les premiers mouvements organisés tels que les suffragettes, et les groupes de pression pour les réformes légales (droit au travail libre, droit au salaire, droit d’être une personne civile à part entière, etc.) faisaient partie de cette catégorie. Aujourd’hui, on associe ce type de féminisme aux grandes organisations telles que la Fédération des femmes du Québec (FFQ), le Conseil du statut de la femme, le Comité national de la condition féminine de la CSN, etc.
Selon le féminisme égalitaire, la principale source de conflit entre les sexes est socioculturelle et viendrait des rôles socialement imposés par la division sexuelle du travail. C’est pourquoi ce courant revendique l’égalité de droit et de fait pour les femmes c’est-à-dire un accès égal à l’éducation, aux sphères du pouvoir économique et politique, à l’emploi, à toutes les ressources sociales, économiques et politiques, au contrôle du corps et de la reproduction, etc. Bref, les féministes égalitaires dénoncent l’iniquité salariale, les ghettos d’emplois féminins (infirmières, enseignantes, éducatrices, etc.) et favorisent les mesures de discrimination positive. Enfin, ce qu’elles préconisent d’abord et avant tout comme outil de changement social c’est l’éducation et la socialisation des jeunes filles.
Il est important de noter que le reférent du féminisme égalitaire, c’est-à-dire le modèle qui fait "autorité", ce vers quoi il faut tendre, c’est l’homme. Ce faisant, ce courant se ferme à une analyse plus profonde des attitudes machistes de la société et ne remet pas en question le système patriarcal. Ainsi, certaines femmes ont réussi à "faire comme les hommes" et ont pris le pouvoir : Margaret Thatcher et Condoleezza Rice sont les meilleurs exemples. Est-ce vraiment un succès ? Le féminisme doit-il se contenter de changer le genre des oppresseurs de la société ? Voilà une première critique à adresser à ce courant.
La seconde critique qui est souvent portée envers ce mouvement c’est d’avoir créé le mythe de la "super woman". Ce mythe stipule que les femmes ne doivent se priver de rien : elles peuvent faire carrière comme monsieur et aspirer aux mêmes pouvoirs et libertés économiques, politiques et sociales sans se priver de réaliser leurs "aspirations féminines" en fondant une famille et en devenant des mères et des épouses aimantes et attentionnées. Ce modèle de succès est pratiquement impossible à atteindre et le féminisme égalitaire est critiqué pour avoir mis la barrière trop haute pour les femmes. Mentionnons tout de même qu’un certain travail est effectué dans le but de renégocier le rôle de mère-épouse-ménagère afin de l’adapter à la réalité des travailleuses et d’enrayer le fardeau de la "super woman". Enfin, cette critique est souvent le fait de groupes conservateurs qui cachent difficilement leur souhait de voir les femmes retourner au foyer et nous devons donc nous en méfier.
Il faut toutefois reconnaître le principal avantage de ce courant : c’est celui qui a réussi à rejoindre le plus de femmes. Par sa stratégie concertationniste et son refus de briser les liens avec l’ordre établi, ce courant s’est assuré une présence stable et subventionnée au sein de notre société, ce qui a permis la production d’études sur les inégalités, leurs coûts et leurs conséquences.
Enfin, le féminisme égalitaire est placé aujourd’hui devant une lutte nouvelle puisque sa pertinence est contestée. Devant les changements énormes qu’a subis la société au cours des 30 dernières années, devant le succès des Thatcher et Rice, plusieurs remettent en question la pertinence du féminisme et de ses grosses machines subventionnées. Rappelons que le Conseil du statut de la femme du Québec est menacé alors que celui du Canada a été démantelé en 1995. La tâche de ce courant est donc de résister au mouvement de ressac qui frappe presque inévitablement tous gains féministes et de combattre à la fois les réactionnaires et la montée de la droite en mettant de l’avant les inégalités toujours persistantes. Il s’agit de se faire entendre et de montrer que, s’il y a eu progrès, il reste encore du chemin à faire.
Féminisme radical
Le féminisme radical se développe à la fin des années 1960 en réaction, d’une part au machisme de la gauche et d’autre part, à l’androcentrisme des sciences, en particulier des sciences humaines et de la psychanalyse. Les féministes radicales vont à la fois investir le milieu militant et le transformer pour répondre à leurs besoins et à leurs revendications, tout en prenant leur place dans les milieux intellectuels universitaires en créant des départements, des écoles et des chaires d’études féministes. Ce courant se développe simultanément en France et aux États-Unis et doit beaucoup au travail précurseur de Simone de Beauvoir, qui sert de base aux nouvelles théoriciennes.
Ce courant du féminisme peut se diviser en trois (3) branches, qui réunissent toutes les mêmes prémisses de départ qui permettent de les considérer comme étant "radicales" :
le patriarcat, en tant que système socio-économique-politique d’appropriation des femmes, est à la base des inégalités hommes-femmes ;
le corps des femmes est la marque sociale de l’appropriation privée et collective des femmes par les hommes ;
comme il existe des classes sociales, il existe aussi des "classes de sexe". La classe des femmes est la classe opprimée sur la base de son identité sexuelle, à des fins de reproduction biologique et de production économique.
Ce sont ces bases qui permettent de comprendre ce qu’est le féminisme radical c’est-à-dire un courant qui va à la racine du problème. Et cette racine est systémique.
Les objectifs du mouvement radical sont ambitieux, le premier étant l’abolition du système patriarcal et des rapports d’oppression. Ces féministes veulent aussi une redéfinition des rôles et des modèles sociaux en dehors des contraintes biologiques. Elles arguent en effet que l’infériorisation des femmes ne s’explique pas par des arguments d’ordre biologiques mais bien par des arguments sociaux.
Les féministes radicales vont donc choisir de prioriser la lutte des femmes afin d’atteindre leurs objectifs. Cette lutte doit d’abord être prise en charge et menée par les femmes. Elles vont aussi chercher à intégrer le vécu des femmes dans leurs démarches théoriques dans le but de faire des liens entre théories et actions. À ce titre, rappelons que ce mouvement s’est souvent organisé autour de groupes de discussions non-mixtes au sein desquels, pour la première fois, les femmes pouvaient mettre des mots sur des problèmes quotidiens vécus par toutes, mais qui restaient confinés au domaine du privé.
Le féminisme radical critique d’ailleurs cette séparation arbitraire entre le domaine public réservé aux hommes - milieu politique, monde du travail, des communications, etc. - et le domaine privé réservé aux femmes - la maison, l’éducation des enfants, les tâches domestiques, etc. C’est pourquoi leur leitmotiv est "le privé est politique" puisque derrière cette séparation se cache l’inégalité d’accès au domaine public et l’oppression gardée secrète de la mère-épouse-ménagère confinée au foyer. Voulant encore une fois allier théories et actions, les féministes radicales travaillent autant à dénoncer les éléments oppresseurs évidents du patriarcat, comme ceux plus subtils qui se passent jusque dans la chambre à coucher.
Enfin, contrairement au féminisme égalitaire, les radicales refusent de se définir par rapport aux hommes. Si leur référent est "la femme", ce n’est pas tant comme modèle à suivre mais comme sujet d’étude puisqu’elles préconisent la destruction des modèles et des rôles traditionnels définis par le sexe. C’est pourquoi elles vont plutôt analyser la famille, le mariage et la maternité comme étant des lieux d’oppression en tant qu’institutions du système patriarcal. La déconstruction sociale à laquelle participe le mouvement radical va heurter plusieurs femmes qui se conforment avantageusement aux normes sociales et qui recherchent des solutions à plus court terme dans le féminisme égalitaire.
Féminisme radical matérialiste
Le féminisme radical matérialiste est né d’un désir d’autonomie par rapport au socialisme et supporte l’idée que le système patriarcal ne soit pas qu’une simple idéologie du système capitaliste mais une entité à part entière. Le patriarcat est donc un système de relations sociales basé sur une hiérarchie entre les sexes, rendue possible par une solidarité entre les hommes qui leur permet d’avoir une autorité sur les femmes qui vivent une oppression individuelle et collective.
Ce courant du féminisme intègre les éléments du discours matérialiste pour appuyer son analyse. C’est pourquoi il utilise le concept de classe de sexes. Il est aussi à l’origine du néologisme "sexage" qui fait référence à l’appropriation totale de la personne physique et de sa force de travail basée sur son sexe. Ce terme est construit sur le modèle des mots "esclavage" et "servage" et tend à montrer que la classe des femmes est appropriée par la classe des hommes au même titre que l’esclave ou le serf et que cette appropriation est sanctionnée par les structures sociales existantes.
L’invention du terme "sexage" est appuyée par l’analyse des expressions particulières de l’appropriation des femmes que sont 1) l’appropriation du temps 2) l’appropriation des produits du corps 3) l’obligation sexuelle 4) la charge physique des membres invalides du groupe (bébés, enfants, vieillards, malades, infirmes). Il est intéressant voire essentiel de comprendre en détail cette analyse. Il est toutefois important de noter que beaucoup de changements sont survenus depuis l’élaboration des théories féministes radicales matérialistes et que, sans être désuètes, il est nécessaire de les réajuster au contexte actuel.
1. Appropriation du temps
À l’origine, l’auteure et féministe Colette Guillaumin expliquait que le mariage était l’élément qui venait sanctionner l’appropriation de la femme par l’homme. En comparant le contrat de mariage avec le contrat de travail, on se rend vite compte que le premier ne contient aucune mesure de temps, aucune limitation, aucun horaire, aucun congé, bref, qu’il est illimité. La femme mariée n’a pas un horaire fixe de 9 à 5, n’a pas de congé férié, ne prend pas sa retraite après quelques années de bons services. Le temps des femmes est donc approprié sans aucune limite jusqu’à la mort ou l’incapacité physique, ce qui vient confirmer la thèse du sexage.
Dans le Québec d’aujourd’hui, beaucoup de gens choisissent de ne pas se marier. De plus, la nature du contrat de mariage a énormément changé depuis les années 1970, sans toutefois que le caractère de temporalité ne soit modifié, si ce n’est que par la possibilité du divorce. Même si elles ne se marient plus, les femmes sont toujours aussi accaparées en termes de temps par le travail domestique. Si ce fait n’est pas consacré par un contrat légal, il est bien ancré dans les us et coutumes par la socialisation, comme le montrent les statistiques suivantes :
Moyenne quotidienne de temps consacré à diverses tâches reliées aux travaux domestiques, taux de participation et part des activités domestiques, selon le sexe et le genre de ménage, Québec, 1986, 1992 et 1998, extraits.
Sexe/Genre de ménage | |||||||
Temps consacré aux activités domestiques | Minutes par jour | ||||||
Part des activitités domestiques | Total des travaux domestiques | Total des travaux domestiques | Total des travaux domestiques | % | % | % | |
1986 | 1992 | 1998 | 1986 | 1992 | 1998 | ||
Homme de 15 ans et plus avec conjointe | 123 | 151 | 179 | 29 | 35 | 38 | |
Avec conjointe seulement | 123 | 142 | 155 | 35 | 41 | 38 | |
Avec conjointe et enfants de moins de 25 ans | 125 | 165 | 192 | 27 | 33 | 37 | |
Avec conjointe et au moins un enfant de moins de 5 ans | 148 | 200 | 232 | 28 | 33 | 37 | |
Avec conjointe et enfants de 5 à 19 ans | 127 | 174 | 153 | 29 | 38 | 34 | |
Femme de 15 ans et plus avec conjoint | 296 | 280 | 292 | 71 | 65 | 62 | |
Avec conjoint seulement | 231 | 202 | 249 | 65 | 59 | 62 | |
Avec conjoint et enfants de moins de 25 ans | 335 | 333 | 324 | 73 | 37 | 63 | |
Avec conjoint et au moins un enfant de moins de 5 ans | 382 | 407 | 398 | 72 | 67 | 63 | |
Avec conjoint et enfants de 5 à 19 ans | 305 | 279 | 295 | 71 | 62 | 66 |
Il y a évidemment plusieurs façons de lire ce tableau qui, par ailleurs, est incomplet puisqu’il manque les détails des travaux domestiques ainsi que le taux de participation à ces travaux. Quelques calculs rapides nous permettent toutefois d’établir que l’étude la plus récente et donc, la plus proche de nous en 2005, celle de 1998, démontre que, dans le pire des cas, une femme avec conjoint et enfants de 5 à 19 ans travaille 16h45 de plus par semaine que l’homme et, dans le meilleur des cas, une femme avec conjoint (sans enfant) travaille 11h00 de plus que l’homme. À ces heures passées aux travaux domestiques s’ajoute souvent un emploi rémunéré en dehors du lieu de résidence. Il faut donc en conclure que l’appropriation du temps des femmes est toujours une donnée actuelle qui confirme l’analyse féministe radicale matérialiste.
2. Appropriation des produits du corps
Encore une fois, les textes fondateurs de l’analyse radicale matérialiste ont été écrits à une époque révolue où les divorces se réglaient avec l’octroi de la garde au père-pourvoyeur, à condition que celui-ci n’ait pas disparu avec l’argent du ménage... L’enfant, en tant que produit du corps de la mère, appartenait donc de jure au père. Aujourd’hui la situation a changé. En 1997, les tribunaux octroyaient la garde des enfants à la mère dans 61 % des cas et au père dans 11 % des cas, la garde partagée étant favorisée dans 28 % des cas. Il est d’ailleurs important de noter que ces statistiques ne concernent que les cas de divorce qui se sont réglés devant les tribunaux et n’incluent pas les cas ou la garde des enfants s’est vue réglée à l’amiable entre les parents, ce qui arrive dans la grande majorité des cas.
Si les enfants n’appartiennent plus légalement au père, les parents partageant donc la responsabilité de l’éducation, certains éléments de notre société demeurent problématiques. Prenons l’exemple de certains hommes qui revendiquent la possession des enfants et non leur charge matérielle en refusant, par exemple de payer une pension alimentaire.
La question du droit à l’avortement est aussi problématique. Constamment ramenée sur la scène publique, que ce soit par une déclaration du pape contre l’avortement ou que ce soit la tenue d’un Congrès anti-choix (pro-vie) dont les conférenciers ne sont que des hommes, le droit des femmes de disposer librement de leur corps est inlassablement remis en question. En fait, c’est tout le contrôle du pouvoir reproducteur des femmes qui est géré par les systèmes patriarcal et capitaliste puisqu’en occident, on coupe dans l’accessibilité à l’avortement et aux cliniques de planning familiales en vertu d’une politique économico-nataliste tandis que dans les pays dits en développement, des politiques anti-natalistes ont imposé la stérilisation forcée à des millions de femmes. Bref, ce second élément d’analyse est lui aussi toujours d’actualité.
3. L’obligation sexuelle
L’obligation sexuelle est une forme d’appropriation physique directe des femmes. Son aspect le plus évident et le plus dommageable pour les femmes est le viol. Cet acte violent, qui n’a rien à voir avec la sexualité ni avec le désir est simplement un outil de contrôle direct du corps de la femme.
La prostitution est la deuxième forme d’obligation sexuelle imposée par le système patriarcal. Il s’agit ici d’un acte uniquement sexuel monnayé qui est limité en temps et codifié en actes, tel que négocié entre la prostituée et le client.
Enfin, le mariage est le troisième cas d’obligation sexuelle sous forme de contrat sexuel non monnayé. Jadis, l’acte sexuel était obligatoire dans le contrat de mariage et son non-exercice pouvait mener à l’annulation du mariage. C’est d’ailleurs encore le cas pour des mariages religieux. Cette obligation ne figure plus - officiellement du moins - au sein du couple d’aujourd’hui. Toutefois, la norme fait subir aux femmes et aux hommes une pression incroyable face à la sexualité : il faut avoir des relations sexuelles satisfaisantes sur une base régulière, la femme doit jouir sous peine d’être anormale, infantile, frigide. De plus, la norme imposée est la pénétration pénis-vagin, tel que vu à la télévision, avec orgasmes simultanés s’il vous plaît. Enfin, outre la socialisation, toutes sortes de pressions peuvent s’exercer au sein du couple pour imposer l’obligation sexuelle. Ces pressions restent du domaine privé, ce qui nous ramène vers "le privé est politique" des féministes radicales.
4. La charge physique des membres du groupe
Le dernier élément de cette analyse est celui qui fait référence au rôle de mère, éducatrice, soignante. En effet, la prise en charge des personnes incapacitées par l’âge (enfants, personnes âgées) ou par un problème de santé revient majoritairement aux femmes. Citons le site Internet de la Direction de la santé publique qui parle des proches aidants et aidantes aussi appelé-e-s des aidantes et aidants "naturel-le-s" :
"En effet, au-delà de 80 % de l’aide et des soins requis par celles-ci sont offerts par les membres de la famille. On estime que plus de 11 % des adultes, dont deux tiers de femmes, viennent en aide au moins hebdomadairement à un parent âgé et qu’ils fourniraient en moyenne plus de quatre heures d’aide et de soins par semaine."
Notons aussi la présence dans la liste "Les 20 principales professions féminines et masculines, Québec, 1991 et 2001" des métiers féminins suivants : infirmières (6ième rang), institutrices à la maternelle et au niveau primaire (8ième rang), aides et auxiliaires médicales (10ième rang), nettoyeuses (14ième rang), cuisinières (163ième rang), professeures au niveau secondaire (17ième rang), éducatrices et aides-éducatrices de la petite enfance (20ième rang). Ce sont toutes des professions reliées aux soins et à l’éducation d’autrui donc, à la prise en charge des personnes inaptes. Cette implication est ici rémunérée dans le cadre d’un métier. Toutefois, si les femmes occupent majoritairement ces postes, c’est qu’elles sont socialisées vers les métiers "d’aidantes naturelles". D’ailleurs, la publicité nous le rappelle encore et encore : c’est "docteur maman" qui soigne sa petite famille en passant par les enfants et le père parfois jusqu’au chien. Notons que maman est toujours en santé et qu’elle en a besoin si elle veut s’occuper de tout le monde !
Suite à l’étude de ces rapports d’appropriation, les féministes radicales matérialistes concluent que les séquelles de cette appropriation individuelle des femmes sont la perte d’individualité et d’autonomie bref, l’aliénation. Les femmes ne sont cependant pas appropriées qu’individuellement mais aussi en tant que classe et ce, de plusieurs façons.
Elles le sont d’abord par le marché du travail qui bien souvent ne leur permet pas de vendre leur force de travail contre le minimum nécessaire à leur existence et celui de leurs enfants, si elles en ont. Aujourd’hui encore, les femmes gagnent moins que les hommes. En 1997, leur revenu moyen ne représentait que 62 % du revenu des hommes. Toujours en 1997, 19 % de la population féminine du Canada avait un faible revenu, représentant 54 % de gens ayant un faible revenu au Canada. De plus, 56 % des femmes cheffes de familles monoparentales vivent en dessous du seuil de faible revenu. La pauvreté est donc un fait courant de la vie des femmes et contribue à les asservir aux systèmes patriarcal et capitaliste.
Les femmes sont aussi collectivement appropriées par le confinement dans l’espace. Si on ne peut plus affirmer que c’est l’époux qui décide du lieu de résidence de la famille et si la loi à cet effet a été modifiée, obligeant les couples mariés à choisir ensemble ce lieu, le confinement dans l’espace est toujours présent sous une forme différente : celle de l’intériorisation de la clôture. Cette forme d’aliénation se fait soit de façon positive par des affirmations telles que "Tu es la reine du foyer, tu es irremplaçable !", soit de façon négative par l’interdiction, l’ordre la menace, la violence et la peur.
L’appropriation collective des femmes se fait aussi par la démonstration de force c’est-à-dire par la violence physique. Rappelons que 8 % des femmes mariées ou vivant en union libre au Canada ont déjà été victime d’une quelconque forme de violence conjugale dans leur vie, qu’elles sont plus susceptibles de subir des formes plus graves de violence que les hommes victimes de violence conjugale, voire même d’homicide.
La contrainte sexuelle est un autre moyen d’appropriation de la classe des femmes. En effet, selon les données statistiques de 1997 à 2001, "les filles de moins de 18 ans composent environ la moitié des victimes d’infraction sexuelle (52 % en 2001). Suivent les femmes adultes (30 %), les garçons de moins de 18 ans (15 %) et les hommes adultes (3 %)". On dénombre annuellement 4 000 victimes d’agressions sexuelles qui portent plainte à la police alors que 8 infractions sexuelles sur 10 ne seraient pas signalées. La contrainte sexuelle peut toutefois aller au-delà de l’agression. Elle prend aussi forme dans le concours entre les hommes dont fait l’objet toute femme célibataire donc non appropriée individuellement.
Enfin, les féministes radicales des années 1970 citent comme dernier moyen d’appropriation de la classe des femmes, l’arsenal juridique et le droit coutumier. Si ce phénomène se voit mieux dans l’histoire, alors que les femmes n’étaient ni citoyennes ni sujets juridiques tout en étant soumises aux mêmes devoirs que les hommes, il est encore présent aujourd’hui, de façon plus ou moins subtile. On entend souvent parler des faibles sentences octroyées aux violeurs. Les nouvelles nous rapportent souvent le meurtre d’une femme par son conjoint qui l’avait menacée ou agressée auparavant, sans que le système judiciaire ne l’ait protégée. Enfin, pensons au gouvernement ontarien qui pourrait permettre la création de tribunaux d’arbitrage fondés sur la charia et nous retrouvons une forme peu subtile d’appropriation de la classe des femmes par le droit.
Féminisme radical de la spécificité
Le féminisme de la spécificité a choisi de mettre davantage l’accent sur les conditions concrètes de la vie des femmes, sur le vécu, la réalité. À ce titre, les théoriciennes et militantes de ce courant s’intéressent aux rapports au corps, à l’amour et à la maternité-institution. Elles revendiquent donc la création de nouvelles pratiques relatives à la maternité, au travail domestique reconnu comme un outil de contrôle, à l’avortement, à la contraception, à la santé et à la liberté sexuelle. Ce n’est pas pour rien que leur leitmotiv est "Reprenons le pouvoir sur nos corps".
Ces féministes sont les premières à émettre une analyse sur les nouvelles technologies de reproduction qu’elles conçoivent comme un outil de pouvoir aux mains des hommes et de leurs politiques natalistes. Elles vont d’ailleurs dénoncer la maternité-institution comme source d’oppression et d’appropriation. Elles s’opposent donc aux féministes de la fémelléité en parlant de contrainte à la maternité. Elles rejettent aussi le rapport au corps tel que défini par les hommes.
Enfin, elles entendent prioriser la lutte des femmes et veulent organiser des espaces de réflexion et d’actions autonomes définis par les femmes afin de développer une solidarité entre elles.
Féminisme radical lesbien
Le courant féministe radical lesbien considère l’hétérosexualité comme étant la source par excellence de la domination des hommes sur les femmes en conséquence de quoi le lesbianisme est présenté comme un choix politique. L’hétérosexualité est donc vue comme une "contrainte institutionnalisée du système patriarcal pour assurer la jouissance des hommes et asservir les femmes à la fonction de reproduction". Il s’agit de la forme la plus intime d’appropriation des femmes et de la norme sociale la plus difficile à détruire.
Ces féministes revendiquent la reconnaissance socio-politique des lesbiennes qui ont été occultées par l’histoire et qui sont victimes des préjugés sociaux. Leur leitmotiv est construit à cet effet : "la sororité dans le cadre du continuum lesbien". De la même façon, elles revendiquent aussi le droit de choisir ses orientations sexuelles.
Elles choisissent toutefois de ne pas rompre les liens avec les féministes hétérosexuelles puisqu’elles considèrent la lutte contre le patriarcat comme étant primordiale et prioritaire. Elles vont donc chercher à faire des liens entre les expériences communes entre hétérosexuelles et lesbiennes telles que le rapport au viol, à l’avortement, à la maternité, à l’argent.
Féminisme de la fémelléité
Le courant de la fémelléité est né essentiellement dans une phase pessimiste et négative du féminisme. Il s’est d’abord constitué en réaction face à l’immobilisme généralisé de la société et des structures machistes en particulier. Il est aussi issu de l’attraction des valeurs normatives que sont les discours sur l’amour, l’hétérosexualité, l’amour maternel et d’un sentiment de culpabilité de la part des femmes. Enfin, ce courant fait son apparition au début des années 1980, alors même où les projets de société plus collectiviste étaient mis de côté au profit d’un individualisme tenace.
Se sont des philosophes, des psychanalystes, des psychologues et des femmes de lettres qui vont participer à l’élaboration de ce courant théorique axé sur "l’espace féminin", sur l’existence d’un territoire, d’un savoir, d’une éthique et d’un pouvoir féminin. Au contraire des féministes égalitaires et radicales qui cherchent à abolir la problématisation de la différence entre les hommes et les femmes, les féministes de la fémelléité cherchent la reconnaissance de cette différence. Elles considèrent la féminité et le féminin comme l’expression d’un pouvoir-savoir exclusivement féminin et veulent empêcher le patriarcat et les valeurs capitalistes de prendre d’assaut ce bastion de la vie des femmes. Un bon cours d’histoire des femmes aurait suffit à leur montrer qu’il était déjà trop tard mais n’aurait peut-être pas fait taire leurs aspirations.
Leurs revendications vont donc tourner autour de thèmes tels que la réappropriation de la maternité, de la sexualité et de la jouissance en dehors des contraintes du phallocentrisme et des valeurs marchandes, la libération de l’imaginaire féminin.
Ce courant un peu étrange a à la fois des prétentions socialisantes - l’ordre social est imposé par les hommes et non par la nature - et essentialistes - la maternité est le lieu et l’espace distinctif des femmes. Par cette dernière affirmation, ce courant s’aliène toutes les femmes qui, pour une raison ou une autre - par refus de la maternité, par incapacité physique ou tout autre motif - n’auront jamais d’enfants. Il s’agit donc d’un courant fermé sur lui-même et aucunement inclusif. Enfin, il fait partie de cette tendance à dépeindre la maternité de façon uniquement positive, à encourager les mythes face à cette expérience ce qui a des conséquences fâcheuses pour plusieurs mères. De plus, considérer la procréation comme un pouvoir féminin et nier la contrainte à la maternité revient en quelque sorte à nier le fait que la maternité dans un système patriarcal se fait au profit "de l’ordre imposé par les hommes".
Voilà qui conclut cette brève tournée critique des différents courants féministes. Nous aurions aimé y inclure le mouvement queer-féministe mais le temps a manqué pour effectuer la recherche sur ce sujet. Enfin, cette présentation ne se voulant pas objective puisque son auteure avoue ouvertement sa préférence pour le courant radical, vous êtes invité-e-s à poursuivre la réflexion par vous-mêmes par la lecture (voir quelques suggestions en annexe) et par l’action.
La féminisation
Le langage influence la pensée : tout concept s’exprime grâce à lui. La langue française a été construite par des hommes. On peut dans un sens dire qu’elle était la propriété des hommes, considérant qu’à l’Académie française, de 1635 à 1980, aucune femme n’y avait de siège. Encore de nos jours, d’ailleurs, il n’y a qu’une seule femme sur ses 40 membres. Suivant la logique de la pensée alors admise que les femmes étaient inférieures, tant biologiquement qu’intellectuellement, l’instauration de la règle du masculin l’emportant sur le féminin est compréhensible. En effet, une idéologie dominante se répercute dans les structures d’une société, dont sur le plan linguistique. Avec les avancées légales concernant le statut des femmes et leur émancipation grandissante, la féminisation, d’abord des titres, puis des textes, s’est inscrite dans la lutte féministe. Elle est l’adaptation de la langue à la réalité sociologique incontournable : la moitié de l’humanité est féminine et tout aussi importante que l’autre. Contrairement à la langue traditionnelle, elle abolit la règle dictant que le masculin l’emporte sur le féminin. Ce changement en est un des majeurs ayant marqué le vocabulaire et le discours de la fin du 20ième siècle. La féminisation fut d’abord recommandée par l’Office de la langue française québécoise, dans la Gazette officielle, en 1979, pour les titres. En 1986, l’Office présente une morphologie du genre français avec les modèles et propositions de créations de formes féminines qui en découlent. Cette même année, en France, la Commission de terminologie relative au vocabulaire concernant les activités des femmes recommande aussi de féminiser les titres professionnels. Toutefois, le gouvernement Chirac entre au même moment et la circulaire de recommandation n’est pas diffusée. En Suisse, dans le Canton de Genève, depuis 1988, une loi impose aux administrations de féminiser les titres de professions et d’éliminer le sexisme dans leurs textes. L’État fédéral suisse a reconnu très tôt l’importance des dénominations féminines. Le Dictionnaire féminin-masculin des professions, des titres et des fonctions, publié à trois reprises depuis, le démontre. En Belgique, la Communauté française a adopté 1993 un décret au terme duquel les administrations de la communauté et les institutions qu’elle subventionne se doivent d’utiliser des termes féminins pour désigner les femmes dans l’exercice de leur fonction ou profession. En France, en 1998, une nouvelle circulaire prescrit la féminisation des appellations professionnelles. Un guide de règles est aussi publié. Au Québec, la féminisation des textes fut entraînée dans la même lancée que celle des titres. En 1981, à l’Office, on énonce les principes de bases guidant la féminisation. Ces principes seront repris après 10 ans de pratique dans le guide Au féminin publié en 1991. En Suisse aussi, la féminisation des textes a suivi celle des titres. En 2001, un guide, Écrire les genres, est présenté en ce sens. Toutefois, ailleurs dans la francophonie, la féminisation des titres n’a pas encore fait surgir la problématique de celle des textes. En Belgique, c’est une question théorique faisant actuellement objet d’étude des linguistes, et en France, elle n’est toujours pas abordée. L’ASSÉ a des politiques de féminisation orale et écrite dans cette suite logique. Il est important de saisir que le reproche fréquent d’alourdir les textes fait à la féminisation relève plus du manque d’habitude que du réel souci d’esthétisme. La féminisation est possible par la neutralisation d’un terme (la population étudiante plutôt que les étudiantes et étudiants) ou l’ajout du féminin (les directeurs et directrices de l’établissement ont demandé à rencontrer les responsables du Comité femmes). Une fois compris le concept que la règle du masculin l’emportant sur le féminin fut instaurée à une époque très misogyne par des hommes, il est nécessaire de faire cet effort de féminisation. Se dire égalitariste ou nier le fait d’être machiste implique plus qu’une affirmation pour l’être : cela demande des actions. Cela est au commencement, comme tout autre changement progressiste à travers l’histoire, tout d’abord étrange, demande un effort, mais devient très vite tout à fait naturel. Le fait que la féminisation ne soit pas encore globalement présente n’est pas synonyme de sa non pertinence : au contraire, comme dans tout cas d’avancée émancipatrice, elle est d’abord minoritaire, avant-gardiste, pour ensuite devenir une norme instaurée.
La parité
La parité implique la représentation adéquate des différents groupes dans une instance selon un rapport équivalent à leur nombre dans la société. Il est bénéfique que les valeurs des femmes et leur sens de la justice deviennent des composantes de la politique, et soulignons que cela n’importe pas de savoir si ces différences sont innées ou socialisées comme de reconnaître que l’humanité est composée d’individus sexués et qu’il est inacceptable d’escamoter un sexe au profit de l’autre. "L’effacement d’un sexe ne laisse jamais place à la neutralité, mais à l’autre sexe. On l’oublie que parce qu’on a déjà placé le masculin et ses modèles à la place de l’universel." Mais si la parité est nécessaire, comment l’atteindre ? On peut penser aux quotas, à la discrimination positive pour permettre aux femmes de s’insérer dans les domaines où elles sont absentes ou très peu, gardant en tête que cela n’est pas une finalité mais un moyen pour atteindre la parité, et que celle-ci ne se limite pas à une représentativité dans les instances décisionnelles mais bien dans toutes les sphères de la société. Refuser de telles pratiques sous prétexte qu’à présent ce n’est qu’une question de choix personnel d’accéder à ces postes ou en clamant que c’est inutile puisque justement les femmes seraient les égales des hommes et qu’aucun changement ne surviendrait est ridicule : "l’universel est une arme contre les différences, en tant qu’elles séparent et discriminent. L’histoire montre qu’on intègre jamais au nom de la différence mais qu’on exclut". Pourquoi certains sont-ils si réfractaires à partager le pouvoir sinon qu’une femme élue, c’est une femme qui ne l’est pas ? Il faut quitter l’universel masculin et enfin être réaliste : la réalité s’incarne dans les hommes et les femmes.
L’alternance
Cette mesure a été instaurée dans le but d’assurer la prise de parole femme lors des réunions mixtes et des assemblées générales. En fait, il est facile remarquer que ce sont en majorité des hommes qui font valoir leur point de vue lors des débats. Ils s’expriment majoritairement avec plus d’assurance que les femmes et n’hésitent point à démontrer leur désaccord ou accord devant une proposition. Aussi, les femmes, bien que ce comportement tant à s’atténuer, hésitent à poser des questions et à participer entièrement aux débats. En fait, ces comportements sont le résultat de la socialisation réalisée tout au court de l’histoire soit à tenir les femmes à l’écart de la vie publique. Il ne faut pas ignorer le fait que les femmes ont très souvent et trop longtemps représenté la subjectivité, donc, inapte à donner une opinion consistante. Ces aspects ont joué un rôle définitif quant à la confiance en soi à prendre nécessairement à s’exprimer en publique. Platon n’a-t-il pas affirmé que la philosophie et les femmes ne faisaient pas bon ménage ?
La non-mixité
Par ailleurs, le féminisme est une lutte pour les femmes et par les femmes. Pourquoi ? Puisque certaine d’entre elles pourraient se sentir intimidées par l’unique présence mâle. Comme mentionné précédemment, les femmes se sous-estiment beaucoup, ce qui ne les inciterait pas à s’ouvrir devant ces messieurs. Aussi, des femmes qui ont déjà été victimes d’agressions sous une quelconque forme, désirent souvent retrouvée leur propre dignité, viennent chercher du support et des solutions afin d’éviter ces événements. Or, il est plus difficile de faire ce cheminement en présence même des personnes qui ont le même sexe que son agresseur. De plus, les comités femmes sont souvent une occasion pour les hommes dits pro-féministes et masculinistes de répondre à leur interrogation sur la nouvelle division des tâches, par exemple. Or, bien que ce soit nécessaire de questionner nos rôles, ces questionnements recentrent le débats sur le dit "nouvel homme". Or, ce glissement entraîne la décentralisation du débat vers la situation de l’homme. Or, bien qu’il y eût des améliorations elles sont toujours oppressées et exploitées. Il faut donc laisser l’agora à celles qui ont une très mince voix. Sans compter que le féminisme est la seule lutte où les victimes sont confinées à fréquenter leurs dits "agresseurs" à tous les jours. Finalement, pouvons-nous avoir un moment de recueillement et de répit où nous pouvons être solidaires ? Le patriarcat a usé de tous ces stratèges pour nous diviser à travers l’Histoire. Mettons-y un frein, organisons-nous, entre les opprimées !
Bibliographie
L’agression sexuelle, Education Wife Assault, http://www.womanabuseprevention.com
ST-ONGE, J.-Claude, La condition humaine, p.39
CARBONNEAU, Johanne, Violence conjugale - des spécialistes se prononcent
Cette mâle assurance, de Benoîte Groult
Le Canada en statistiques, Statistiques canada, www.statcan.qc.ca
Aperçu sur l’emploi du temps des Canadiens en 1998, Enquête sociale générale de Statistique Canada : http://nadir.org/nadir/initiativ/ag...
Association des Femmes autochtones de l’Ontario (ONWA), Breaking a Free Proposal for Change to Arboriginal Family Violence, Thunder Bay, 1989.
Margaret c. Best et Liz Stimpson, Courage Above All : Sexual Assault Against Women With Disabilities, Toronto, Réseau d’action des femmes handicapées (DAWN), 1991.
Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe.
Les journaux du collectif Les sorcières.
Charte des droits et libertés des femmes.
Les revendications femmes et féministes de l’ASSÉ peuvent être classées en trois catégories. Certaines sont liées de près au domaine de l’éducation. À deux reprises, l’ASSÉ s’est prononcée en congrès pour la promotion de l’analyse féministe dans les cours, au même titre que d’autres analyses (marxiste, systémique, post-moderne, etc.), et qui plus est, que des cours soient offerts sur la question des femmes. L’ASSÉ s’est aussi prononcée contre la reconnaissance du couple en tant qu’entité dans le calcul des prêts et bourses, ce qui aurait pour effet d’éliminer le calcul de la participation financière du conjoint ou de la conjointe et de décourager les mariages - cette institution patriarcale - pour les prêts et bourses !
D’autres revendications sont plutôt liées à la question de la reproduction. Ainsi, l’ASSÉ se positionne pour le droit à l’avortement et à la contraception libre et gratuit. Voilà pourquoi la lutte contre le congrès anti-choix de novembre 2005 figure au plan d’action femmes de cette année. Dans une autre perspective, l’ASSÉ se positionne pour la promotion et l’accessibilité des garderies publiques, tout en demandant que celles-ci offrent des horaires adaptés aux cours pour les parents étudiants.
Enfin, l’ASSÉ s’est à plusieurs reprises prononcée contre la marchandisation du corps des femmes et le concept de la femme-objet basé sur un idéal féminin standardisé et répondant aux valeurs capitalistes. Différents caucus non-mixtes femmes ont d’ailleurs déjà fait savoir leur intérêt pour une campagne nationale sur le sujet, ce qui figure (encore une fois) dans le plan d’action femmes 2005-2006.
Mentionnons aussi que la CASSÉÉ (Coalition de l’ASSÉ Élargie) et le CRAM (Conseil régional de l’ASSÉ à Montréal) ont appuyé la Coalition anti-masculiniste mais qu’aucune position clairement explicitée contre le courant masculiniste n’a été adoptée. Nous devons d’ailleurs nous poser la question à savoir si nous voulons enrichir les revendications femmes de l’ASSÉ et, à ce titre, quelles seraient nos priorités. Un travail de réflexion doit donc se faire à ce sujet.
3.3.1 Masculinisme : argumentaire et contre-argumentaire
Le mouvement masculiniste est un courant conservateur né en réaction aux avancées des femmes. En effet, dans les années 1980, les féministes subissent un backlash ou un mouvement de ressac sans précédent et sont attaquées de toutes parts. C’est à cette époque que le mouvement masculiniste commence à s’organiser. Les masculinistes s’attellent donc à la défense des rôles sociaux traditionnels entre les sexes qu’ils justifient par un discours biologique, dans le but de contrer les changements sociaux. Car ces changements signifient pour eux une perte de privilèges inadmissible. Leur stratégie : victimiser les hommes, rendre les féministes responsables d’un malaise masculin qu’ils participent eux-même à créer.
Il faut comprendre que ce courant s’inscrit dans une perspective révisionniste puisqu’il nie carrément les inégalités vécues par les femmes aujourd’hui et dans l’histoire. Il considère que la pleine égalité entre les hommes et les femmes est acquise, voire même que les rôles sont aujourd’hui inversés. En conséquence, il faudrait traiter de façon symétrique tous les problèmes communs tels que la violence. Si l’idée est théoriquement intéressante, la façon dont les masculinistes s’y prennent est à critiquer : jaloux des gains chèrement acquis par des années de lutte, ils cherchent à s’approprier une part de l’argent qui finance les centres d’hébergement et d’aide aux femmes victimes de violence pour créer des centres pour hommes, plutôt que de demander de l’argent neuf. Leur entreprise en est une de destruction alors qu’elle devrait en être une d’entraide.
Selon une étude récente, il existerait "deux tendances et demie au sein du mouvement masculiniste". La première est celle des groupes misogynes. On y retrouve le masculiniste et extrémiste Yves Pageau et son site Internet "Content d’être un gars" qui publie des photos de féministes, fait du repérage dans les centres de femmes et fait des menaces à peine voilées. Le groupe "Les Égalitaristes", moins connu ferait aussi partie de cette branche du masculinisme.
La seconde tendance, la plus commune au Québec, est celle des groupes anti-féministes et regroupe des associations de défense des droits des hommes et certains groupes de pères séparés. L’organisation la plus virulente est l’Après-Rupture, dirigée par Gérard P. Lévesque. Il s’agit d’un groupe ultraconservateur, raciste, sexiste qui lutte pour les droits des pères et pour un traitement moins dur envers les hommes accusés de violence conjugale. Dans la même veine, le groupe Fathers 4 Justice (F4J), né en Angleterre prône la désobéissance civile non-violente pour faire passer son message. Par exemple, ils ont l’habitude de se déguiser en super-héros pour se faire voir et attirer l’attention des médias en montant sur le Big Ben (Londres), la tour du CN (Toronto) et le pont Jacques-Cartier (Montréal). Ces groupes militent pour la garde partagée obligatoire en cas de divorce ou de séparation, ce qui cause évidemment problème en cas de violence conjugale. On retrouve aussi les groupes Coalition pour la défense des droits des hommes du Québec (CDDHQ) et l’Action des nouvelles conjointes du Québec (ANCQ).
Enfin, la tendance la plus soft des groupes masculinistes est celle des groupes de croissance personnelle ou de thérapie de la masculinité. Notons par exemple, le groupe Autonhommie qui s’adresse aux hommes en cheminement difficile dans le but de leur redonner confiance en leur pouvoir et le Réseau Hommes Québec créé par le psychanalyste Guy Corneau. Ces deux groupes ne reconnaissent pas le patriarcat comme un système contraignant pour la femme ET pour l’homme puisqu’il impose une image de l’homme très stricte (virilité, force, puissance). Ces groupes préfèrent réfléchir à leur position de victime dans la société, sans remettre en question les valeurs qu’on leur impose. Ajoutons enfin à cette liste le Congrès Paroles d’hommes dont la dernière édition s’est tenue à Montréal (22 et 23 avril 2005) et qui sert de tremplin pseudo-scientifique aux masculinistes de tout acabit.
Les masculinistes s’intéressent à quatre thèmes principaux qu’il convient de présenter ici : le suicide chez les hommes, le décrochage scolaire des garçons, la garde des enfants, la violence conjugale.
Le suicide
Constatant un taux plus élevé de suicide chez les hommes que chez les femmes, les masculinistes tiennent ces dernières, et les féministes parmi elles en particulier, pour responsables de ce problème. En effet, les hommes se suicident quatre (4) fois plus que les femmes, situation qui est bien entendu fort déplorable. Toutefois, ce que les masculinistes oublient de mentionner c’est que les hommes et les femmes ont les mêmes taux de tentative de suicide mais que les hommes meurent plus parce qu’ils utilisent davantage de moyens violents que les femmes. Or la détresse qui se cache derrière une tentative de suicide menée à terme ou non est la même et, à ce titre, les femmes sont d’ailleurs plus nombreuses à souffrir de détresse psychologique. De plus, l’écart statistique entre le taux de suicide réussi des hommes et des femmes existe depuis 1950 et n’a donc aucun rapport avec la montée du féminisme.
Les masculinistes ont la fâcheuse tendance à occulter une partie des statistiques, à ne conserver des études que les dimensions qui les arrangent. Ainsi, lorsqu’ils parlent du suicide chez les hommes, ils oublient de mentionner que ce phénomène touche particulièrement trois types d’hommes dont ils ne parlent à peu près jamais : les autochtones, les homosexuels et les bisexuels. Or, la plupart des masculinistes tiennent des propos homophobes. Ce sont pourtant les attitudes homophobes qui poussent les jeunes homosexuels et bisexuels vers le suicide.
Décrochage scolaire
Le second cheval de bataille des masculinistes est le décrochage scolaire des garçons. Il est vrai que ces derniers décrochent davantage que les filles et ce phénomène est malheureux. Notons toutefois que depuis 15 ans, le décrochage scolaire a diminué de façon nette chez les garçons et chez les filles. Il y a donc une amélioration de la situation sur le long terme. Ce qu’il faut toutefois critiquer ici, c’est l’argumentaire dont se servent les masculinistes pour expliquer ce phénomène.
Le premier argument est que la trop forte présence des femmes dans les écoles, tant au niveau primaire qu’au secondaire, nuirait aux garçons qui ne seraient pas suffisamment en présence de modèles masculins. Sachons d’abord que le décrochage scolaire se fait généralement à partir du troisième secondaire. Or, il y a 15, alors que le taux de décrochage était spectaculaire, la majorité du corps enseignant au secondaire était composée d’hommes. Depuis, les femmes forment la majorité des professeur-e-s du secondaire et le taux de décrochage a pourtant diminué. Il faut donc éliminer le lien de cause à effet. Et pour ce qui est des modèles masculins, notons que l’histoire et l’actualité nous en offrent en quantité et qu’ils sont présentés aux jeunes : LE Premier ministre, LE président américain, LE dernier super-héros, etc.
Le second argument est que l’école favoriserait des comportements dits féminins : la docilité, l’écoute et l’attention, le travail, etc. Pourtant, l’école a toujours exigé des enfants qu’ils travaillent, même à l’époque des écoles non-mixtes que favorisent nombres de masculinistes. Si, pour ces derniers, la réussite semble avoir un sexe, c’est qu’ils adhèrent aux stéréotypes sexuels courants. Le conformisme envers les stéréotypes est pourtant un facteur d’échec scolaire et les garçons tendent à s’y plier davantage que les filles. Bref, les masculinistes, qui ne sont pas à une contradiction près, se confortent eux-mêmes dans une situation menant à l’échec scolaire des garçons.
Notons enfin que le décrochage scolaire des garçons est plutôt lié à leur origine sociale, économique et culturelle ainsi qu’au soutien de leurs parents. Notons aussi que le décrochage scolaire est plus néfaste pour les femmes que pour les garçons qui, selon les statistiques, se trouveront plus facilement un emploi que ces dernières.
La garde des enfants
Le mouvement pour le droit des pères aime bien se plaindre que, dans 85 % des cas de divorce ou de séparation, la garde des enfants échoue à la mère. Ces derniers accusent la justice d’avoir un préjugé envers les femmes et d’être envahie par les féministes. Ils oublient toutefois de mentionner que, dans la majorité des cas, la décision relative à la garde des enfants se prend hors-cour. Pour ce qui est des cas qui se rendent au tribunal, ils oublient de mentionner que la décision de la justice doit être prise dans le meilleur intérêt de l’enfant et non celui de la mère et que les juges, ces soi-disant féministes, sont en très grande majorité des hommes.
Les masculinistes aiment aussi se plaindre des pensions alimentaires trop élevées. Tout porte à croire qu’ils n’aient pas apprécié le changement à la loi qui, depuis 1995, oblige les mauvais payeurs (et les mauvaises payeuses) à s’acquitter de leur responsabilité financière envers les enfants. De plus, il est démontré que, plus les pères restent impliqués dans la vie de leurs enfants, plus ils se responsabilisent face au paiement de la pension alimentaire. Les masculinistes auraient-ils un problème avec la responsabilité parentale... ? Enfin, notons que le paiement régulier de la dite pension réduit de façon significative la pauvreté des familles monoparentales dont la majorité sont tenues par des femmes, ce qui démontre que cet argent est nécessaire.
Enfin, le dernier argument des masculinistes est que les mères limitent l’accès des pères à leurs enfants. Or, les sondages disent que la majorité des mères voudraient voir le père s’impliquer d’avantage dans la vie des enfants. Toutefois, le problème se situe davantage dans le non-respect des arrangements de visite avec le père qui annule, reporte ou retarde les visites et activités sans arrangement préalable. Enfin, après la séparation, peu de pères maintiennent des rapports réguliers avec leurs enfants à moyen terme.
La violence conjugale
D’une part, les masculinistes disent que les hommes sont autant victimes de violence conjugale que les femmes. Ils arguent que, s’il y a de 12 à 15 femmes battues qui portent plainte à la police pour 1 homme battu, c’est parce que les hommes ne vont pas à la police. Ils tiennent pourtant sous silence le fait que beaucoup de femmes décident aussi de ne pas porter plainte. Ils passent aussi sous silence le fait que les femmes sont plus susceptibles d’être victimes de violence plus graves, d’être agressées à plusieurs reprises, de subir des blessures physiques, de craindre pour leur vie. S’il est vrai que les hommes ont moins de ressources à leur disposition pour se défaire d’une situation de violence conjugale, il faut comprendre que ces ressources ne tombent pas du ciel et que les femmes se sont battues longtemps pour arriver au résultat toujours précaire que l’on connaît aujourd’hui. Il ne reste qu’à encourager les hommes à mettre sur pied de bonne foi des centres d’aide pour répondre à leurs besoins sans nuire à ceux du reste de la population.
Ce qui choque pourtant davantage dans le discours masculiniste c’est l’explication que certains d’entre eux donnent de la violence conjugale faite aux femmes. La théorie la plus ridicule et la plus populaire est celle de la "schismogénèse" du psychologue et sexologue Yvon Dallaire qui stipule que, en cas de conflit, la femme ne tient pas compte des spécificités physiques et psychiques de l’homme et que, par conséquent, elle le provoque : l’homme ne fait que réagir. On peut en tirer deux conclusions qui découlent l’une de l’autre : c’est la femme qui est responsable, c’est donc de sa faute si elle reçoit des coups car c’est elle qui aurait dû s’adapter aux spécificités de l’homme ! Discours ridicule qui occulte toujours le fait que la violence, ce n’est pas une perte de contrôle mais une prise de contrôle, une démonstration de pouvoir.
En résumé, il faut comprendre que les masculinistes sont les maîtres des statistiques tronquées, des études mal interprétées et des arguments creux. Ils cherchent d’abord et avant tout à récupérer des privilèges perdus en mettant un frein à l’émancipation des femmes.
3.3.2 Quelques groupes pro-féministes
Il existe des avenues pour les hommes qui considèrent que l’oppression des femmes a assez duré et que le patriarcat nuit à l’ensemble de la société en imposant des normes sociales sexistes. Ces hommes doivent d’abord se solidariser avec les femmes qui dénoncent le système de la société et s’entraîner à ne plus encourager les manifestations de sexisme par un silence perçu comme une approbation. Ils doivent aussi être critiques face à leurs propres attitudes machistes et chercher à les désapprendre. Au-delà des actions possibles dans la vie de tous les jours, les hommes peuvent participer aux différents comités femmes lorsque ceux-ci sont mixtes. Toutefois, il faut respecter le besoin de certaines femmes de travailler en non-mixité. Il faut aussi éviter d’être la voix masculine qui monopolise le dialogue dans les réunions, comme c’est trop souvent le cas.
Certains hommes ont toutefois choisi d’aller plus loin en formant des groupes d’hommes pro-féministes non-mixtes. Le Collectif masculin contre le sexisme est né à Montréal le 4 novembre 1981 dans une perspective de lutte contre le patriarcat et existe encore aujourd’hui. Il se concentre particulièrement dans la lutte contre le discours masculiniste. Il participe à différentes actions féministes et anime des discussions sur une pléiade de sujets. Le groupe Hommes contre le patriarcat, fondé aux alentours de 2004, "est un groupe affinitaire pro-féministe radical, contre le patriarcat et la différenciation sexuelle/genrée, dans une perspective anti-capitaliste, anti-État, anti-racisme ; bref contre tous les systèmes d’oppression". Ce groupe ne se définie pas comme opprimé par système patriarcal, car ces hommes sont conscients que ce système leur octroie des privilèges au détriment des femmes et qu’ils en sont donc les bénéficiaires. Ils choisissent plutôt de refuser ce pouvoir dans une perspective égalitaire.
Il est donc possible pour les hommes de participer à la lutte féministe. Il faut toutefois noter que certaines féministes sont parfois méfiantes envers les groupes non-mixtes hommes, non sans raison. C’est qu’il faut une bonne dose d’autocritique pour faire partie d’un collectif pro-féministe et que la crainte de la solidarité macho est toujours présente. Il n’est pas rare de voir des hommes entre eux se conforter dans leurs attitudes machistes et se donner raison plutôt que d’examiner leurs comportements. C’est d’ailleurs de cette façon que sont nés les groupes masculinistes tant décriés par les féministes et pro-féministes.
A) Définitions des termes
Patriarcat :
1. C’est une "forme de famille fondée sur la parenté par les mâles et sur la puissance paternelle ; structure, organisation sociale fondée sur la famille patriarcale." (Le ROBERT pour tous, 1994 : 821) [1]
2. C’est "un système social ayant pour responsable familial le père, en qualité de chef de famille. La perpétuation de cette autorité passe notamment par la transmission du nom de famille par le père, la subordination des femmes à leur père puis leur mari. Étant donné qu’il établit une séparation des sexes sur les responsabilités et l’autorité, c’est un système sexiste." (WIKIPEDIA, 2005 : non paginé) [2]
3. "[...] C’est un système basé sur le pouvoir et le privilège des hommes. [...]" "Les femmes se retrouvent alors confinées dans un rôle accessoire, réduites à l’impuissance, au silence." Ce système "[...] édifie des structures sociales, politiques, économiques, juridiques et même religieuse [...]" ce qui oppresse les femmes et les confine à leur rôle. (RFAT, 1997 : 6) [3]
Sexe :
1. "Ensemble des individus appartenant au même sexe. On distingue le sexe femelle et le sexe mâle, mais en parlant des êtres humains, on utilise les termes sexe féminin et sexe masculin. Ensemble des caractéristiques anatomiques et des éléments fonctionnels distinguant le mâle de la femelle." Grand dictionnaire, 2005 : non paginé) [4]
2. "Conformation particulière qui distingue l’homme de la femme en leur assignant un rôle déterminé dans la reproduction." (Le ROBERT pour tous, 1994 : 1034)
Genre :
1. "En grammaire et en linguistique, le genre est un trait grammatical permettant de répartir certaines classes lexicales en un nombre fermé de catégories répondant très vaguement à des critères liés au sexe, pour les mots représentants des animés. 2) En biologie, le genre est une classe au-dessus de l’espèce, c’est-à-dire une classe dont l’une des parties est l’extension d’une espèce." (WIKIPEDIA, 2005 : non paginé)
2. "En sciences sociales et en médecine, le concept de genre a été créé pour faire référence aux différences non biologiques (psychologiques, mentaux, sociales, économiques, démographiques, politiques...) distinguant les hommes et les femmes." (WIKIPEDIA, 2005 : non paginé)
3. "C’est une différenciation sociale de base ou découle des conséquences tels que les types de vêtements portéEs, les comportements physique ou psychologique, les inégalités d’accès aux ressources matérielles, etc." (HIRATA, LABORIE, LE DOARÉ et all.,2000 : 192) [5]
Sexage :
1. "Ensemble des dispositifs et configurations ethno-sociales reliée à la délimitation des sexes, à la relation entre les sexes, à l’orientation sexuelle et aux moeurs sexuelles. Malgré un codage explicite très articulé dans la majorité des sociétés humaines, les rapports de sexage [...] habituellement patriarcal. Le principal problème du sexage consiste à se demander si la définition de l’identité sexuelle des individus et des groupes est exclusivement une construction sociale, exclusivement une détermination biologique ou une combinaison à dominante des deux." (WIKIPEDIA, 2005 : non paginé)
Hétérosexisme :
1. "L’Hétérosexisme, l’hétérocentrisme ou l’hétérosexualisme. C’est la supposition que tout le monde [...] est hétérosexuel. Cela se distingue de l’homophobie dans le sens où cela n’implique pas nécessairement de l’hostilité envers d’autres orientations sexuelles, mais c’est simplement le fait de ne pas prendre en compte leur existence." (WIKIPEDIA, 2005 : non paginé)
2. "Système de pensée idéologique faisant de l’hétérosexualité la norme unique à suivre en matière de pratique sexuelle." (Grand dictionnaire, 2005 : non paginé)
Machisme :
1. "Attitude sexiste qui consiste à attribuer une supériorité à l’homme, à la virilité." (Grand dictionnaire, 2005 : non paginé)
Macho :
1. "Homme considéré sous le rapport de sa supériorité en tant que mâle. Homme phallocrate." (Grand dictionnaire, 2005 : non paginé)
2. "Homme qui prétend faire sentir aux femmes sa supériorité de mâle." (Le ROBERT pour tous, 1994 : 682)
Phallocrate :
1. "Personne (surtout des hommes) qui considère les femmes comme inférieures aux hommes." (Le ROBERT pour tous, 1994 : 682)
2. "Se dit d’un homme dont les conceptions aboutissent à considérer l’homme comme un être supérieur à la femme." (Grand dictionnaire, 2005 : non paginé)
Phallocratie :
1. "Forme de sexisme consistant en une domination des hommes et de la symbolique du phallus sur les femmes. Domination des hommes sur les femmes." (Grand dictionnaire, 2005 : non paginé)
Sexisme :
1. "Attitude discriminatoire fondée sur le sexe. Doctrine prônant la suprématie du sexe masculin." (Grand dictionnaire, 2005 : non paginé)
2. "Le sexisme est une forme de discrimination qui repose sur la distinction axiologique, naturelle ou non, de plusieurs genres sexuels ; ce terme recouvre ainsi des traditions, des [comportements et des idéologies qui posent une différence de statut et de dignité entre l’homme et la femme.] Dans la mesure où le sexisme définit le rapport hiérarchique ou non des deux sexes, c’est une forme de catégorisation sociale, morale, politique, religieuse, philosophique, économique, qui impose des normes de comportements aux deux sexes, et dont les deux sexes peuvent également souffrir." (WIKIPEDIA, 2005 : non paginé)
Socialisation :
1. "Apprentissage de la vie en société visant l’adaptation à l’environnement social, par l’assimilation des normes, des valeurs, des structures intellectuelles et culturelles et des savoirs pratiques du milieu." (Grand dictionnaire, 2005 : non paginé)
2. "Le terme socialisation désigne l’ensemble des mécanismes par lesquels l’individu intériorise les normes et valeurs de son groupe d’appartenance et construit son identité sociale. C’est de ce processus que dépend son intégration au sein du groupe, et plus largement de la société tout entière. Les valeurs sont les manières qu’une société considère comme devant être respectée. Il s’agit d’idéaux partagés par les membres de cette société." (WIKIPEDIA, 2005 : non paginé)
La Théorie Queer :
1. "Il s’agit de mettre en évidence le fait que la sexualité n’est pas juste une affaire privée et que les normes hétérosexuelles sont omniprésentes dans l’espace publique, que l’on parle d’espace physique ou médiatique, idéologique. Son but est de rendre cet espace véritablement démocratique (d’où la référence à la nation), sans danger et source de plaisir pour tou-te-s. Sa tactique est de visibiliser de vastes espaces de normalisation, de franchir les frontières balisées ou invisibles (implicites) entre le monde normal et le monde queer. C’est l’étude critique des processus de construction identitaire autour des questions sexuelles." (TOMILIO, 2005 : Non paginé) [6]
B) Nuance dans les termes
Sexe et Genre :
"On oppose généralement le sexe comme ce qui relève du biologique et le genre comme ce qui relève du social. Les sociétés humaines [...] surdéterminent la différenciation biologique en assignant aux deux sexes des fonctions différentes." (HIRATA, LABORIE, LE DOARÉ et all., 2000 : 191-192)
"Le genre s’exerce matériellement dans deux champs fondamentaux 1) la division sociosexuée du travail et des moyens de production ; 2) l’organisation sociale dans la procréation, ou les capacités reproductives des femmes sont transformées et le plus souvent exacerbées par diverses interventions sociales." (Idem )
Division sexuelle du travail et rapports sociaux de sexe :
"Les situations des hommes et des femmes ne sont pas le produit d’un destin biologique, mais sont d’abord des construits sociaux. Ils forment deux groupes sociaux qui sont engagés dans un rapport social spécifique : les rapports sociaux de sexe." Ils "[...] ont une base matérielle, en l’occurrence le travail, et s’expriment à travers la division sociale du travail entre les sexes, nommée, de façon plus concise : division sexuelle du travail." (HIRATA, LABORIE, LE DOARÉ et all., 2000 : 39)
Public et privé
« Le privé est politique »
"Tout rapport de pouvoir, de domination, d’oppression, est en fait un rapport politique." (HIRATA, LABORIE, LE DOARÉ et all., 2000 : 175)
Les niveaux de sexisme : (WIKIPEDIA, 2005 : non paginé)
"1. Le fait de penser qu’un genre sexuel est supérieur à un autre."
"2. Le fait de penser que les hommes et les femmes sont différents par nature, et que ceci doit se refléter fortement dans la société."
"Mais dans la mesure où le sexisme se traduit la plupart du temps par des inégalités au détriment des femmes, il est devenu courant de désigner par ce mot les différences et inégalités subites par les femmes. Il est également utilisé par des hommes conservateurs et traditionalistes s’opposant à l’émancipation des femmes. Le concept de sexisme sert ainsi à cerner cette différenciation à tendance inégalitaire qui peut aboutir à la domination d’un sexe sur l’autre, soit de l’homme sur la femme dans la société patriarcale et est utilisé par ses opposants pour mieux la combattre."
"La misogynie est un sentiment d’hostilité, de dédain qu’éprouvent certains hommes à l’égard des femmes. C’est l’une des deux formes de sexisme."
La socialisation dans le patriarcat
"La socialisation dans une société patriarcale s’effectue sur la base de valeurs sexistes auxquelles sont rattachés des rôles et des modèles sexués. La socialisation des hommes des femmes diffère au niveau de l’apprentissage de leur rôle et de leur pouvoir. Ainsi, les garçons apprennent qu’ils peuvent et doivent dominer leur environnement ; ils intègrent aussi qu’il ne leur est pas ou peu permis d’exprimer leurs émotions et leur affection en dehors de la sexualité. Les filles, au contraire, apprennent la dépendance, la prudence, la douceur, l’émotivité, l’impuissance ; ce qui les prépare à remplir un rôle de soutien et de services. Les hommes ont donc défini par tradition des rôles socialement actifs pour les hommes (pouvoir, direction, ambition, intelligence, force, rationnel) et socialement passif pour les femmes (émotion, dévouement, soin, soutien) qui ont comme fonction de mettre en valeur les hommes et leur pouvoir." (RFAT, 1997 : 7-8)
Quelques suggestions de lecture
Féminisme égalitaire
Elizabeth Badinter, Fausse route et XY de l’identité masculine (Badinter est un personnage ambigu dont les ouvrages sont souvent cités par les masculinistes. À vous de juger.)
Françoise David, Du pain et des roses et Le mouvement des femmes et l’économie sociale.
Betty Friedan, La femme mystifiée.
Eleanor Maccoby
Féminisme radical
Susan Brownmiller, Le Viol.
Nancy Chodorow, Feminism and psychoanalytic theory.
Christine Delphy, L’ennemi principal.
Shulamith Firestone, La dialectique du sexe.
Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir.
Luce Irigaray, Spéculum de l’autre femme ; Ce sexe qui n’en est pas un ; Parler n’est jamais neutre et Éthique de la différence sexuelle.
Kate Millett, La politique du mâle.
Juliet Mitchell, Psychanalyse et féminisme.
Féminisme radical lesbien
Charlotte Bunch.
Adrienne Rich, "La contrainte à l’hétérosexualité et l’existence lesbienne", Nouvelles questions féministes, no 1, mai 1981, p. 5- 43.
Monique Wittig, La pensée straight.
Féminisme de la fémelléité
Marie Cardinal, Les mots pour le dire.
Nancy Friday, Ma mere, mon miroir.
Carol Gilligan, Une si grande différence.
Germaine Greer, Sexe et destinée.
Julia Kristeva.
Annie Leclerc, Parole de femme.
Christiane Olivier, Les enfants de Jocaste : L’empreinte de la mère.
Evelyne Sullerot, Le fait féminin.
Néo-conservatisme féminin (pour se fâcher un peu !)
R.E.A.L. Women : http://www.realwomenca.com/ (Realistic, Equal, Active for Life Women)
Mouvements anti-choix (Pro-vie) : Campagne Québec-Vie : http://www.cqv.qc.ca/
Queer
Butler, Judith, Le pouvoir des mots : Politique du performatif et Gender Trouble, Bodies That Matter, etc.
Les groupes féministes et liens Internet sur le féminisme
1. Documentation et ressources
NetFemmes : http://netfemmes.cdeacf.ca/index.php
C’est un réseau d’information pour les femmes et par les femmes. C’est un bottin de ressource, d’emploi et d’information. Il y a un calendrier d’événements féministes, de la documentation et un bulletin électronique.
Cybersolidaires : www.cybersolidaires.org
Un site rempli de ressources, de documentations et d’information et de liens sur les organismes féministes à travers le monde.
Sisyphe : http://sisyphe.org/
Ce site contient entre autres des articles sur la condition des femmes, sur la politique, sur les droits humains et sur les rapports de pouvoirs, etc.
Womenspace : http://repertoire.womenspace.ca/dir...
Un site rempli de liens sur des sites féministes, d’information sur le travail des femmes et sur la condition féministe, c’est de l’activisme en ligne.
Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF) : http://www.criviff.qc.ca
Un site qui contient de la documentation, des statistiques, des mémoires, des thèses et de références.
2. Organismes gouvernementaux
Le conseil du statut de la femme (CSF) : http://www.csf.gouv.qc.ca
Site gouvernemental avec des liens, ressources, statistiques et documentation. Il y a, entre autres, des recherches intéressantes sur la situation des femmes étudiantes.
"Le Conseil du statut de la femme est un organisme gouvernemental de consultation et d’étude qui veille, depuis 1973, à promouvoir et à défendre les droits et les intérêts des Québécoises. Il conseille le gouvernement du Québec sur tout sujet qui concerne la condition féminine et fournit de l’information pertinente aux femmes et au public." (CFS, 2005)
Condition féminine Canada (CFC) : http://www.swc-cfc.gc.ca/
Le site Internet qui contient des publications intéressantes et des renseignent sur les programmes gouvernementaux en matière de condition féminine.
"Condition féminine Canada (CFC) est l’organisme fédéral responsable de promouvoir l’égalité entre les sexes et d’assurer la pleine participation des femmes à la vie économique, sociale, culturelle et politique du pays." (CFC, 2005)
3. Organismes communautaires
Stella : www.chezstella.org
Leur site Internet est rempli d’information sur le travail du sexe à travers le monde. Il renseigne également sur les luttes des femmes de la rue.
Stella est un organisme féministe conçu par et pour les travailleuses du sexe. L’organisme mène une lutte intense "pour améliorer la qualité de vie des travailleuses du sexe et de sensibiliser l’ensemble de la société aux différentes formes et réalités du travail du sexe." (Stella, 2005)
Femmes Africaines, Horizon 2015 (FAH2015) : http://www.setisite.com/cls/fah/
"FAH2015 est un Réseau d’africaines, de chercheures, de spécialistes du développement humain et d’intervenantes sociales." (FAH2015, 2005) L’organisme existe depuis 1994 et il fait de l’éducation populaire et diffuse de l’information sur les femmes Africaines. Il travaille à l’intégration des femmes africaines au Québec et au Canada et il essaie de créer un sentiment d’appartenance au Québec tout en faisant transparaître leur origine. Le site Internet regroupe des dossiers et références sur les conditions des femmes africaines.
Femmes Autochtones Québec (FAQ) : http://www.faq-qnw.org/
L’organisme s’est fondé en 1974, "il représente les femmes des Premières Nations du Québec ainsi que les femmes autochtones qui vivent en milieu urbain." Il lutte pour de meilleures conditions de vie en faisant la promotion de la non violence, de la justice, de l’égalité des droits et de la santé et l’implication politique des femmes. L’organisme fait également des formations socio-économiques et de l’éducation populaire. Le site Internet regroupe des dossiers, des liens et références sur les conditions des femmes autochtones. (FAQ, 2005)
Les centres d’aide pour victime d’actes criminels (CAVAC) : http://www.cavac.qc.ca/
"Les CAVAC prêtent leur aide à toute personne, quelle qu’elle soit, qui a été victime d’un crime commis au Québec - par geste, menace ou omission - contre sa personne ou contre ses biens. Le crime peut, par exemple, prendre la forme de taxage à l’école, de menaces, de vol par effraction, de harcèlement, d’agression ou autres." (CAVACS, 2005) Les CAVAC offrent des services d’intervention, d’information sur les processus judiciaires, de l’accompagnement et de références.
Les CALACS : Regroupement des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) : http://www.rcalacs.qc.ca/
Les CALACS offrent services qui touchent à tous les secteurs d’intervention reliés à la problématique des agressions à caractère sexuel faites aux femmes. Il offre de l’aide directe telle que de l’accueil, de l’information et des références de l’intervention individuelle et de groupe, un support téléphonique 24 heures, de l’accompagnement médical et judiciaire et de la documentation. Les centres font également de la prévention et de la sensibilisation. Ils ont également un volet lutte et revendications telles que la défense de droit et de l’implication politique non partisane. Il y a des centres dans toutes les régions du Québec.
Les Centres des Femmes : L’R des centres de femmes : http://www.rcentres.qc.ca
"Le Centre de femmes est une initiative locale, créée et gérée par et pour les femmes de son milieu. L’approche y est clairement féministe ; on reconnaît que les femmes subissent une discrimination spécifique dans tous les domaines [...]" culturels sociaux et personnels. (L’R, 2005) Dans chaque centre, il y a trois sphères d’activité. Il y a le volet service (références, relation d’aide individuelle, accompagnement, garderie, etc.) Il y a le volet activités éducatives (café-rencontre, ateliers, cours, groupes d’entraide, centre de documentation, etc.) et le volet actions collectives pour l’égalité des femmes et la justice sociale (participation au conseil d’administration, manifestations, représentation politique, journées thématiques, développement régional et local, etc.) Sur le site Internet, on y trouve des ateliers et de l’information très pertinente sur la condition féminine.
4. Réseaux féministes
Fédération des femmes du Québec (FFQ) : http://www.ffq.qc.ca/
"La Fédération des femmes du Québec (FFQ) est une organisation féministe autonome qui travaille, solidairement et en alliance avec d’autres groupes, à la transformation des rapports sociaux de sexe dans toutes les activités humaines en vue de favoriser le développement de la pleine autonomie des femmes et la reconnaissance véritable de l’ensemble de leurs contributions à la société." (FFQ, 2005)
Les valeurs transmises par la FFQ sont l’égalité, l’équité, la dignité et la justice. La fédération lutte pour le droit des femmes et pose un regard critique sur le Québec. Elle lutte pour toutes les femmes tout en ayant un axe important pour les femmes démunies, les minorités, les immigrantes, les autochtones, les handicapées et les lesbiennes. Le site Internet contient une bibliographie assez exhaustive de divers ouvrage féministe.
Portail Antipatriarcat : www.antipatriarcat.org
C’est un portail d’information qui regroupe des sites Internet de groupes féministe et pro-féministe radical. Les sites contiennent les plates-formes, valeurs et actions des divers groupes. Le portail contient des analyses féministes d’un point de vue plus radical.
La Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) : http://www.fqpn.qc.ca/
La FQPM est un organisme québécois qui lutte pour avoir des soins de santé sexuelle adéquats pour les femmes et il offre des services professionnels aux femmes de tout âge dans divers CLSC du Québec. Leur site Internet contient des publications en lignes, de l’information et des ressources. Il regroupe les actions de la fédération et des dossiers sur la contraception, l’avortement, les technologies de reproduction, la santé reproductive et sexuelle, etc.
Les Panthères Roses : www.lespantheresroses.org
Un site qui contient de l’information sur le mouvement Queer radical au Québec et un peu partout dans le monde. C’est un groupe qui fait des actions afin de "mettre en évidence le fait que la sexualité n’est pas juste une affaire privée et que les normes hétérosexuelles sont omniprésentes dans l’espace publique, que l’on parle d’espace physique ou médiatique, idéologique." (Sylvie Tomilillo, 2005)
Questionnaire de l’hétérosexualité
1. D’où pensez-vous que puisse provenir votre hétérosexualité ?
2. Quand et dans quelles circonstances avez-vous décidé d’être hétérosexuel ?
3. Se peut-il que votre hétérosexualité ne soit qu’une phase difficile et troublante à passer ?
4. Se peut-il que vous soyez hétérosexuel parce que vous craignez les personnes du même sexe ?
5. Si vous n’avez jamais couché avec un partenaire du même sexe, comment savez-vous que vous ne préféreriez pas cela ? Se peut-il qu’il vous faille une bonne expérience homosexuelle ?
6. À qui avez-vous avoué votre hétérosexualité ? Comment ont-ils réagi ?
7. L’hétérosexualité ne dérange pas tant qu’on ne fait pas étalage de ses sentiments. Pourquoi toujours parler d’hétérosexualité ? Pourquoi tout centrer là-dessus ? Pourquoi donc les hétérosexuels font-ils toujours un spectacle de leur sexualité ? Pourquoi ne peuvent-ils pas vivre sans s’exhiber en public ?
8. La grande majorité des agressions sexuelles sur les enfants sont dues à des hétérosexuels. Croyez-vous que votre enfant soit en sécurité en présence d’hétérosexuels ? Dans la classe d’un professeur hétérosexuel en particulier ?
9. Plus de la moitié des couples hétérosexuels qui se marient cette année divorceront dans les trois ans. Pourquoi les relations hétérosexuelles sont-elles si souvent vouées à l’échec ?
10. Devant la vie malheureuse que mènent les hétérosexuels, pouvez-vous souhaiter à votre enfant d’être hétérosexuel ? Songeriez-vous à envoyer votre enfant chez le psychologue s’il venait à avoir des tendances hétérosexuelles ? Seriez-vous prêt à faire intervenir un médecin ? À lui faire entreprendre une thérapie suivie pour qu’il change ?
Disponible sur Internet : http://www.lambda-education.ch/cont...(24 juillet 2005)
[1] Le ROBERT pour tous (1994). Paris, Éditions du club France Loisir, 1277 pages.
[2] WIKIPÉDIA (2005). L’encyclopédie libre. En ligne : http://fr.wikipedia.org/wiki/accueil, page consultée le 18 septembre 2005.
[3] Regroupement des Femmes de l’Abitibi-Téminscamingue (1997). Portes ouvertes sur les groupes féministes d’action et de service pour femmes victimes de violence en Abitibi-Témiscamingue, Rouyn-Noranda, RFAT, 165 pages.
[4] Le grand dictionnaire sociologie (2005). En ligne : http://www.granddictionnaire.com, page consultée le 18 septembre 2005.
[5] HIRATA, LABORIE, LE DOARÉ et all., (2000). Dictionnaire critique du féminisme, Paris, Les Presses Universitaire de France, 299 pages.
[6] TOMILIO, Sylvie (2005). QUEER : CE N’EST PAS NORMAL ! En ligne : http://www.lespantheresroses.org/te..., page consultée le 18 septembre 2005.